Le département de l’Aisne, à deux pas de nos frontières, recèle bien des trésors et de nombreuses routes viroleuses, loin des hordes touristiques. Nous vous emmenons pour 160km de plaisir et de découverte entre Laon et Reims.
Laon, préfecture du département de l’Aisne (le «02», comme on dit dans l’Hexagone…) peut s’atteindre par autoroute (à péage…) via Mons, Valenciennes, Cambrai et Saint-Quentin. Au départ de Bruxelles, c’est toutefois un sacré détour et le parcours n’a rien de plaisant. Aussi avons-nous préféré vous proposer une «mise en bouche» qui, au départ de Rocroi (au sud de Couvin), n’emprunte que des départementales pas ou très peu «radarisées». C’est du roulant suffisamment sinueux pour ne pas s’ennuyer au guidon. Roulons-nous à moto pour d’autres raisons?
Autre atout de cet itinéraire qui passe par Eteignières, Rumigny, Rozoy-sur-Serre et Montcornet (où un certain colonel de Gaulle arrêta les chars allemands en juin 1940…), l’arrivée sur Laon est de toute beauté, avec la cathédrale qui s’aperçoit de très loin! Cet itinéraire est, comme celui de la BBB proprement dite, à télécharger sur moto80.be. Comptez environ 1h30 de trajet entre Rocroi et Laon, sans forcer. La ville possède toutes les ressources hôtelières (et gastronomiques!) nécessaires pour vous faire passer une bonne soirée et une nuit réparatrice en vue des 160km et des nombreuses possibilités de visite qui vous attendent le lendemain.
Laon, une cité à découvrir
Le point de départ de notre itinéraire est le parvis de la cathédrale Notre-Dame. Pas difficile d’y arriver, il suffit de suivre le fléchage! Après avoir négocié les quelques «lacets» qui y mènent (un itinéraire digne d’une course de côte!), nous voici à pied d’œuvre. Si les lieux ne manquent pas de majesté, il n’y a en revanche pas le moindre troquet ouvert pour déguster le grand crème et les croissants qui vont avec, ce qui fait pourtant partie intégrante du charme des balades moto au beau pays de France… Qu’à cela ne tienne, nous trouverons notre bonheur à quelques bornes à peine, au Café de Paris, juste devant la gare SNCF de Laon. Pas de touriste ici: c’est ambiance «Ginette et Marcel»…
Rassérénés et l’estomac lesté des délicieux croissants de la boulangerie d’en face, nous mettons résolument le cap à l’ouest, vers les frondaisons de la forêt de Saint-Gobain et ses 9.000ha. Notre coup de cœur sera ici l’ancien prieuré du Tortoir, dont les origines remontent au XIe ou XIIe siècle, juste après le petit village de Saint-Nicolas-aux-Bois. Les bâtiments, privés, ne se visitent pas, mais le site est de toute beauté, serti dans son écrin boisé. Les kilomètres suivants seront eux aussi résolument forestiers. On passe par Saint-Gobain, qui donnera son nom au célèbre groupe verrier (fondé par Colbert, ministre des finances de Louis XIV!), puis on continue vers Septvaux et Prémontré, localité aux origines de l’ordre monastique du même nom. Les vastes bâtiments de l’ancienne abbaye abritent aujourd’hui l’Etablissement Public de Santé Mentale Départemental (EPSMD) du département de l’Aisne, dont certains patients déambulent dans le village, ce qui pourra vous valoir d’être abordé par l’un ou l’autre, en quête de quelques euros…
Coucy-le-Château et sa cité fortifiée
Nous arrivons maintenant à Coucy-le-Château, cité ancienne pleine de charme, aux remparts spectaculaires. Une fois franchie l’imposante Porte de Laon, on pénètre dans la ville haute, jouxtant le château-fort dont les origines les plus lointaines remontent à l’an 920. Jusqu’en 1917, année où il fut détruit par l’armée allemande, le château fort des Sires de Coucy, bâti au XIIIe siècle, était la plus grande forteresse d’Europe. Coucy-le-Château vaut aussi pour son jardin médiéval, situé au pied du rempart près de l’église, ainsi que pour le tout proche Bois du Montoir, où les Allemands avaient construit, durant le premier conflit mondial, une énorme cuvette de béton qui accueillait un obusier de 380mm. Quelques kilomètres plus loin à peine, voici Chavignon, une localité dont on retiendra surtout qu’elle possède d’intéressants «Ateliers de l’Abeille» (www.complexe-apicole.fr). Une visite à conseiller pour ceux qui veulent tout savoir sur l’apiculture. Et il est bien sûr possible d’acheter ici toutes sortes de produits à base de miel! Attention, c’est fermé les mardis, dimanches et jours fériés, ainsi que de 12h à 14h… Dans la foulée, nous effectuerons encore un petit crochet pour découvrir une curiosité hydrographique: le souterrain de Braye-en-Laonnois, construit en 1890. Suivez bien le road-book pour ne pas manquer la chose… Ici, le canal reliant l’Oise à l’Aisne plonge sous terre sur près de 2.440m, pour contourner l’obstacle que constitue le Chemin des Dames. Un mécanisme de ventilation, visible sur la porte, a été installé en 1972, de manière à améliorer l’évacuation des gaz d’échappement des moteurs de péniches.
Stigmates omniprésents
Nous roulons à présent sur le Chemin des Dames. Cette départementale rectiligne n’est pas des plus réjouissantes, avec ses stèles et monuments innombrables commémorant le sacrifice de ceux qui sont tombés ici. Les stigmates de la Grande Guerre sont omniprésents, qu’il s’agisse des ruines de l’Abbaye de Vauclair, ou encore des villages rayés de la carte ou reconstruits à un autre endroit après le conflit. Près de 100 ans après les effroyables combats de 1917, la forêt de Vauclair et le plateau de Craonne restent constellés de trous d’obus. Par ici, les terres ont été littéralement retournées et retournées encore par l’artillerie. Le grand journaliste Albert Londres, qui avait assisté aux combats les plus divers partout sur la planète, a écrit: «Le plateau de Craonne, c’est Verdun, mais en pire…». Pour tenter de comprendre ce qu’a pu être la vie des «poilus», il faut absolument voir la «Caverne du Dragon». Vous passerez juste devant et il serait dommage de ne pas s’arrêter, tant il est vrai que s’il n’y a qu’une visite à faire au cours de cette virée, c’est bien celle-ci (voir encadré). Sur le site de l’ancienne Abbaye de Vauclair, l’ambiance est beaucoup plus sereine. Il n’en subsiste que des vestiges mais des étangs bucoliques et la proximité de la Voie verte qui relie Axo Plage à l’abbaye invitent à la détente. La route, elle, vous convie à profiter pleinement de votre bécane. Notre itinéraire emprunte des départementales bien revêtues et agréablement sinueuses qui, insensiblement, nous amènent à rejoindre la vallée de l’Aisne.
Final champenois
Une fois sur la rive droite de ce cours d’eau, les paysages changent. Exit les étendues boisées et place aux premiers vignobles de l’appellation Champagne! Nous avions pris soin de sélectionner des routes bordées de vert sur l’irremplaçable carte Michelin et une fois de plus le manufacturier clermontois a fait honneur à sa réputation de pape de la carte routière. Aussi est-ce après avoir enquillé de vraies routes à moto que nous arrivons dans le petit village de Gueux, devenu aujourd’hui une banlieue de Reims. Ne manquez sous aucun prétexte d’effectuer un tour de l’ancien circuit de Reims-Gueux. L’histoire de la course automobile vous saute au visage, au fur et à mesure que s’égrènent des noms qui ont fait frémir de plaisir des générations d’amateurs de sport automobile: Muizon, Thillois, la Garenne… Quand on découvre le tracé à des vitesses touristiques (évitez les autres, la Gendarmerie Nationale est équipée d’excellentes jumelles pour traquer ceux qui ne respectent pas les limitations!), on se dit que les Fangio, Hawthorne, Ascari, Collins et autres Paul Frère ou André Pilette avaient le cœur bien accroché: rouler à plus de 250km/h sur une piste aussi étroite et peu sécurisée, il fallait oser! C’est sur cette incursion en «live» dans l’histoire du sport automobile que cette termine cette BBB 100% hexagonale. Depuis Reims, le chemin le plus direct pour regagner notre beau pays passe par Rethel, Signy l’Abbaye et Rocroi… Bonne route et prudence, toujours!
Le circuit de Reims-Gueux
Utilisé de 1926 à 1972, le circuit de Gueux (du nom du village le plus proche) est plus connu sous a dénomination de circuit de Reims, Gueux étant tout proche de la grande cité champenoise. Son tracé très rapide, long de 7,82 km, empruntait deux routes départementales et une portion de la RN 31 Soissons-Reims. Si le Grand Prix de France automobile y a déjà été organisé en 1938, c’est surtout dans les années 50 que le Circuit de Reims-Gueux connut son heure de gloire. La première course du tout nouveau championnat du monde de Formule 1 y a été courue en 1950. C’est aussi à Reims que Mercedes-Benz effectua son grand retour au plus haut niveau du sport automobile, avec des monoplaces à carrosserie enveloppante. Une solution qui permettait aux «Silberpfeile» de Fangio, King et Herrmann de pointer à 290km/h, contre 270 aux Ferrari et Maserati concurrentes… On signalera encore que Bugatti fit ici en 1956 une tentative sans lendemain pour revenir en Formule 1, avec la 251, une voiture techniquement intéressante à moteur central, pilotée par Maurice Trintignant. Des difficultés de mise au point et surtout des moyens financiers trop faibles mirent hélas un terme au projet. La dernière apparition des Formule 1 à Gueux remonte à 1966 et le dernier meeting (avec des courses de F2, F3 et R8 Gordini) y a eu lieu en 1969. L’ultime compétition organisée sur le tracé fut une course du championnat de France de vitesse pure moto, le 11 juin 1972. Longtemps laissées à l’abandon, les infrastructures du circuit (tribunes, paddocks…) sont peu à peu remises en état par des passionnés, regroupés au sein de l’association «Les Amis du Circuit de Gueux». On trouve sur leur site web une foule de renseignements et photos ainsi qu’une visite audio du circuit, téléchargeable au format MP3, qui vaut vraiment la peine. Infos: www.amis-du-circuit-de-gueux.fr.
Arrêts gourmands
– À Laon, l’Estaminet Saint-Jean (recommandé par Le Routard 2014) nous a régalé de ses spécialités picardes servies dans un cadre chaleureux. L’endroit est une trouvaille de notre ami Tché qui, en plus d’être un vrai pro de la photo, est aussi une fine gueule et une bonne fourchette. On vous recommande la Goyère (tarte au fromage), les rillettes de canard au genièvre ou encore l’entrecôte au Maroilles. Très bonnes glaces maison aussi, avec des parfums que l’on ne trouve pas partout (chicorée, rhubarbe, violette, biscuit rose de Reims, …). Seul bémol, les trottoirs de la rue Saint-Jean sont très étroits et il n’est pas facile d’y stationner les motos. Ouvert du mardi midi au dimanche soir. Fermé le mercredi soir.
L’Estaminet Saint-Jean, rue Saint-Jean, 23 à 02000 Laon. Tél.: +33.(0)3.23.23.04.89, www.estaminetsaintjean.com
– À Bouconville-Vauclair, l’Auberge de Vauclair, située pile sur notre itinéraire, a bonne réputation mais nous devons à l’honnêteté de vous avouer que nous ne l’avons pas essayée. Lors de notre reconnaissance, la pluie menaçait à l’heure de passer à table, ce qui nous a poussés à faire l’impasse sur la pause-déjeuner, histoire de ne pas arriver au circuit de Reims sous la flotte… Cet hôtel-restaurant est un Logis de France 3 cocottes et 3 cheminées qui semble avoir bu un élixir de jouvence avec son cadre design et sa déco faisant la part belle aux objets d’art contemporain. La carte propose des spécialités simples et classiques mais aussi des plats plus créatifs.
L’Auberge de Vauclair, Grande Rue, 26 à 02860 B