Attention, voici sans doute la grande nouveauté de l’année. Car en effet, rares sont les occasions de voir une marque rompre ses traditions avec autant de force pour s’aventurer dans une direction totalement inédite. La Pan America, une machine à l’allure unique, un trail étonnant, débarque sur le marché tel un ovni. Et sa principale particularité se découvre sur ses flancs: oui, c'est une Harley-Davidson!
Texte Bernard Dorsimont – Photos Harley-Davidson
Je dois avouer que, sans doute comme beaucoup, je n'ai pu réprimer un certain sourire lorsque les premières photos du maxitrail américain furent dévoilées, en 2018. Voir le mythique créateur des célèbres cruisers de Milwaukee s’attaquer, tout à coup, à un marché jusqu’ici totalement étranger pour lui avait quelque chose d’à la fois surprenant et d’incongru. Et puis, quelle «gueule» improbable avec cette tête de fourche pourvue d’un gigantesque phare rectangulaire. Il était difficile de faire plus «camionesque» et plus décalé ! Bien que saluant l’initiative de ce pari osé, on ne prit donc pas trop la chose au sérieux, se disant qu’il s’agirait probablement d’un des nombreux prototypes à l’apparition aussi remarquée qu’éphémère. Et pourtant, aujourd’hui, la moto est là, devant moi, bien réelle et toujours aussi intrigante. Je me montre à la fois curieux et excité de la découvrir et on va voir que, déjà sur le papier, cette Harley se révèle beaucoup plus sérieuse qu’il n’y paraît à première vue. Il faut dire que pour se frayer une place au soleil dans ce segment hypercompétitif, il y a intérêt à s’assoir à table avec de solides arguments.
Feuille blanche
Commençons par le moteur qui, à part le fait d’être un bicylindre en V, n’a rien en commun avec les autres twins de la marque. Bien qu’une petite analyse des données chiffrées respectives révèle un lien de parenté assez proche avec le moteur de la V-Rod mis au point par Porsche il y a quelques années, Harley soutient être parti d’une feuille blanche pour développer son modèle. Les ingénieurs américains ont donc mis au point un nouveau bloc très moderne doté du refroidissement liquide, de deux arbres à cames en tête, d’un calage variable, de quatre soupapes et deux bougies par cylindre et qui porte le nom de Revolution Max. Examinons ensemble et en détails la fiche technique, un exercice toujours très instructif et par lequel tout bon essai se doit de commencer. Et imaginons-nous un instant à la place des concepteurs de ce projet. Quels choix s’offrent à eux et sur quelles bases peuvent-ils travailler? Pour ce faire, j’ai passé en revue, dans un petit tableau, toutes les architectures moteurs des gros trails du moment. Mis à part les récentes Ducati Multistrada V4 et Kawasaki Versys 1000 équipées de quatre cylindres, respectivement en V et en ligne, mis à part la Triumph Tiger 1200, la seule à faire confiance à un trois pattes, toutes les autres machines sont pourvues d’un bicylindre. Un boxer sur la référence BMW R 1250 GS, un twin parallèle sur la Honda Africa Twin et feu la Yamaha Super Ténéré ou un V2 sur toutes les autres, depuis la Suzuki V-Strom 1050 jusqu’à la KTM 1290 Super Adventure en passant par les déjà anciennes Aprilia Caponord et Ducati Multistrada 1260. Si l’angle entre les cylindres se révèle, le plus généralement, de 90° (Aprilia, Suzuki, Ducati), la KTM affiche une cote de 75° tandis que cette nouvelle Pan America se distingue par une valeur très fermée de 60° seulement. Ce qui donne un bloc très compact dans la sens de la longueur, une première information importante.
Au niveau des cylindrées reprises dans la catégorie, celles-ci s’échelonnent de 1.037cc pour la plus petite (Suzuki) jusqu’à la grosse KTM et ses 1.301cc. La valeur moyenne est exactement de 1.168cc et Harley a choisi de porter la sienne à 1.252cc précisément, soit à 2cc près la même cylindrée que celle de la GS. Question puissance, les chiffres varient de 102ch (Africa Twin) à 170ch avec la nouvelle Ducati V4, la valeur moyenne se situant, dans ce cas, à 133,3ch. La Pan America se place dans la fourchette haute avec une puissance annoncée de 150ch. Enfin, au niveau du couple maxi, on trouve une moyenne de 121,5Nm en partant de la Suzuki (100Nm) jusqu’à la BMW (145Nm), avec des régimes assez proches allant de 6.000tr/min (Suzuki et Yamaha) à 6.750 tr/min (KTM), l’ancienne Ducati V2 et la Kawasaki Versys étant les seules à monter à 7.500 tr/min et la nouvelle Ducati V4 ne jouant pas vraiment dans le même registre avec 8.750tr/min. Notre Harley vogue, une fois encore, dans la norme avec une valeur de 128Nm à 6.750tr/min. Voilà donc des informations essentielles avec, pour la fin, encore un dernier mot sur les valeurs d’alésage et course de ces moteurs. En se concentrant sur les bicylindres, on voit que la course la plus longue est à mettre à l’actif du Twin Honda (81,5mm) puis viennent, ensuite, la Yamaha et la BMW avec respectivement 79,5mm et 76mm, tandis que la Harley se rapproche fortement de la KTM avec 105mmx72mm pour l’américaine et 108mmx71mm pour l’autrichienne, la différence tenant plus de la différence de cylindrée que d’un choix sur le comportement moteur.
Moteur porteur
L’architecture moteur ayant été définie, les ingénieurs de la marque en ont également profité pour l’intégrer au véhicule en tant qu’élément central du châssis. De cette façon, en ne recourant pas à un cadre traditionnel, on diminue le poids de l’ensemble, un point crucial dans cette catégorie de motos aux dimensions généralement éléphantesques. La partie avant, le cadre central et la section arrière viennent ainsi se greffer directement sur le groupe propulseur.
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