Honda annonce clairement la couleur dès la première phrase de son dossier de presse : « évolution majeure et changement de direction pour l’Africa Twin Adventure Sports ». Suit l’énumération des nombreuses évolutions : suffisent-elles à ouvrir de nouveaux horizons à cette décidément très attachante Africa Twin ? Deux jours de roulage on et off-road sur plus de 450 kilomètres nous donnent les premiers éléments de réponse!
Je ne vais pas vous refaire l’historique de l’Africa Twin mais sachez toutefois que tout débuta il y a plus de trente ans avec la XRV650, baptisée Africa Twin en hommage aux succès obtenus par Honda au Paris-Dakar.
Cette machine mythique bénéficiera de nombreuses évolutions tout au long d’une carrière qui s’étendra de 1988 à 2003. Il faudra ensuite attendre 2016 et la CRF1000L pour retrouver le célèbre patronyme «Africa Twin».
Conçue comme une alternative plus simple et plus typée tout-terrain aux imposantes et plus routières BMW 1200 GS, Ducati Multistrada ou autres Triumph Tiger 1200, la CRF1000L connut aussitôt un beau succès commercial. Si la production totale des XRV Africa Twin atteignit 73.000 unités sur près de quinze ans de vie, la CRF s’est, depuis ses débuts en 2016, déjà écoulée sur 6 continents et dans 50 pays à plus de 87.000 unités, dont 49.000 rien qu’en Europe!
Et, à son tour, cette nouvelle Africa Twin ne cesse d’évoluer depuis son apparition. Deux ans après son lancement, la CRF a bénéficié de nombreuses évolutions, parmi lesquelles une commande de gaz «Ride by Wire» avec trois modes de conduite, un antipatinage aux réglages plus nombreux ainsi que quelques retouches moteur lui apportant plus de caractère. Mais surtout, une variante baptisée Adventure Sports a fait son apparition.
Celle-ci, un peu à la manière de la BMW 1200 GS Adventure, se voulait plus statutaire, plus imposante et mieux équipée. La recette est éprouvée, avec l’augmentation du débattement des suspensions et de la capacité du réservoir, une protection optimisée ou encore un équipement de série plus riche (prise 12V, poignées chauffantes…).
Changement de cylindrée
À peine deux ans plus tard, Honda remet le couvert avec une évolution bien plus profonde qu’il n’y paraît au premier regard. En effet, si seuls les connaisseurs différencieront le nouveau millésime du précédent, les modifications abondent sous une robe quasi inchangée.
À commencer par le nom puisqu’il s’agit maintenant de parler de la CRF1100L. La cylindrée a, en effet, été portée à 1.084cc, la puissance passant de 95ch à 102ch et le couple de 99Nm à 105Nm. Il s’agit pour Honda du premier moteur répondant aux futures normes Euro5.
Si son architecture reste globalement identique, le moteur a été profondément retravaillé: nouvelle culasse, nouveaux calages de distribution, nouveaux corps d’injection et nouvel échappement avec système de valve ECV (Exhaust Control Valve) pour améliorer la sonorité à bas régimes et les performances à hauts régimes. Le nouveau bloc avance, en prime, un gain de poids oscillant entre 2,2kg et 2,5kg suivant la transmission, le DCT pesant pour 8,5kg dans la balance.
Centrale inertielle à six axes
L’électronique embarquée s’enrichit maintenant d’une centrale inertielle IMU à six axes tenant compte du tangage, du roulis, du lacet et de la vitesse. Cette centrale permet de gérer au mieux le contrôle de traction, l’ABS de virage, l’anti-wheeling et la levée de la roue arrière. Pour les machines équipées de la transmission DCT, l’IMU et le détecteur d’inclinaison interviennent dans la sélection en fonction de la situation.
Pour le pilote, l’évolution est sensible: ce nouveau système offre dorénavant six modes de conduite, trois niveaux de cabrage (plus un mode «off»), quatre niveaux de puissance, trois niveaux de frein moteur, tandis que le contrôle de traction conserve ses sept possibilités de réglage en plus du mode «off», tout en permettant une plus grande plage d’exploitation.
À chaque mode de conduite correspondent des paramétrages prédéfinis: Tour (pour une utilisation chargée, avec passager et bagages: niveau de puissance maximal 1, frein moteur au niveau 2 et freinage antiblocage en courbe activé), Urban (correspondant à la plupart des situations : niveau de puissance intermédiaire 2, frein moteur au niveau 2 et freinage antiblocage en courbe activé), Gravel (utilisation sur piste/TT: niveau de puissance minimal 4, frein moteur faible 3, freinage antiblocage en courbe activé mais réglages spécifiques tout-terrain ; dans cette configuration, l’ABS ne peut pas être déconnecté sur la roue arrière), Off-road (niveau de puissance intermédiaire 3, frein moteur faible 3, freinage antiblocage en courbe activé mais réglages spécifiques tout-terrain ; l’ABS peut être déconnecté sur la roue arrière), User 1 & 2 (permettant au pilote de définir deux réglages personnalisés distincts: il peut ainsi choisir son niveau de puissance (entre 1 et 4), son niveau de frein moteur (entre 1 et 3) et de l’antiblocage ABS (paramètres route/tout-terrain)).
Il va sans dire que les quatre modes prédéfinis peuvent encore être adaptés aux envies du pilote, chaque préréglage pouvant être modifié. Relevons encore la présence d’un régulateur de vitesse monté de série sur les deux machines.
Touchscreen
Interface entre la machine et vous, le nouveau tableau de bord 6,5 pouces TFT touchscreen (une première chez Honda) permet, via les commandes au guidon ou directement via l’écran à l’arrêt, de configurer votre Africa Twin aux petits oignons.
Bon, autant vous le dire tout de suite, un peu de pratique sera nécessaire pour arriver à vos fins sans encombre! Reconnaissons toutefois que passer d’un mode de conduite à un autre se révèle heureusement fort simple, même en roulant! L’écran permet de choisir entre trois affichages (Gold, Silver et Bronze), du plus complet au plus essentiel. À chaque mode de conduite correspond un affichage par défaut, mais libre à vous d’en changer!
Autre nouveauté qui ravira les plus branchés d’entre nous, l’Apple Car (?!?) Play donnant accès aux applications Apple de votre Smartphone, y compris les cartes et la navigation, la commande vocale Siri, la connectivité Bluetooth, le raccordement via le port USB judicieusement placé à côté de l’écran. Formidable, tout, ça! Mais ne vous éloignez pas trop des villes et des autoroutes: le terroir profond n’assure pas toujours une couverture 4G idéale. Bienvenue dans la modernité à deux vitesses…
Cadre allégé
Revenons un instant au métal pour noter l’apparition d’un nouveau cadre, 1,8kg plus léger que le précédent. La rigidité et la résistance ont été complètement repensées, le cadre s’est non seulement allégé mais aussi affiné, la boucle arrière, maintenant boulonnée, a abandonné l’acier pour l’aluminium, le bras oscillant, inspiré de celui de la CRF450R, gagne en rigidité et en poids (500g de moins que l’ancien).
Si en 2018 l’Africa Twin et l’Adventure Sports se distinguaient par une ergonomie légèrement différente et des suspensions aux débattements plus importants pour l’Adventure Sports, en 2020, les deux machines affichent les mêmes mensurations, tout bénéfice pour l’Adventure Sports qui voit sa hauteur de selle himalayenne (900mm/920mm) redescendre à un bien plus acceptable 850mm/870mm, soit les valeurs de l’ancienne Africa Twin, avec le bonus d’une selle redessinée et plus étroite de 40mm à l’entre-jambes. Ceci change considérablement la donne, rendant les deux CRF1100L accessibles au plus grand nombre, d’autant qu’une selle basse (825mm/845mm) et une selle haute (875mm/895mm) sont aussi proposées.
L’Adventure Sports se démarque par ses jantes tubeless (avec valves coudées!), sa bulle (plus haute de six centimètres et réglable manuellement sur cinq positions… à l’arrêt ; en roulant, ça devient plus rock’n roll puisqu’il faut les deux mains!), des poignées chauffantes, un éclairage de virages sur trois niveaux, un réservoir de 24,8 litres, un porte-paquets et, de série pour notre marché, des suspensions électroniques baptisées EERA (Electronically Equipped Ride Adjustment).
Suspensions électroniques
Rien de nouveau sous le soleil: le réglage des suspensions varie en fonction du mode de pilotage choisi, des informations des capteurs de mouvement et de la centrale inertielle IMU, avec trois modes disponibles pour une utilisation routière (Soft, Mid et Hard, auxquels se greffe un mode Off-Road). La précharge (sur l’amortisseur arrière) s’ajuste électroniquement aussi, avec le choix entre quatre possibilités: pilote seul, pilote avec bagages, duo et duo avec bagages.
Le mode User laissera le choix du réglage de la force d’amortissement, à l’avant comme à l’arrière. Si Honda annonce fièrement une baisse de poids de 5kg pour l’Africa Twin et de 3kg pour l’Adventure Sports lestée de ses suspensions électroniques, il nous faut malgré tout pondérer cette bonne nouvelle par la disparition, notamment, du porte-paquets sur la première, et des protections tubulaires sur la seconde… Pas de panique, vous pourrez toujours les rajouter, moyennant supplément!
Plus intéressant: un changement de positionnement a été opéré par Honda pour ces deux machines. L’Adventure Sports singeait la BMW Adventure avec son gros réservoir, ses protections tubulaires et ses suspensions rehaussées, histoire de vendre du rêve pour une machine qui ne quittera guère le macadam. La hauteur de selle, rédhibitoire pour nombre d’entre nous a été rabaissée, rendant la machine beaucoup plus accessible et plus facile, plus apte au voyage. Tandis que de son côté, l’Africa Twin se radicalise (un peu!) vers plus de capacité en off-road avec sa partie-cycle plus légère, son habillage plus étroit et sa position de pilotage revue.
Accessible
À l’examen statique, l’Adventure Sports ne se démarque guère de la précédente, hormis son porte-paquets en alu moulé plutôt qu’en tubes, la disparition du petit coffre latéral niché dans l’habillage, l’apparition des phares de virage et du nouveau tableau de bord. À bord par contre, quelle différence! Avec la hauteur de suspension réduite et le dessin de la selle affiné, plus besoin de semelles compensées pour espérer mettre pied à terre.
Et dès les premiers tours de roue, le comportement s’en ressent: l’Adventure Sports a étonnamment gagné en maniabilité et facilité de conduite. Le centre de gravité rabaissé n’y est pas pour rien, le nouveau cadre non plus, certainement. Le moteur reste toujours aussi vif et plaisant, avec un pot (plus court) qui sonne bien.
Les courbes de puissance et de couple, particulièrement lisses, rendent le moteur brillant à tous les régimes, depuis 2.000tr/min-2.500tr/min jusqu’à la zone rouge, sans saillie particulière à un régime donné. Les suspensions EERA convainquent, s’adaptant avec bonheuraux circonstances.
Sur route, nous avons privilégié principalement le mode Tour avec les suspensions en mode Hard et nous avons été autant bluffés par le confort que par le comportement routier, rigoureux en toutes circonstances. Si le choix des modes de conduite s’effectue facilement depuis l’imposant commodo gauche, rentrer dans les réglages plus subtils demande une certaine accoutumance et l’ergonomie de quelques commandes pose parfois question: pour les poignées chauffantes par exemple, il faut manipuler un bouton de la main droite puis un autre de la main gauche…
DCT
Nos machines sans DCT étaient pourvues de l’option quickshifter up&down très convaincante à l’usage. Mais malheureusement, elles font toujours l’impasse sur le levier d’embrayage réglable… Avec la boîte DCT, l’Adventure Sports me convainc encore plus.
Certes, cette boîte nécessite un peu de pratique pour y goûter pleinement mais une fois ses subtilités assimilées, quel plaisir d’en jouer en toutes circonstances, y compris en tout-terrain. Notre ouvreur, Renato Zocchi, a remporté en classe 2 (de 601cc à 950cc) la très exigeante Gibraltar Race: 7.000km de la Baltique à l’Atlantique, au guidon d’un Honda X-ADV avec boîte DCT. Il m’a confirmé avoir utilisé la boîte en mode automatique Sport3, se contentant de temps à autre de forcer le passage d’un rapport manuellement via les commandes à main gauche. C’est en effet la meilleure manière d’en profiter!
Conclusion
L’Adventure Sports est une réussite! Facile à vivre, peu intimidante, elle autorise de belle manière les randonnées au long cours par son confort et son efficacité. Le DCT est un « plus » unique sur le marché et le public ne s’y trompe pas: près de 45% des Africa Twin vendues sur la planète en sont équipées.
Même en tout-terrain l’Adventure reste convaincante: tout au plus lui reprochera-t-on un réservoir un peu trop large à l’entre-jambes en position debout et une bulle trop haute pour bien voir la roue avant. Seul bémol: le prix qui fait un bond en avant à cause des suspensions EERA, installées d’office sur le marché belge…
Cette montée en gamme laisse désormais un boulevard à une plus modeste Africa Twin que de nombreux motards appellent de leurs vœux. Pourquoi pas une 800cc, histoire d’aller titiller la Yamaha Ténéré 700 ou la KTM 790 Adventure?
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Les up
– Machine aussi facile qu’efficace
– Suspensions EERA convaincantes
– Agrément de la proposition DCT
Les down
– Hausse tarifaire conséquente
– Complexité des réglages
– Bulle trop haute
Disponibilité : immédiate
Consommation affichée: 5,9/100km
Prix de base: 17.499€