En marge de l’incontournable Grand-Prix des Pays-Bas, nous avons pu nous entretenir avec le pilote Aprilia. En souffrance tout le week-end avec un genou en piteux état, le sympathique pilote espagnol aura tout donné pour faire bonne figure, avec au final, une 14e place plutôt inespérée.
Aprilia est présent en MotoGP depuis 2015 et il semble que l’évolution de la RS-GP ne soit pas aussi rapide que prévu. Quelles améliorations avez-vous apporté cette année et comment vivez-vous cette saison?
L’équipe a travaillé dur et cette année, nous avons sensiblement augmenté la stabilité sur l’avant, ce qui nous faisait défaut auparavant. Notre objectif est clairement le Top 10, nous nous en approchons mais pas suffisamment. Dans de telles circonstances, l’attitude est primordiale. Il faut être fort mentalement, ne jamais abandonner et continuer à travailler dur, peu importe ce qu’il se passe. Il faut se concentrer sur son propre travail et ne pas se comparer aux autres pilotes et teams. Mon objectif est et sera toujours de mener Aprilia au podium. Je n’abandonnerai jamais et je me donnerai au maximum pour faire évoluer cette RS-GP. Toutefois, je dois vous avouer que par moment, un sentiment de frustration m’envahit, j’ai beau donner mon maximum, notre package actuel ne me permet visiblement pas de me battre aux avant-postes, et ce, quoique je puisse faire. Mon travail est d’améliorer la moto, je dois me concentrer uniquement sur cet objectif.
Bradley Smith a rejoint l’équipe afin d’aider au développement, ressentez-vous déjà les effets de son travail?
Oui, assurément. Bradley est une personne très humble, nous avons beaucoup discuté après les derniers tests effectués à Barcelone. Il roule avec mes propres réglages et il est vraiment là pour nous faire progresser, il roule pour nous, pas pour sa propre personne. Bien entendu, il a fait une grosse erreur durant la course lorsqu’il m’a percuté. Je ne parle pas juste pour moi et pour la blessure qui en a découlé, mais surtout pour Aprilia puisque deux de nos trois motos sont parties au tapis. C’était une faute de sa part mais nous sommes des êtres humains, nous commettons tous des erreurs, ce sont des choses qui arrivent. Le virage où il m’a percuté est le pire du calendrier. Ce virage est extrêmement difficile à négocier, nous arrivons à plus de 300km/h pour y passer à environ 45km/h, c’est très facile d’y partir à la faute.
Comment va votre blessure?
Ca ne va pas trop mal, mais les premiers jours qui ont suivis le crash ont été très douloureux. Je n’avais qu’une dizaine de jours pour tenter de récupérer un maximum, j’ai beaucoup travaillé à ma rééducation, principalement avec les champs magnétiques. La douleur s’est amenuisée au fil des jours et j’ai pu recommencer à m'entraîner un peu quelques jours avant le GP, principalement à vélo, ce qui a provoqué l’apparition de liquide dans le genou. Je sais que c’était un peu tôt pour reprendre l’entraînement, mais c’est comme ça, je suis pilote et il faut courir! J’ai fait enlever ce liquide deux jours avant de me rendre ici, ce fut plutôt positif, mais les mouvements latéraux étaient toujours très douloureux. Les médecins m’ont autorisé à participer à la course car ma blessure ne mettait pas en danger les autres pilotes.
En arrivant encore convalescent à Assen, mon objectif était simplement de savoir si j’étais capable de rouler. Et pour être honnête, je m’attendais à me sentir mieux. Dès la FP1, j’ai eu du mal sur les changements d’angle. Mon genou m’a fait souffrir et je n’ai pas été capable de mettre la force nécessaire sur le repose-pied pour faire basculer la moto. C’est également ce qui a causé mon crash lors de la FP1.
La situation s’est sensiblement améliorée samedi, après avoir reçu une infiltration. Pour la première fois du week-end, la douleur s’est quelque peu estompée, mais la mobilité du genou restait problématique, surtout dans les changements d’angles. Ce circuit n’est pas idéal dans ces conditions, il faut beaucoup utiliser le poids du corps et j’ai eu du mal à pousser sur les repose-pieds.
La première séance d’essais est assez positive lors de chaque week-end, mais il semblerait que vous ne parveniez pas à concrétiser cela lors des autres séances. A quels facteurs est-ce dû?
Oui c’est un problème que nous rencontrons à chaque course. Il semble que nous atteignons les limites de la moto très rapidement et nous ne parvenons plus à nous améliorer par la suite comme en sont capables nos concurrents. Il faut absolument que nous parvenions à comprendre pourquoi et comment y remédier. Je remarque également une grosse différence lorsque le réservoir est plein ou vide, comme pendant les qualifications. Dans ce cas, je ne parviens pas à exploiter toute la puissance. Il faut vraiment que le team trouve comment solutionner ce problème.
Une 14e place finale, compte-tenu des circonstances, cela vous satisfait-il?
Honnêtement, la course fut très difficile pour moi. Dès le début, j'ai eu du mal à me déplacer sur le moto. J'ai utilisé tous les muscles possibles, mais il m’était vraiment difficile de faire tourner la moto sur une piste très physique comme celle-ci. Maintenant, je vais me concentrer sur la convalescence afin d’arriver en Allemagne dans de meilleures conditions physiques.
En début de saison, vous avez participé à la Cape Epic, la course de VTT la plus difficile au monde. Le GP d’Argentine avait lieu une semaine après, comment arrivez-vous à récupérer si vite?
Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas arrivé en Argentine au top de ma forme physique, mais cette course m’a permis de me sentir extrêmement bien dans ma tête et je pense que c’est le facteur le plus important pour un pilote. Je ne sais pas pour les autres, mais pour ma part, le fait de me sentir heureux et apaisé sont les choses les plus importantes. Terminer cette course était un rêve pour moi, j’y ai pris énormément de plaisir et cela m’a apporté un réel bien-être. Après, comme vous pouvez vous en douter, mes jambes étaient un peu lourdes lorsque j’ai mis les pieds sur le sol Argentin!
Vous êtes père de jumeaux, mais votre carrière demande énormément de sacrifices, comment parvenez vous à concilier ces deux aspects de votre vie?
Effectivement, ce n’est pas quelque chose de facile. Le calendrier MotoGP est de plus en plus chargé chaque année. Nous avons de plus en plus de courses, d’essais, d’événements commerciaux… Mais c’est comme ça, c’est la vie de pilote, il faut l’accepter. J’essaye autant que possible que ma femme et mes enfants m’accompagnent, j’aime les avoir auprès de moi. Mais ce n’est pas toujours possible, et dans ce cas, nous nous appelons via FaceTime, cela nous permet de rester proches malgré la distance qui nous sépare. Mais je vous avoue que c’est très difficile à vivre.
Vous parliez du calendrier qui ne cesse de croître, estimez-vous qu’il y ait trop de courses?
Au niveau des courses, j’estime que nous sommes vraiment à la limite. N’oubliez pas que nous avons également de nombreux tests à effectuer. Cette année, je me suis envolé pour la Malaisie le 27 janvier et le 1er Décembre nous étions déjà à Jerez pour d’autres tests… Ce rythme de vie est complètement fou. C’est un réel sacrifice, mais actuellement, nous n’avons pas le choix. Lorsque nous aurons pu faire suffisamment progresser notre RS-GP, j’espère que nous pourrons enfin baisser un peu la cadence et prendre un peu plus de temps pour le repos.