Essai Zero DSR-X: l’aventure sous haute tension

Actualités Essais Motos Vincent Marique
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Un essai signé Frédéric Daveloose paru dans le Moto 80 #863, et désormais disponible en ligne.

Objet de nombreuses spéculations depuis plusieurs mois, le nouveau modèle de Zero Motorcycles a, enfin, été dévoilé ce 13 septembre. Pour présenter cette moto électrique typée «adventure sport», la marque californienne a sorti le grand jeu en nous conviant en Sicile pour un essai mixte.

La Zero Motorcycles DSR-X, dont la consonance évoque presque un modèle concurrent italien très récent à moteur thermique, est la première moto du constructeur américain dans le secteur des maxi-trails à vocation routière. Zero y voit, en Europe, 40% de parts de marché des motos de plus de 700cc. Et fort logiquement, la marque californienne veut prendre son morceau de gâteau. Cependant, les motos typées aventures sont associées à une image de voyage au long cours. Dans l’imaginaire collectif, cela se traduit davantage par l’image d’un Ewan McGregor évoluant au milieu des steppes de Mongolie, que par une attente forcée à côté d’une borne de recharge sur un parking d’autoroute. Comment la marque américaine a-t-elle tenté de résoudre ce dilemme, et y est-elle parvenue? Voyons cela…

390.000km

D’un point de vue technique, la DSR-X est une évolution des motos existantes dans la gamme puisque le châssis est le même que celui de SR-S, qui en retour reçoit pour 2023 les améliorations de batterie et de moteur de la DSR-X. Les suspensions Showa sont, par contre, spécifiques et adaptées à ce modèle trail qui nous intéresse aujourd’hui: 190mm de débattement et une meilleure tolérance pour le tout-terrain. Les roues à bâtons prévues dans la dotation standard peuvent être substituées, en option, par des roues tubeless à rayons et les pneus Pirelli sont soit des Scorpion Trail 2, soit des Scorpion Rally ST pour un usage davantage orienté TT. De son côté, le groupe motopropulseur se base sur le moteur ZForce 75-10 à aimants permanents. Ce bloc développe un couple de 225Nm pour une puissance maximum de 75kW ou 100ch à 3.600tr/min. L’électricité se voit stockée dans un bloc d’alimentation de 17.3kWh. Cette batterie imposante en taille n’est pas amovible et peut, en option, recevoir l’assistance d’un powerpack additionnel de 6.6kWh occupant alors le rangement disponible dans le faux réservoir. Comme la moto, la batterie bénéficie d’une garantie de cinq ans et promet de conserver une capacité de 80% après 390.000km en cycle urbain.

Le temps de recharge à 95%, avec le module de charge de 6,6Kw embarqué, est annoncé entre deux heures sur une borne de recharge «Type 2» et (au minimum) cinq heures sur une prise domestique. La communication à ce sujet reste un peu nébuleuse et la différence des standards et tensions entre l’Europe et les États-Unis n’aide pas. Si l’électromobilité commence à se faire une place dans la mobilité, on admettra que le monde de la moto, majoritairement à vocation de loisirs chez nous, se montre un peu frileux lorsque la motorisation électrique est abordée. Plus attachés aux caractéristiques et aux spécificités propres à chaque type de moteur thermique, les propriétaires motards ne voient pas, en général, d’un très bon œil cette évolution. Au contraire, ils la perçoivent davantage comme une restriction imposée à leur passion plutôt qu’une évolution technologique bienvenue. C’est avec ceci à l’esprit, mais sans me montrer réticent, que j’ai abordé cet essai.

Prix en question

En statique, la DSR-X ne bouleverse pas les canons stylistiques du segment. Disponible en blanc ou vert pistache, elle avance surtout un «réservoir» assez imposant, comme chez les concurrentes thermiques. Pour coller à l’image classique que l’on se fait d’une moto? Peut-être. En tout cas, on se demande pourquoi Zero n’a pas profité de la relative inutilité de ce réservoir pour offrir une cure d’amaigrissement à la machine, une obsession habituelle, par exemple, sur des motos sportives. On constate donc, ici, que l’image prend un peu le pas sur la fonction. Assez sobre visuellement, la DSR-X ne présente pas d’éléments qui attirent spécifiquement le regard. La finition se révèle correcte mais au vu de l’équipement standard (freins J.Juan, suspensions conventionnelles sans électronique, pas de régulateur de vitesse, commodos un peu basiques, jantes moulées), on constate que le prix de vente de 26.950€ est surtout justifié par le moteur et la batterie ; le reste se positionnant au niveau des trails affichés à moins de la moitié de ce tarif pas piqué des vers. Mais alors, ce supplément se justifie-t-il par un plaisir de conduite en rapport? Je peux tuer le suspense dans l’œuf et répondre immédiatement oui. Pour une bonne partie, le prix se retrouve dans un agrément de conduite indéniable…

Dès les premiers kilomètres en Sicile (après avoir quitté l’emplacement de parking à l’aide de la fonction marche arrière bienvenue), on retrouve une position assez classique «maxi-trail» même si je trouve l’assise standard une peu basse pour mes 187cm. Le confort se révèle globalement bon et la bulle réglable manuellement offre une bonne protection. Le frein avant donne un rendu correct mais suffisamment puissant, la pédale du frein arrière souffrant, par contre, d’une course trop longue (surtout en utilisation TT). Sur les routes parcourant l’Etna, où l’on trouve un terrain de jeu sinueux et bien revêtu comme on l’aime, la nouvelle Zero Motorcycles montre que sa motorisation est excellente. Oui, la DSR-X pousse au pilotage sportif: malgré des suspension sans fioritures, cette moto, bien équilibrée et agile, se place avec facilité mais surtout sort de courbe avec une précision impeccable, la puissance disponible en mode «Sport», et surtout la façon dont elle est délivrée, donnant la banane à chaque virage.

Sur l’angle

Les corrections sur l’angle, les accélérations pour un dépassement un peu osé, les freinages tardifs… tout paraît facile et l’on profite d’un esprit serein pour se concentrer sur les trajectoires et l’environnement. Dans un premier temps, cela permet une conduite plus prudente car les sens sont davantage disponibles pour analyser les dangers: pas d’embrayage-débrayage, pas de changement de vitesse à effectuer, pas de frein moteur à gérer… Le souci, c’est que le corps s’adapte vite et la facilité est utilisée pour repousser aussitôt les limites, même sur un parcours inconnu. L’absence de vibration et la sonorité d’un moteur ne sont plus des éléments qui rappellent à l’ordre et les vitesses atteintes surprennent lorsque l’on pose les yeux sur l’écran TFT. La puissance de 100ch, qui pourrait paraître modeste sur un bloc thermique, n’est pourtant pas comparable car le couple moteur de 225Nm se révèle disponible avant la moindre montée en régime. Et donc, concrètement, les accélérations de la DSR-X donnent l’impression d’évoluer sur une moto au bloc thermique au moins 50% à 60% plus puissant.

Sur l’angle, revenons-y, car c’est là qu’est le plaisir à moto. La réponse parfaite de la poignée des «gaz» et le contrôle de traction Bosch forment une paire que je n’ai jamais pu mettre en défaut: on corrige de quelques degrés de rotation et, sans aucun délai, la moto réagit. On ouvre en grand, et le MTC régule en toute discrétion, sans les à-coups d’injection inévitables en thermique, offrant des sorties de courbe formidables. En tout-terrain, la DSR-X ne promettait, hélas, pas grand-chose avec sa monte Pirelli Trail 2 à vocation routière. À l’heure de quitter l’asphalte, malgré le passage sur le mode conduite «Off Road» (contrôle de traction moins intrusif, ABS arrière désactivé), les appréhensions semblaient justifiées. Mais très vite, cette exemplaire relation «poignée droite – roue arrière» a fait merveille et le dosage linéaire et sans saccade inspirent une confiance insoupçonnée. Sur le sec, évidemment, la DSR-X s’en sort très bien au milieu des cailloux, des chemins très poussiéreux et des racines. Les suspensions montrent cependant leur limites et même avec une monte pneumatique plus adéquate, on ne s’attend pas à encaisser facilement les gros trous ou à s’envoler sereinement sur les bosses. Mais la moto reste très maîtrisable, j’ai même pris beaucoup de plaisir avec contrôle de traction complètement déconnecté afin d’expérimenter de jolis travers sans m’occasionner de frayeurs.

Question de modes

Très séduit par cette motorisation et par la façon dont on la contrôle, j’ai majoritairement utilisé le mode Sport fournissant les accélérations les plus franches et le frein moteur le plus réduit. Les performances en mode Standard ne sont pas tellement en retrait. Par contre, en mode Éco, il faut se souvenir que les performances sont réduites si on veut entamer un dépassement et que votre cerveau est encore calibré sur le mode Sport. Heureusement, on passe très facilement d’un mode à l’autre en pleine action. Par ailleurs, le mode Eco se révèle assez agréable pour épargner la batterie dans les longs parcours en descente, la régénération procurant un frein moteur bienvenu et les accélérations se voyant évidemment assistées par la gravité. Mais parfois, en conduite sportive, la régénération sur ce mode Eco se révèle tellement présente qu’il faut conserver un «filet de gaz» pour ne pas briser le rythme excessivement. Ce mode semble aussi un peu inconfortable en duo car les «freinage régénératifs» malmènent le passager avec ses transferts de masse.

Avec ce choix du mode Sport pour l’essai, il m’importait surtout de juger au mieux des promesses de la marque californienne en termes d’autonomie, à savoir la distance disponible en utilisant la moto de la façon qui me plait, sans trop m’encombrer de rouler à l’économie. Ce choix n’est probablement pas le plus «politically correct» mais personnellement, je considère la moto comme un loisir et je l’utilise comme telle. L’usine annonce une autonomie de 290km en cycle urbain ce qui, contrairement à la conso thermique, est le cycle le plus «sobre». Assis sur la moto, batterie chargée à 110% (recommandé exclusivement pour un usage immédiat), la prévision est de 222km, déterminée par le tempo du précédent conducteur sur la moto. À l’issue des 90km du test (83km de routes sinueuses avec dénivelés, et 7km en TT soft), je rentre au parking avec une charge restante de 40% et une autonomie prédictive de… 63km. Soit, environ, une autonomie de 150km avec une batterie chargée à 110%. Si tout cela est linéaire, les chiffres présentés avec une charge à 95% comme référence offriraient 122km de plaisir au motard un peu énervé de la poignée droite. D’autres essayeurs, plus raisonnables, ont effectué le même parcours en consommant 10% de moins. Même de la sorte, comme on le constate, ces résultats se révèlent un peu en décalage avec l’idée décrite plus haut d’une moto «au long cours», malgré que ceci ne soit une surprise pour personne… Nous avons simplement sous les yeux des chiffres plus factuels sur l’état de la technologie actuelle, du plaisir qu’elle peut déjà procurer quand elle est bien mise en œuvre comme sur cette Zero DSR-X et des limitations toujours indéniables dont souffre la moto électrique.

Conclusion

Avec sa nouvelle DSR-X, Zero Motorcycles démontre que, chez eux, la moto électrique évolue bien. Sa motorisation devient un grand plaisir mais la source de ce plaisir se tarit, hélas, toujours un peu vite. Et quoi de plus frustrant que d’interrompre prématurément toute source de plaisir…