Plongée au coeur du Hageland
Ce mois-ci, Moto 80 vous propose une escapade de proximité mais néanmoins dépaysante, puisque la majeure partie de son itinéraire a été tracée de l’autre côté de la frontière linguistique, dans la province du Brabant flamand.
Texte Philippe Bonamis et Jacques Berghmans
Bon d’accord, ni les routes ni les paysages que propose la campagne de l’est du Brabant flamand ne peuvent rivaliser avec ce que nous offrent les Alpes, les Vosges ou même l’Ardenne. C’est que la région est très urbanisée et même si certains enthousiastes vont jusqu’à qualifier le Hageland (c.à.d. la campagne proche de Diest…) de «Toscane flamande», il y a un marche que nous ne franchirons pas. L’hyperbole littéraire, d’accord, mais avec certaines limites, quand même! Cela n’empêche pas notre balade de comporter nombre de petites routes plutôt sympathiques et d’incursions dans des cités historiques qui méritent le détour, comme Aarschot et, surtout, Diest. Au prix toutefois de nombreux changements de direction: soyez donc attentifs à la navigation. Et puisque nous en sommes aux mises en garde, souvenez-vous que la limitation de vitesse générale sur les routes flamandes est de 70km/h. Les innombrables «flitspalen» (radars fixes) qui bordent les routes au nord du pays vous dissuaderont de prendre la chose par-dessus la jambe! Un motard prévenu en vaut deux…
Louvain, ville universitaire
Au départ, nous voulions donner le coup d’envoi de cette virée sur le Oude Markt (Vieux Marché), au cœur du Louvain ancien, en raison des nombreux cafés, bistrots et restaurants qu’on y trouve. Et puis, les splendides halles universitaires et la non moins splendide bibliothèque d’une université mondialement célèbre, dont les origines remontent à 1425, valent le coup d’œil. Las, la circulation des véhicules motorisés est devenue bien compliquée dans la ville. Et les nombreux chantiers n’arrangent rien! Situation sanitaire oblige – notre reconnaissance a eu lieu alors que les terrasses étaient encore fermées –, nous avons dès lors pris pour point de départ la station Total de Blanden, au sud de Louvain, qui présente l’avantage d’être facilement accessible par l’autoroute E40 Bruxelles-Liège. Autre intérêt de ce lieu au charme certes discutable, cela permettra aux éternels distraits de faire le plein avant le départ…
Semblant de B-road
Bon, vous y êtes? Nous sommes partis… Commençons par chauffer gentiment les mécaniques par Blanden centre, puis Bierbeek et Neerveld, où la direction générale s’infléchit au nord-est, en direction de Boutersem. Rien de particulier à dire sur ces premiers kilomètres. On traverse des contrées très bâties, avec tantôt d’anciennes demeures paysannes restaurées de fond en comble, tantôt des constructions aux lignes résolument contemporaines plutôt voyantes qui sentent l’argent abondant… Après avoir coupé la N3 Leuven-Tienen, très passante, l’horizon se fait un peu plus dégagé vers Kerkom et Lubbeek. On tombe même sur une ravissante grimpette boisée qui, l’espace d’une centaine de mètres vous donne presque l’impression d’évoluer sur une «B-Road» du sud de l’Angleterre. Après avoir passé Sint-Pieters Rode, nous arrivons à Aarschot, fière de son béguinage. Ses origines remontent au XIIIe siècle, et ses maisonnettes sont aujourd’hui transformées en logements. La ville est également connue pour sa Tour Saint-Roch, édifice en grès brun du XIVe siècle, situé sur le Grote Markt et qui a servi de prison sous Napoléon, avant de se muer en poste de police. On peut également admirer, à Aarschot, quelques très belles maisons Art Nouveau…
Après avoir sacrifié à l’inévitable séance photos, nous quittons la ville vers l’est en longeant grosso-modo le cours du Démer, paresseuse rivière qui se jette dans la Dyle. On tombe sur un groupe de motards néerlandais: rare de voir des machines immatriculées à l’étranger en ces temps d’épidémie et de passages de frontières compliqués… Ils semblent tout heureux de se trouver là, sur cette route de mauvais béton – n’allez pas croire que les voiries flamandes sont meilleures que leurs homologues wallonnes! – qui n’a rien de spécialement folichon. Heureusement, le site de l’abbaye d’Averbode situé au bout mérite une halte.
Abbaye et béguinage
Dans cette région boisée de pins, l’abbaye d’Averbode a été fondée par les Prémontrés, en 1134. Aujourd’hui, on y produit de la bière, du fromage ou encore du pain d’épices. L’accès au site est libre: on pénètre dans la cour par un beau porche du XIVe siècle. Les bâtiments de l’abbaye proprement dits ont été détruits par le feu en 1942, sauf le cloître du XVIIe siècle. Les lieux valent aussi le détour par le cimetière conventuel de l’abbaye où se trouve la tombe d’Ernest Claes. Gloire de la littérature flamande du XXe siècle, Claes est surtout connu pour son roman à caractère autobiographique «De Witte», paru en 1920.
Après avoir pique-niqué devant l’abbaye, nous mettons le cap sur Zichem, village natal d’Ernest Claes, où nous «jardinons» quelque peu, la cartographie du Garmin n’étant pas vraiment conforme à la réalité du terrain: le GPS veut à toute force nous faire prendre une série de sens interdits! Après avoir contourné la difficulté, nous arrivons à Diest. Encore une cité digne d’intérêt, dont le centre moyenâgeux sera le coup de cœur de cette balade. Merci à David notre photographe qui, en «régional de l’étape» compétent nous a pilotés dans le dédale des petites rues anciennes. Une mention pour le Grote Markt, qui semble l’endroit idéal pour boire un pot ou manger un morceau. À vérifier dès que la situation sanitaire le permettra! Nous ne quittons pas la ville sans avoir jeté un œil au béguinage auquel le Guide Vert Michelin attribue 2 étoiles, svp! Datant du XIIe siècle, ce béguinage est l’un des plus anciens du pays. Les quelque 90 maisons actuelles remontent aux XVII-XVIIIe siècles. Les lieux sont vraiment charmants et méritent que l’on y déambule pedibus, la circulation motorisée y étant interdite, ce qui est au demeurant plus que justifié.
Sous les frondaisons
La suite de l’itinéraire nous fera découvrir une campagne plaisante, plantée d’arbres fruitiers en fleurs. Vive le printemps! Quelques chantiers nous contraignent néanmoins à des déviations qui sont autant d’occasions de découverte. Rassurez-vous: notre itinéraire a été remanié pour que vous n’ayez normalement pas de souci de navigation… Assent, Loksbergen, Kortenaken, Hoeleden, Oplinter… les villages défilent. Il n’y a pas trop de monde par ici. Aussi est-ce l’esprit serein que nous arrivons à Tienen, Tirlemont en français. On passe devant les bâtiments imposants de la Raffinerie Tirlemontoise, qui n’est plus belge depuis longtemps, puisqu’elle appartient depuis 1989 au groupe allemand Südzucker. Quelques kilomètres plus loin, voici Hoegaarden, connu pour sa fameuse bière blanche, toujours fabriquée ici, même si la brasserie appartient depuis longtemps au groupe Inbev, ex-Interbrew. Nous sacrifierions volontiers à une petite dégustation mais, une fois encore, il faudra remettre l’opération à des temps meilleurs… Fichue pandémie! Nous tombons à nouveau sur des travaux à la sortie de Hoegaarden. La signalisation est totalement déficiente. Le «Kauterhof» étant fermé, pour rejoindre rapidement Beauvechain (Bevekom, en néerlandais), comment fait-on? La réponse est simple, mais prend quelques libertés avec la réglementation routière: il s’agit, à un feu tricolore provisoire, d’emprunter une voie autorisée uniquement aux riverains. Il n’y a pas grand-monde, on essaie et… ça passe! Suivez bien votre GPS…
(…) Découvrez la suite de ces Routes du Patrimoine dans le nouveau Moto #847, et retrouvez aussi les fichiers TRB et GPX ci-dessus en téléchargement!