«Tant que je gagne, je joue!» Chez Yamaha, on doit se souvenir de cette phrase de Coluche. Surfant sur le succès considérable de ses nombreuses MT, la marque au diapason revient aujourd’hui avec un modèle de haut de gamme, dérivé de la supersportive R1.
LES UP
– Agilité et maniabilité
– R1 civilisée
– Confort de conduite
LES DOWN
– Design particulier
– Autonomie limitée
– Pièces exposées
Prix: 14.490€
Consommation mesurée: 7,6l/100km
Disponibilité: immédiate
Depuis la première mondiale à Milan, fin 2015, le style de la MT-10 a fait couler beaucoup d'encre. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les avis sont tranchés. Certains aiment son design novateur, d'autres, au contraire, trouvent que Yamaha a poussé le bouchon trop loin dans l'univers «Robocop». Je vous laisse le soin de trancher, y compris pour ce qui concerne les trois livrées, dont une «night fluo» qui vaut son pesant de cacahuètes… Par contre, en matière de style, la «10» se distingue clairement du reste de la famille MT. Et ça, c'est une bonne chose, car chaque moto a droit à sa propre identité. Quoi de plus monotone, en effet, qu'une gamme composée de clones dont seul le moteur change?
Certaines pièces semblent néanmoins particulièrement exposées aux chutes, à l'instar, côté droit, du réservoir de liquide de frein qui «morflera» immédiatement. Ou encore de ces deux petites «excroissances» de plastique à l'extrémité de la boucle arrière… dont on se demande un peu à quoi elles servent si ce n'est arracher quelques jurons aux maladroits et autres distraits qui auront tôt fait de les accrocher au premier obstacle dans le garage. Le tableau de bord, par contre, ne mérite (presque) que des louanges. Voilà enfin un écran qui reste parfaitement lisible en toutes circonstances, même avec le soleil dans le dos! Tout s'y retrouve, sauf la température de l'air, et l'accès aux trois cartographies moteur et aux réglages du contrôle de traction se révèle d'une extrême simplicité. Attention toutefois, les modifications du TCS sont uniquement possibles à l'arrêt. Un peu dommage si l'on se fait, par exemple, surprendre par une grosse averse et que l'on ne peut pas s'arrêter rapidement. Par contre, l'unité retient la cartographie sélectionnée en dernier lieu: excellent point.
Less is more
Contrairement aux MT-09 et MT-09 Tracer, le mode de conduite «Standard» de la MT-10 est le moins agressif. Viennent ensuite les modes A et B, dont l'ouverture des gaz, le calage de l'allumage et le volume d'injection de carburant offrent à chaque fois un comportement plus vif, voire même très franc pour le mode B. Toutefois, le mode Standard de la MT-10 délivre sa puissance plus sèchement que le mode le plus souple des 09 et Tracer. Difficile donc de le conseiller pour un usage sur route mouillée. En fonction des conditions météorologiques et de la surface de la route, on préfèrera dès lors jouer davantage sur le 3 niveaux de contrôle de traction (niveau 1, intervention la plus faible pour une conduite sportive, 2 pour la ville ou la balade, 3 pour les conditions précaires avec, dans ce cas, l'impossibilité de soulever la roue avant). Trois modes de conduite et trois niveaux de TCS: rien de très compliqué en somme.
Le quatre cylindres 998cc hérité de la R1 reprend aisément dès 2.750tr/min et pousse sans discontinuer jusqu'au rupteur. Une élasticité qui permet d'enrouler sur des kilomètres et des kilomètres de routes sinueuses, en 2e, 3e ou 4e, sans devoir jouer de la boîte en permanence. Plutôt docile jusque 7.000 tours, le bloc secoue ensuite son ADN de R1. Cela dit, cette plage d'utilisation est peu souvent atteinte sur un roadster. Car alors, devant, il faut absolument avoir le champ libre… si vous voyez ce que je veux dire… Avec 160 chevaux disponibles à 11.500tr/min et 111kW à 9.000tr, on en attendait pas moins.
Maniabilité en avant
Le châssis de la MT-10 a également été créé à partir de celui utilisé sur la dernière YZF-R1 mais le cadre Deltabox bénéficie d'un équilibre résistance/rigidité modifié. Et si l'empattement ultracourt de la MT-10, 1.400mm de long, en fait le roadster le plus compact de sa catégorie, Yamaha a quand même réussi à greffer le long bras oscillant en aluminium de type treillis de la R1.
Enfin, les suspensions de la MT-10 ont, elles aussi, été développées à partir des solutions retenues pour la supersportive de Yamaha. À l'avant, on retrouve une fourche KYB inversée de 43mm à cartouche dont les réglages spécifiques offrent davantage de souplesse et de maîtrise à faible charge en début de débattement. Tandis qu'à charges supérieures, la fourche offre un meilleur retour d'informations. À l'arrière, la MT-10 récupère le bras oscillant de type treillis de la R1 qui commande un amortisseur arrière KYB via un système Monocross à biellette.
Résultat: une maniabilité, une souplesse, une réactivité et une efficacité de tout premier plan, bien aidées il est vrai par un poids tous pleins faits de 210 kilos. Impossible de prendre la MT-10 en défaut sur route ouverte et balancer la bête de gauche à droite se révèle un véritable jeu d'enfant. Seuls les demi-tours réclament un peu plus de place qu'un trail, par exemple, capable de tourner plus court. Vu l'efficacité des précédentes MT, on n'en attendait pas moins de Yamaha pour celle qui chapeaute désormais la gamme.
Confortable soifarde
Mais en définitive, la constatation la plus surprenante vient d'un poste un peu inattendu sur un roadster: le confort. Oui, la MT-10 s'est révélée une machine très reposante, aussi étonnant que cela puisse paraître. La GSX-S1000 et la 1290 Super Duke R, deux références en la matière sont dépassées car la MT-10 n'oublie aucune partie du corps: fessiers, genoux, dos, poignets et buste. Le bas du dos du conducteur peut venir se caler contre un petit dosseret placé sur l'avant de la selle passager, malgré une position plus en avant que sur une MT-09, les lombaires ne souffrent pas, le large guidon permet une prise en main tout en souplesse et le petit saute-vent de série joue son rôle avec efficacité jusqu'à 140km/h… si vous mesurez jusqu'au mètre quatre-vingts. Pour les plus grands, la bulle haute disponible en accessoire sera sans doute un must.
En définitive, seuls les freins avant disques flottants de 320mm avec étriers à 4 pistons opposés en montage radial avec plaquettes en métal fritté m'ont laissé un peu sur ma faim. Non pas par manque d'efficacité. Je m'attendais à quelque chose de plus mordant, de plus agressif, plus en rapport avec l'image de la bête. Rien à redire par contre pour le simple disque arrière de 220mm avec étrier flottant. Ah oui, dernier bilan du jour: celui de la consommation. Pour nous permettre de faire connaissance avec la MT-10, Yamaha nous a réservé un galop d'essai de 350km, dans l'arrière-pays montagneux d'Almeria. Aucun feu rouge, pas d'embouteillages, uniquement des routes ouvertes digérées promptement. Bilan chiffré de ce premier essai: de 7,6l/100km. Soit une autonomie légèrement supérieure à 200km mais un témoin de réserve qui commence à clignoter dès 180km.
Conclusion
N’y allons pas par quatre chemins. En termes d’agilité, de maniabilité et de confort, la MT-10 se positionne comme la nouvelle référence dans le segment des gros roadsters. Autre qualité intéressante, rayon moteur, son bloc se montre aussi souple et simple à utiliser qu’il permet de franchement «envoyer». Ceci dit avec les réserves d’usage, naturellement, car il s’agit bel et bien d’une moto particulièrement puissante. Mais la MT-10 se révèle franchement d'un caractère très accessible. En d’autres mots: le mariage entre la fougue de la R1 et la polyvalence des MT est parfaitement réussi. Et le pari ne semblait, a priori, pas évident à remporter en proposant une machine vouée à rivaliser avec les machines les plus sauvageonnes de la catégorie.
Alors oui, on peut lui reprocher une certaine propension à «lever le coude». Mais il n’y a rien à faire, les 160 chevaux, après une belle chevauchée, ils ont soif! Et donc du coup, pour descendre dans le Sud tambour battant, il faudra multiplier les arrêts et bien viser pour ne pas louper la dernière pompe. C'est peut-être finalement ça, le plus embêtant. Reste à présent à voir si le look discutable, et d'ailleurs très discuté, de la MT-10 sera de nature à freiner l'ardeur du public. L'avenir nous le dira. Plus pragmatiquement parlant, en Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne, on se félicitera qu'à 3 chevaux près, la taxe de mise en circulation ne soit pas doublée. Il conviendra de s'acquitter, «seulement», de la somme de 1.239€. Ce qui, toutes taxes comprises, place la MT-10 avec la S 1000 R au milieu du peloton, entre les concurrentes – un peu moins puissantes – aux tarifs de base plus accessibles (CB1000R, GSX-S1000, Z1000, Speed Triple S) et les plus onéreuses du marché (Monster 1200R, 1290 Super Duke R, Tuono V4 1100 RR).