Le contrôle technique moto, ce fantôme qui nous hante…

Actualités Motos Julien Lahaye
Partager

Le contrôle technique pour les motos, c’est un peu comme le monstre du Loch Ness: tout le monde en parle mais personne ne l’a vu! Le débat dure, en effet, depuis des années. Mais les discussions engagées depuis quelques semaines pourraient faire évoluer les choses! État des lieux.

Apparu en 1933 dans notre pays, le contrôle technique concerne aujourd’hui la plupart des véhicules à moteur en circulation. Toutefois, plusieurs catégories, dont les deux-roues motorisés, se trouvent encore miraculeusement exemptées. Mais le 18 décembre 2013, les États membres de l’Europe ont rendu un arbitrage sur l’harmonisation du contrôle technique à tous les véhicules, reportant celui des motos et scooters au moins jusqu’en 2022.

L’échéance se rapprochant dangereusement, nous avons appris de source sûre qu’un groupe de travail rassemblant les acteurs majeurs du secteur de la moto belge avait été constitué afin d’apporter leur expertise sur ce thème. Le résultat de leurs discussions sera fourni en temps utile au Conseil supérieur wallon de la Sécurité routière et servira de base de recommandation.

En attendant, le mot d’ordre semble être «motus». Suite à ces discussions, VIAS a entrepris la réalisation d’un avis officiel concernant le contrôle technique pour les deux-roues motorisés. Cet avis n’ayant pas encore été rendu public lors de la rédaction de ce texte, nous nous baserons sur les études disponibles afin de dresser un état des lieux de la situation.

Accidentologie

En 2013, l’Institut belge pour la sécurité routière publiait une étude intitulée «MOTAC» (Motorcycle Accident Causation). Bien que datée, cette étude laisse apparaître les principales causes d’accidents concernant les 2RM. On y apprend notamment que dans plus de 62% des accidents impliquant une moto et un autre usager, ce dernier était l’initiateur de l’accident. Pour 19,4% des accidents graves de type moto seule, l’élément déclencheur est une cause externe ou un autre usager.

Les problèmes liés aux véhicules ont uniquement pu être pris en compte dans cette étude s’ils avaient fait l’objet d’une analyse sur place par la police. Or, nous ne pouvons attendre d'un policier qu'il soit en mesure de contrôler un véhicule fortement endommagé afin de détecter les éventuels problèmes techniques déjà présents avant l’accident et qui pourraient avoir provoqué (en tout ou en partie) le drame.

Sur 203 cas étudiés, l’étude MOTAC révèle que 3,45% des accidents mettent en cause l’état des pneumatiques, les pannes mécaniques et les incendies soudains. L’étude MAIDS, réalisée en France, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Espagne, pays considérés comme offrant une vue représentative de la scène des accidents de deux-roues motorisés, a constaté que seuls 0,3% des accidents de moto sont directement causés par une défaillance technique.

La Commission européenne estime, quant à elle, que les problèmes techniques sont responsables de 6% des accidents de motos et de scooters. Enfin, selon l’Association européenne des motards, il s’agirait, en réalité, de moins de 1%. Avec de telles variations, difficile de se forger une opinion solide. Toutefois, ces différentes études s’accordent sur un point: les défaillances techniques sont responsables d’une part minime des accidents.

Le CT pour solution?

En 2013, dans une volonté d’harmoniser les règles automobiles, les États membres se sont penchés sur la question d’un contrôle technique européen. Finalement, il a été décidé que les motos ne seraient soumises à un contrôle technique périodique qu’à partir de 2022, au plus tôt.

Toutefois, un pays membre peut s’en voir exempté à condition de mettre en place des mesures de sécurité routière alternatives en faveur des motocyclistes telles que, par exemple, le doublement des glissières de sécurité, la réfection des routes, ou encore l’emploi de peintures abrasives pour les marquages au sol.

Bien que des efforts aient été consentis au niveau de notre pays et que le nombre d’accidents mortels impliquant un deux-roues motorisé soit globalement à la baisse depuis plusieurs années (-30% depuis 2005), il faut bien admettre qu’il reste encore pas mal de pain sur la planche. Toutefois, si ces efforts sont jugés suffisants, notre pays pourrait donc obtenir une dérogation. À l’heure actuelle, 17 pays de l’UE ont déjà mis le CT motos d’application. Mais comme de coutume au sein de l’Union européenne, les règles sont loin d’être harmonisées. À titre d’exemple, l’Autriche impose un contrôle annuel alors que la Suède se contente d’un contrôle tous les deux ans.

Quels critères?

Nous l’avons vu dans vos nombreuses réactions sur notre page Facebook, ce contrôle technique vous laisse perplexe et les avis divergent. Cependant, vous semblez partager la même inquiétude: quels seraient les points de vérifications? Afin de le savoir, regardons de plus près ce qui se passe chez nos voisins du Grand-Duché, où le CT moto est d’application depuis de nombreuses années.

Pour 40€, les points contrôlés sont les suivants: documents légaux, émissions de CO2, phares et ampoules, klaxon, état et durée de vie des pneumatiques, tension de la chaîne, jeu du té de fourche, état des freins, correspondance du numéro de châssis ainsi que tout autre élément dont l’aspect visuel nécessiterait une inspection plus détaillée. Parmi ceux-ci, se trouvent bien entendu les accessoires ajoutés tels que les pots d’échappement, les feux additionnels, etc.

Dans ce cas, le motard luxembourgeois doit se rendre à l'agréation afin d’y déterminer que ces accessoires sont bien homologués. Si tel est le cas, ceux-ci seront inscrits sur la carte d’immatriculation…  moyennant paiement!

Ces mesures sont-elles efficaces? «Il est fort difficile d’établir un lien entre accident et défaillance technique», nous explique Michel Turk, président d’Eurobiker Luxembourg. «Si la moto est passée au CT en novembre 2018 et qu’un accident a lieu avec cette même moto en septembre 2019, on ne peut lier cet accident à une faute du centre de contrôle technique, à moins que cette machine n’ait parcouru que quelques kilomètres entre ces deux dates.»

Pour la Febiac, il est clair qu’une chose doit changer dans la proposition actuelle de la Commission européenne: l’obligation de présenter un véhicule conforme à l’état neuf. «Pour des raisons de confort, le motard doit pouvoir adapter son véhicule à ses besoins. Par exemple en remplaçant la selle ou le pare-brise d’origine, en montant des sacoches, etc. La transformation des véhicules, notamment par le changement de suspension, doit aussi rester permise moyennant des règles claires.»

De son côté, Fedemot reste fidèle à l’un de ses chevaux de bataille: le bruit. «Il serait bien plus urgent de trouver des solutions afin de réduire le bruit épouvantable que font certaines motos modifiées», argumente Jean-Marie Jorssen, président de l’asbl. «Les motocyclistes responsables savent très bien que cela ne sert à rien de faire un boucan abominable. Nous pensons que cette minorité a une grande part de responsabilité dans le fait que la moto ne soit prise en compte par personne, par aucune ville, ni aucun plan de mobilité.»

Nous restons partagés sur ce point car, si il est évident que nous devons faire en sorte de ne pas véhiculer une image négative, rester audibles dans le flot de la circulation peut se montrer opportun. Toutefois, chacun doit prendre ses responsabilités en modérant vitesse et régime moteur dans les centres urbains, il en va de la survie de notre passion. Si de tels comportements devaient perdurer, il ne serait alors pas étonnant de voir le législateur s’intéresser de plus près aux modifications apportées sur nos machines. Et ça, personne ne le souhaite!

Sensibilisation

Les opposants au contrôle technique avancent fréquemment l’argument que le motard entretient régulièrement sa machine. Mais est-ce bien le cas? Pour Stijn Vancuyck, conseilleur deux roues chez Febiac, cela ne va pas de soi. «Nous avons toujours pensé que les motards prennent soin de leur moto. Et la grande majorité le font. Cependant, ces dernières années, de plus en plus de personnes utilisent une moto ou un scooter léger pour les déplacements domicile-travail. Et ces utilisateurs semblent se montrer bien moins attentifs à l'état de leur véhicule. Les contrôles techniques volontaires effectués lors de la Journée du Motard révèlent aussi que les pneus et les plaquettes de frein sont souvent usés. On ne résoudra pas ce problème par un contrôle technique, mais par la sensibilisation.»

Si ce contrôle technique permet assurément d'attirer l'attention sur certaines défaillances, revoir le système de formation mis en place actuellement pourrait se révéler judicieux. «Conscientiser les nouveaux motards à l’entretien de leurs machines reste une bonne chose», explique David Barattucci, vice-président de la Fédération des auto-écoles agréées.

«Néanmoins, l’étude MOTAC démontre que les motards les plus impactés par les accidents ont entre 34 ans et 64 ans. Selon moi, cela s’explique principalement par le fait que les motards les plus âgés n’ont pas eu à passer d’examen de conduite. Dès lors, instaurer des journées de remise à niveau, afin de faire prendre conscience à tous les motards qu’un entretien régulier de leurs machines est absolument nécessaire, ne me semble pas inutile.»

Si l’efficacité de telles mesures semble particulièrement difficile à établir, tous les acteurs du monde motocycliste ont l'air de s'accorder sur un point: le contrôle à la revente. Bien qu'il ne s'agisse pas du souhait de la Commission européenne, un CT dédié aux motos d’occasion serait certainement un gage de sécurité pour le futur acquéreur. En effet, difficile pour un novice de déceler des traces d’accidents, d’inspecter une fourche ou un cadre ayant subi des dégâts irréversibles.

Mais avant de savoir à quelle sauce nous serons peut-être mangés, une inconnue de taille subsiste: nos trois ministres régionaux vont-ils s'accorder ou, à l'instar de ceux en charge de la compétence Mobilité, décider chacun de leur côté?

Un sujet vous tient à cœur et vous souhaitez plus d'éclaircissements? Envoyez-nous un e-mail à l’adresse moto80@moto80.be, nous essayerons de le développer dans les meilleurs délais!

L’avis de la ministre

Valérie De Bue, ministre de la Sécurité routière pour la Région wallonne

«Le contrôle technique des motos: un débat qui dure depuis quelques années. S’il n’est actuellement pas imposé en Belgique, il existe une possibilité qu’il soit mis en place d’ici peu, dans la mesure où l’échéance fixée par l’Europe approche. En effet, le règlement européen 2014/45/UE exige de tous les États membres la mise en place d’un contrôle technique pour les deuxroues motorisés en 2022. Il existe néanmoins un tempérament à cette obligation dans la mesure où les États membres peuvent exclure ces véhicules du contrôle technique s’ils présentent des mesures de sécurité routière efficaces de remplacement, en tenant compte, en particulier, des actions de sécurité routière ayant permis de faire baisser sensiblement les accidents dans cette catégorie de véhicules. Cette réflexion fait l’objet de discussions au sein d’un groupe de travail émanant du Conseil supérieur wallon de la Sécurité routière au regard des éléments de ce règlement européen. Si, à l’issue de l’examen, il est recommandé de ne pas introduire de demande d’exemption et par conséquent d’imposer le contrôle technique, le groupe de travail sera alors invité à en proposer les modalités, fréquences et occasions. Il est dès lors prématuré de se positionner quant à l’instauration éventuelle d’un contrôle technique pour les motos et ses modalités particulières avant la réception et l’analyse du rapport. Quoi qu’il en soit, une position sera prise et, le cas échéant, les dispositions législatives adaptées, dans le respect du délai fixé par l’Europe.»

Et en France?

Jean-Pierre Théodore, rédacteur en chef de Moto Mag

«D’après moi, l’instauration d’un contrôle technique dédié aux deux-roues motorisés n’a pas lieu d’être car, une fois de plus, cela ne servirait qu’à remplir les caisses de l’État et des organismes dédiés aux contrôles des véhicules alors que les statistiques démontrent que le taux d’accidents imputables à un mauvais entretien se révèle anecdotique. Par ailleurs, il y a peu de chance qu’un tel CT soit mis en place sur le territoire français en raison de la superficie du pays, qui imposerait à beaucoup de motards de devoir parcourir des dizaines de kilomètres pour se rendre dans un centre de contrôle. En prime, ces derniers devraient investir dans du matériel adapté. Dès lors, quid de la rentabilité de ces centres?»

L’avis de nos lecteurs

Benoit Martin

Si on imite les voitures pour lesquelles on vous fait payer en cas d’installation d’un kit de surbaissement ou de jantes, je suis totalement contre. Soit les accessoires sont autorisés, soit ils ne le sont pas. Mais je ne vois pas en quoi payer va rendre cet élément moins dangereux. Si j’ai installé un nouvel échappement qui ne pollue pas et qui ne dépasse pas le seuil de décibels toléré, qu’on me laisse tranquille! Par contre, si on m’avertit que ma moto ne freine pas bien, je suis pour.

Laura Warnant

Pourquoi pas? On le fait bien pour les voitures afin de détecter d’éventuelles anomalies. Je trouve qu’une telle démarche serait également intéressante pour les motos. Une voiture en ordre c’est bien mais une moto qui l’est, c’est encore mieux!

Steeve Vander Casseyen

Je suis totalement contre. Le jour où nos routes et nos infrastructures prendront en compte les motards, je changerai peut-être d’avis. Mais pourquoi se présenter à un CT au nom de la sécurité, qu’il faudra payer en prime, quand nos infrastructures routières nous ne permettent pas de rouler en toute sécurité?

Éric Evrard

Un CT annuel comme pour les voitures serait complètement stupide. Par contre, si c'est pour apporter une certification de l'état de la moto à date fixe ou, dans le cas d’une occasion, avec un contrôle axé sur les points de sécurité afin que le non-connaisseur en mécanique puisse avoir une confirmation que la moto est en ordre et en état de rouler, je suis pour.

Jérôme Houart

Je suis totalement contre! Une exception toutefois: à la revente de la moto, un contrôle basique devrait être obligatoire. Cela aiderait probablement certains acheteurs peu formés à l’exercice. Je pense qu’un apprentissage plus poussé, voir une formation lors du passage du permis afin de connaître les bases de l’entretien d’une moto serait souhaitable.

Bernard Beaujean

Tout dépend du coût… Mais je pense que la plupart des motards ne sont pas suicidaires et font en sorte d’avoir une moto en parfait état. Si l’on va dans ce sens, quelle sera l’étape suivante? Un CT pour les équipements de protection avec une somme à payer par élément contrôlé? J’ai bien peur que ce CT soit encore une «taxe» déguisée…

Frédéric Wob

Je suis contre. On paye déjà assez pour pouvoir rouler à moto, pas besoin d’en rajouter une couche. Le côté sécurité du CT, je peux encore comprendre… mais je pressens qu’ils vont surtout nous embêter pour les modifications apportées à nos motos. Comme les échappements et autres pièces racing et/ou tuning, qui embellissent nos machines. Je pense qu’il y a de grandes chances qu’elles soient refusées au CT…

Rudi Louis

Un contrôle technique sur des motos destinées à la vente serait une bonne idée. Sur ma vie de motard, j’ai vu des motos se vendre alors qu’elles étaient complètement pliées, suspensions hors d’usage, freins et pneus complètement morts ; j’ai vu des cadres sur lesquels les numéros avaient étés grossièrement limés et j’en passe… Pour le reste, je pense qu’un contrôle annuel serait un clou de plus au cercueil de la moto en Belgique, la pression des pneus ne se mesure pas qu’une fois l’an, une chaîne peut être en bon état en mars et usée en juillet…

David Kckhf

Je suis du métier depuis presque 15 ans et je suis conscient que cela pourrait sauver des vies. Contrairement aux dires de certains, toutes les motos ne sont pas en ordre! Rien qu’au niveau de la pression des pneus, c'est une catastrophe…

Romain Nathalie PonDos

Je suis pour… si les balises du contrôle restent de l'ordre du bon fonctionnement moteur et de la sécurité du conducteur ainsi que des autres usagers! Le but n'étant pas de mettre fin au custom ou café-racer mais bien de s'assurer qu’aucune bécane bricolée n'importe comment ne se balade en mettant en danger la vie d’autrui.

Erwan Deffoin

Il faut savoir que dans 3 accidents sur 4 impliquant un motard, ce dernier n'est pas en tort. Le quart restant est composé de chutes où seul le motard est impliqué. Jamais l'état du véhicule n'est mis en cause… une justification de cette mesure nécessite de lourds arguments et des statistiques valables pour prouver la nécessité d'instaurer un CT.