La Gaume, à l’extrême sud de la Belgique, est une région à l’identité bien marquée, au niveau géographique, culturel, linguistique ou même… climatique! Une découverte qui s’impose d’autant plus de par sa générosité en belles routes pour moto, comme on les aime. On vous attend à Florenville, pour 160km d’évasion et de plaisir.
Si Florenville est bien située en Gaume, elle n’en est pas pour autant la «capitale», cet honneur étant échu à la bonne ville de Virton, plus au sud. Mais Florenville, facilement accessible par l’E411 (sortie n° 26 Neufchâteau) possède le mérite de constituer un «camp de base» idéal pour la boucle gaumaise, rehaussée d’une belle incursion au doux pays de France que nous vous proposons aujourd’hui. Rendez-vous était donc pris à Florenville, place Albert 1er, où il n’y a que l’embarras du choix pour s’offrir le «petit noir» traditionnel dès nos débuts de BBB. Et pour que le tableau achève d’être idéal, Tchè, notre estimé photographe, trouvera même une boucherie-charcuterie ouverte, histoire de glisser dans son sac de réservoir quelques «pipes d’Ardenne», cette délicieuse salaison que le monde entier nous envie (n’ayons pas peur des mots!) et qu’il aime avoir sous la main sur le coup de 11h, lorsqu’une mauvaise faim se rappelle à son bon souvenir!
Vers la France
Sur ces considérations gastronomico-philosophiques, il est temps d’y aller. On démarre à un rythme paisible: notre itinéraire sinue gentiment au rythme des méandres de la Semois que nous descendons jusqu’à Chassepierre, aimable localité connue pour son Festival des Arts de la Rue (chaque année au mois d’août), puis Sainte-Cécile où nous mettons la cap au sud pour gagner la France toute proche, après avoir être passé à proximité du lieu dit «Les Quatre Arbres». Messincourt, Pure et Osnes sont les premiers villages traversés en territoire français, avant d’aborder la petite ville de Carignan. À Blagny, une pompe de grande surface aux tarifs très compétitifs (comme c’est le cas partout dans l’Hexagone) me permet de faire le plein, ce que, tête en l’air, j’ai omis de faire à Florenville. Sage précaution parce que les prochains kilomètres nous feront arpenter des contrées assez peu fréquentées… De fait, très vite, le Tripy nous invite à abandonner la grosse E44/D8043 au profit de la toute petite D52 qui nous conduit à l’Ouvrage de la Ferté qui, en 1940, constituait l’extrémité ouest de la fameuse Ligne Maginot, censée protéger la France de l’agressivité hitlérienne. Les lieux sont aujourd’hui ouverts au public et animés par des bénévoles passionnés. Une visite aussi émouvante qu’intéressante.
À Margut, notre balade infléchit son cours vers le nord-est pour remonter vers l’Abbaye d’Orval. Nichée au milieu de vastes forêts, cette abbaye cistercienne dégage une impression de force et de sérénité, surtout que tout y est dans un état d’entretien et de propreté irréprochable. On ne s’étendra pas sur les qualités gustatives de la bière trappiste brassée ici qui, depuis quelques temps déjà, n’est plus disponible qu’en quantités limitées, tant l’offre est inférieure à la demande mais on rappellera qu’Orval, c’est aussi un excellent fromage, également produit sur place, ainsi que de délicieux bonbons au miel, en vente au magasin de l’abbaye… Quelques kilomètres plus loin, après être revenus en territoire français, voici que se profile devant nos yeux ébahis un village extraordinaire… Imaginez une basilique gothique plantée au milieu des prés. Voilà brossé en quelques mots le portrait d’Avioth… Arrêt vivement recommandé!
3km/h
Montmédy-Haut ou Montmédy-Bas? Haut, assurément! La ville haute de la cité meusienne (meusien est l’adjectif utilisé en France pour désigner ce qui concerne le département de la Meuse. Ce n’est donc pas une erreur, contrairement à ce que croient nombre de Belges qui ne connaissent que l’adjectif «mosan», relatif à la vallée de la Meuse…), constitue encore un incontournable de cette BBB. Fortifiée par Vauban (mais construite par Charles-Quint), la citadelle de Montmédy est endroit où il fait bon flâner, manger, boire un coup… avec, en prime, l’impression de remonter le temps. L’accès est gratuit, en plus! En redescendant de là-haut, on revient sur terre, en quelque sorte… Des routes bucoliques aimablement sinueuses vous feront regagner la terre wallonne et Torgny, le village le plus méridional de Wallonie, dont les maisons aux toits de tuiles romaines évoquent irrésistiblement le sud de la France. Pas étonnant que la Gaume ait parfois été surnommée la «Petite Provence». Torgny est fier de son petit vignoble. Le «Clos de la Zolette», créé en 1955, a aujourd’hui disparu et cédé la place aux vignobles du «Poirier du Loup», de «l’Epinette» et du «Clos de Fouchères». On produit ici des blancs, des rouges, des rosés, des vins pétillants aussi. À goûter, avec modération, à «la Romanette», par exemple, au centre du village.
Notre itinéraire revient ensuite en terre française, sur quelques kilomètres. Juste le temps d’enquiller la sympathique D29 en direction de la Malmaison. Après avoir repassé, définitivement cette fois, la frontière belge, le tracé remonte vers le nord et vous fait découvrir Mussy-la-Ville, petit village où naquit un beau jour de 1822 un certain Etienne Lenoir qui n’est autre que l’inventeur du moteur à explosion. Si vous roulez à moto, c’est un peu grâce à lui. C’est le 24 janvier 1860 en effet qu’il déposa, à Paris, un brevet «pour un moteur dilaté par la combustion du gaz d’éclairage enflammé par l’électricité». Il s’agit d’un moteur à 2-temps, doté d’une lumière d’admission et, contrairement aux 2-temps actuels, d’une soupape d’échappement commandée mécaniquement. Plus tard, en 1876, Lenoir déposera un autre brevet, celui d’une invention capitale, la bougie d’allumage. Si une rue porte son nom dans son village natal, Etienne Lenoir y semble aujourd’hui bien oublié. Il est vrai que c’est en France qu’il mit au point ses inventions, comme celle de la fameuse voiture Lenoir qui relia Paris à Joinville-le-Pont, à la moyenne de… 3km/h.
Ancêtre agricole
Pour notre part, c’est à un rythme nettement plus enlevé que nous continuons sur Saint-Léger (sources d’eau minérale) et Ethe, où nous marquons la pause devant l’ancienne mairie. C’est une autre des particularité de la Gaume: ici, pas de maison communale ni de bourgmestre mais des mairies et des maires, comme en France! Ça a toujours été comme ça et les Gaumais ne voient nulle raison de changer! Par la N879, bien peu fréquentée, nous remontons plein nord à travers bois vers Buzenol-Montauban. C’est ici que fut découvert en 1958 le fameux bas-relief dit «de la moissonneuse des Trévires» qui permit de comprendre un texte antique jusque-là assez obscur décrivant le fonctionnement d’un engin agricole gaulois, ancêtre de nos moissonneuses actuelles. Le site prestigieux de Montauban est classé «Patrimoine majeur de Wallonie». Quant au précieux bas-relief, il est aujourd’hui exposé au Musée Gaumais, à Virton.
La balade touche tout doucement à sa fin. On effleure Sainte-Marie-sur-Semois avant de passer par Bellefontaine et Tintigny d’où la N83 nous permettrait de rallier Florenville en quelques coups de gaz. Nous avons préféré faire le détour par Rossignol (qui accueille chaque année au mois d’août l’excellent Gaume Jazz Festival), Les Bulles (ah, quel beau nom!) et Chiny. La route qui conduit de Chiny à Lacuisine ne suit malheureusement pas le cours de la Semois. Dommage, en barque ou en kayak la descente est un classique réputé, et à juste titre. Florenville, terme de cette virée, se profile maintenant à l’horizon. Vous avez bien mérité une halte rafraîchissante à la terrasse de l’Albert 1er! Bonne route et prudence, toujours!
Arrêts gourmands
– À Florenville, la Brasserie Albert 1er est idéalement située, pile-poil au départ et à l’arrivée de cette BBB. Bon accueil, prix corrects et terrasse agréable, avec de grands parasols, pour la fin de balade.
Brasserie Albert 1er, place Albert 1er, 1 à 6820 Florenville. Tél.: 061/31.10.91.
– À Montmédy (Ville Haute), le restaurant l’Alcazar nous a régalés de son menu du jour à 13€ (entrée, plat, dessert). Lors de notre passage, c’était rillettes, brochette de canard et dessert au choix. À la carte, on trouve, entre autres, la pièce du boucher (17€), l’andouillette (16€) et la tourte lorraine (16€), ainsi que différentes salades. Service rapide et sympa, que ce soit dehors (terrasse) ou dedans. Une adresse à recommander! Ouvert du mardi au dimanche, de 11h à 18 h (horaires d’été).
L’Alcazar, rue de la Poudrière, 55600 Montmédy. Tél.: +33(0)3.29.85.06.69 – alcazar-montmedy.blogspot.be.
– Le pâté gaumais: s’il est bien un truc qui se mange à ramener à la maison à l’issue de cette balade, c’est un pâté gaumais! En fait, il ne s’agit pas d’un pâté mais plutôt d’une tourte à la viande que l’on trouve aussi bien chez les boulangers que chez les bouchers-charcutiers. Mesurant au minimum 15cm de diamètre, le pâté gaumais est confectionné à base de pâte levée et de viande de porc marinée et épicée. Chaque année à Virton est organisé le concours du Roi du pâté gaumais. Le gagnant est celui qui réussit à manger la plus grande quantité de pâté en 20 minutes. Autant dire qu’il possède un sacré estomac!