BMW R 1300 GS vs Ducati Multistrada V4 S vs KTM 1290 Adventure S vs Triumph Tiger 1200 GT Explorer.
Comment la nouvelle BMW R 1300 GS se positionne-t-elle désormais face aux rivales des autres marques ? Voilà une question qui taraude bien des motards en cette fin d’année ! Premiers éléments de réponse avec une montée sur le ring de redoutables challengers. Un essai paru dans le Moto 80 #877 de décembre 2023.
Texte Bernard Dorsimont & Bruno Wouters – Photos Jonathan Godin
Les temps changent : fini de rêver aux performances diaboliques des supersport. C’est maintenant le segment des gros trails qui est devenu un champ de bataille où les constructeurs rivalisent d’audace et d’inventivité pour se montrer les meilleurs. Les SUV balayent tout sur leur passage, quel que soit le nombre de roues ! Après, les esthètes pourront toujours chouiner sur la disparition quasi généralisée des GT ou des sportivo-GT, mais le fait est là : hors gros trail, point de salut !
Ce segment ô combien porteur et lucratif doit beaucoup à BMW et sa (ses !) mythique(s) GS, dont l’aventure débuta il y a plus de quarante ans, en 1980, avec la R 80 G/S. Il faut dire que BMW a su rendre ses GS particulièrement efficaces et attractives, de quoi légitimer un succès qui ne se dément pas et qui a bien entendu suscité des vocations chez bien d’autres constructeurs. Avec des succès à géométrie variable, il faut toutefois bien l’admettre, le constructeur allemand n’hésitant pas en effet à remettre sur le tapis son ouvrage dès qu’un impudent challenger ose poindre le bout de son nez.
Revue des troupes en présence
Il n’empêche, la concurrence ne chôme pas non plus et propose pas mal d’alternatives à la reine teutonne : il était temps pour BMW de remettre tout le monde à sa place et de montrer qui reste le chef. Avec succès ? C’est ce que nous allons voir ! Reconnaissons une certaine audace de la marque allemande cette fois-ci. Le changement semble en effet aussi radical que lors du remplacement de la 1150 GS par la 1200 GS, fin 2004. Le bloc de la 1300 GS gagne en cylindrée et forcément en puissance (145 ch) tout en se montrant plus compact. Le nouveau châssis évolue dans le même esprit de compacité et innove par sa boucle arrière en aluminium moulé. Résultat, une moto plus fine, plus élancée, plus compacte et surtout plus légère de douze kilos. Les férus de technique trouveront plus ample description de la nouvelle GS dans le comparatif qui l’oppose à sa grande sœur, la 1250 GS, dans ce même numéro. Saluons toutefois BMW pour avoir osé la prise de risque avec ce nouvel opus.
Chez Ducati, la Multistrada fait mieux que de la figuration et a réussi à se faire une place au fil du temps et des évolutions. Née avec le twin en « L » emblématique de la marque, la Multistrada de quatrième génération adopte en 2021 le 4-cylindres en V le plus gros jamais produit par la marque, puisqu’il cube 1.158 cm3. La cavalerie se montre à la hauteur de la cylindrée avec pas moins de 170 ch (à 10.500 tr/min), le couple s’établissant à 125 Nm au régime de 8.750 tr/min. À tout le moins suffisant… Autre attrait de ce bloc V4, la fréquence des interventions plutôt impressionnante avec un intervalle de 60.000 km pour le contrôle du jeu des soupapes ! Notons encore la désactivation des cylindres arrière pour limiter la production de chaleur au feu rouge.
Le châssis de la Ducati évolue
Côté châssis, nous relevons de grosses évolutions avec l’abandon du cadre treillis en faveur d’un élément monocoque en aluminium, le monobras faisant place à un élément plus classique mais ajouré. Le look ne surprend pas mais évolue avec un « bec » plus court et l’ajout d’écopes rappelant les winglets du MotoGP, destinées ici à dissiper la chaleur dégagée par le moteur. La dotation électronique n’est pas en reste : la Ducati est la première moto au monde à se voir équipée de radars avant et arrière, avec les systèmes de régulateur de vitesse adaptatif (ACC) et de détection des angles morts (BSD) qui s’avèreront à l’usage particulièrement utiles au confort de conduite et à la sécurité, notamment sur les longs trajets. La centrale inertielle à trois axes et six directions gère le fonctionnement de l’ABS en virage, du Ducati Wheelie Control (DWC), du Ducati Traction Control (DTC) et des feux de virage (DCL). Une autre caractéristique offerte de série sur la Multistrada V4 S est le contrôle du maintien du véhicule (VHC), qui facilite les redémarrages, notamment en pente. Sur la Multistrada V4 S, la plateforme inertielle communique également avec le système semi-actif Ducati Skyhook Suspension (DSS). Ce dernier est non seulement capable d’analyser les conditions de conduite et de régler instantanément l’hydraulique de la fourche et de l’amortisseur, mais il intègre également la fonction Auto-leveling. Celle-ci assimile la charge sur la moto et ajuste ensuite le réglage de manière autonome. Elle est proposée en plus des options déjà disponibles : conducteur seul, conducteur avec bagages, conducteur avec passager ou conducteur avec passager et bagages. Le système de contrôle de la pression des pneus est également de la partie, tout comme l’éclairage diurne et l’éclairage full LED, le quickshifter, les commutateurs rétroéclairés au guidon et l’accès mains libres.
Quatre modes de conduite sont proposés : Sport, Touring, Urban et Enduro. Le freinage combiné est optimisé en fonction des modes de conduite et fait appel à des disques de 330 mm pincés par des étriers monoblocs M50 Stylema de Brembo. L’interface utilisateur est revue et dotée d’une unité TFT réglable de 6,5 pouces. Un joystick a été ajouté à main gauche du tableau de bord pour aider à la navigation dans les menus. N’oublions pas de mentionner le système Ducati Connect qui permet, via Bluetooth et Wi-Fi, la fonction « mirroring » de l’application pour téléphone portable sur le tableau de bord et la commande via le joystick. Enfin, dans la partie supérieure du réservoir, un compartiment a été prévu, accessible par une petite ouverture, dans lequel il est possible de ranger le smartphone et de le maintenir chargé via un port USB. Ça, c’est la théorie, au vu de la taille des smartphones actuels…
La mise à jour de début 2022 réside principalement dans une nouvelle fonction semi-automatique de la suspension électronique de la Multistrada V4 S, appelée Précharge minimale. Cette fonction permet de réduire la hauteur de la moto pour faciliter le placement des pieds au sol lors d’une utilisation en ville ou lors de manœuvres à basse vitesse, surtout avec un passager. Plus anecdotique, la mise à jour du logiciel concernant l’interaction entre le pilote et la moto, désormais plus fonctionnelle, paraît-il.
Évolution chez KTM
La KTM 1290 Super Adventure S a été présentée en 2021. Si elle ne diffère guère esthétiquement de la génération précédente, elle n’en dissimule pas moins une certaine évolution technique. Le cadre treillis est modifié pour garantir plus d’agilité. Le bras oscillant se rallonge de 15 mm, la colonne de direction reculant de 15 mm. La KTM adopte aussi les suspensions semi-actives WP Apex. Un système antiplongée de la fourche et un système de précharge réglable électroniquement à l’arrière deviennent disponibles. Le réservoir, en trois parties, rabaisse intelligemment, et comme sur les 890, le centre de gravité. Il contient vingt-trois litres de précieux carburant. Le bloc LC8, un V2 ouvert à 75°, bénéficie de l’apport d’un deuxième radiateur. Ses 1.301 cm3 développent la bagatelle de 160 ch à 9.000 tr/min avec un couple de 138 Nm à 6.500 tr/min, perdant 2 Nm de couple dans le passage à la norme Euro5. L’échappement est nouveau, avec un silencieux plus massif. La boîte à air et la lubrification sont revues. Les carters et pistons sont nouveaux, tout comme la boîte de vitesses.
Pas de surprise côté électronique : la KTM fait le plein, s’alignant sur ce qui devient petit à petit la norme dans la catégorie. La centrale inertielle permet beaucoup de choses, dont le contrôle de traction MTC à quatre modes, l’ABS de virage et l’assistance au démarrage en côte. S’y ajoutent les quatre modes de conduite (Street, Sport, Rain, Offroad) voire même un mode complémentaire « Rally » en option. Les radars sont de la partie, tout comme le régulateur de vitesse adaptatif. Parmi la dotation, relevons encore l’accès mains libres, le contrôle de la pression des pneus, l’éclairage de virage et le quickshifter. Le pack PRO gère automatiquement la précharge et l’antiplongée de la fourche. L’embrayage hydraulique assisté et l’antidribble PASC, qui réduit le couple du bicylindre en phase de décélération, facilitent la conduite. Dommage que tout ne soit pas de série, un air connu…
Sous les yeux du pilote, l’inévitable dalle TFT de sept pouces, interface incontournable pour s’y retrouver dans l’arborescence fouillée des menus permettant de gérer les modes de conduite, les réglages de la suspension semi-active et de l’ABS ou encore le régulateur de vitesse adaptatif, le contrôle de traction, le tout contrôlé par la centrale inertielle à trois axes et six directions fournie comme d’habitude par Bosch. Via les applications telles que KTM MY RIDE, le tracé GPS de type Road Book apparaît aussi sur la dalle TFT. Pour 2023, la Super Adventure S gagne de nouvelles teintes, son logiciel de navigation est amélioré : l’application KTMConnect propose désormais un guidage Turn-by-Turn+ et des marqueurs de waypoints en cours de route, sans avoir à s’arrêter pour régler un appareil mobile. La même fonctionnalité s’étend également aux pistes audio et à la liste des « favoris » pour les appels téléphoniques.
Nouveau moteur chez Triumph
L’actuelle Triumph Tiger 1200 GT Explorer est apparue sur le marché pour le millésime 2022, marquant par la même occasion une refonte en profondeur. Refonte absolument nécessaire d’ailleurs, tant l’ancienne mouture commençait à perdre pied face à une concurrence de plus en plus agressive. Première grosse nouveauté, le moteur ! Exit l’ancien 3-cylindres cubant 1.215 cm3, qui laisse place au nouveau bloc de 1.160 cm3, avec toujours trois cylindres en ligne, inauguré sur la Speed Triple au millésime 2021. Un downsizing suffisamment rare pour être souligné… Downsizing à tous points de vue, d’ailleurs : si le moteur perd en cylindrée (mais gagne en légèreté et en puissance avec 150 ch à 9.000 tr/min, avec un couple de 130 Nm à 7.000 tr/min), la machine perd aussi en poids, avec 25 kg de moins sur la balance pour 9 ch et 8 Nm de plus ! Le 3-cylindres « T-plane » se distingue par un ordre d’allumage 1-3-2 : le vilebrequin place les manetons 1 et 3 à 180° l’un de l’autre, tandis que le maneton 2 est calé à 90° des deux autres, au lieu des traditionnels calages à 120° les uns des autres. Ceci nous donne un intervalle d’allumage de 180, 270 et 270°, soit un espace court et deux longs, la volonté de Triumph étant d’accentuer le caractère et le couple à bas régime typique d’un twin, tout en préservant l’allonge d’un triple à plus haut régime. Un gros travail a été effectué sur le châssis pour gagner en poids (-5,4 kg rien que pour le châssis), avec une boucle arrière en aluminium boulonnée au cadre en acier tubulaire. Le bras oscillant tri-bras est plus léger (-1,5 kg) et plus résistant que l’ancien monobras. Du poids est encore grappillé sur la transmission par arbre. Le réservoir utilise l’aluminium, la GT Explorer se distinguant ici par une capacité passant de vingt à trente litres.
La Tiger ne fait bien sûr pas l’impasse sur la technologie embarquée, qui se distingue d’emblée par l’adoption du tout nouveau système Triumph Blind Spot Radar développé en partenariat avec Continental, qui offre deux fonctions de sécurité essentielles : le Blind Spot Assist, qui utilise un radar orienté vers l’arrière pour indiquer au pilote qu’un autre véhicule se trouve dans son angle mort, et le Lane Change Assist, qui donne un avertissement si le pilote indique qu’il veut changer de voie alors qu’un véhicule est en approche. Pas de radar à l’avant par contre, et donc pas de régulateur de vitesse adaptatif, contrairement à la concurrence…
L’antipatinage optimisé en virage est proposé de série sur toute la nouvelle gamme. Il s’appuie sur la centrale inertielle à trois axes et six directions de la moto pour fournir une réponse optimale de l’antipatinage en fonction des conditions de conduite. Les modes de conduite habituels (Road, Rain, Sport, Off-Road) se complètent d’un mode Rider paramétrable. Ceux-ci ajustent la réponse de l’accélérateur, de l’ABS, de l’antipatinage et des réglages de la suspension semi-active Showa. Le tout passe bien entendu par la dalle TFT de sept pouces, via les boutons des commodos. Parmi les nombreux équipements de la 1200 GT Explorer, citons l’éclairage (full LED) de virage adaptatif, le quickshifter, l’aide au démarrage en côte, les poignées chauffantes, les selles chauffantes, l’accès mains libres, le contrôle de la pression des pneus, les commandes rétroéclairées, le régulateur de vitesse, les barres de protection moteur, les protège-mains et la béquille centrale, tandis que le freinage fait appel à des étriers M4.30 Stylema de chez Brembo.
Depuis, la suspension semi-active s’est complétée d’une fonctionnalité bien pratique et rassurante : il est en effet dorénavant possible de réduire la précharge active, ce qui permet d’abaisser l’assiette de la moto, la hauteur de selle se réduisant de 20 mm. La manipulation s’effectue via le bouton « Accueil » du commodo, en le pressant pendant une seconde. Le réglage initial se rétablit automatiquement au-delà de 40 km/h.
À l’ouvrage sur les routes ardennaises
Petit préambule : pour certains modèles, il était encore un peu tôt pour pouvoir en disposer à l’essai sur de longues périodes. Nous avons donc réalisé cet essai sur une grosse journée de roulage et effectué un peu plus de 220 km avec chacune de nos machines. Pas suffisant pour découvrir en profondeur tous les détails de ces belles, mais assez pour se forger une opinion quant à leur personnalité, leurs points forts et leurs éventuelles faiblesses. Nous étions quatre essayeurs à partager nos impressions, tous largement expérimentés. Le premier du magazine flamand MotoRijder, le deuxième du magazine néerlandais Kickstart, ainsi donc que les deux représentants de Moto 80. Notre terrain de jeu du jour : les Ardennes belges, dans le triangle Ciney-Hastière-Beauraing. Le temps était automnal, avec des routes sèches dans l’ensemble, bien que parsemées de nombreuses portions grasses et couvertes de feuilles. Avec en prime quelques gouttes de pluie, mais aussi de belles éclaircies. Au final, pas question ici de prendre un chronomètre, de mesurer les performances dans tous les compartiments de jeu et d’établir un classement strict, mais bien de transcrire ce que vous seriez en mesure de ressentir au guidon de chacune de nos montures en cernant au mieux leur personnalité, ou en tout cas leur trait de caractère le plus marqué.
Position de conduite et sonorité
En comparaison aux trois autres machines, la nouvelle GS se distingue par ses dimensions réduites. Elle se veut plus petite et plus compacte non seulement que la Ducati et la KTM, qui sont très hautes et ont cet aspect « grand cheval », mais c’est même le cas par rapport à la Triumph, qui apparaît plus raisonnable sur ce point. Avec en plus la hauteur adaptative dont dispose notre machine d’essai, il est plus aisé de lancer la jambe au-dessus de la selle pour enfourcher sa monture. Pour le reste, toutes les positions sont confortables et offrent pas mal de place. On note que la BMW propose un guidon confort un peu plus haut placé que celui de ses rivales (en option), que la Ducati permet de déplier légèrement plus les jambes, qu’on est bien calé par le petit dosseret de la selle passager sur la KTM, et que la Triumph s’avère accueillante et que l’on s’y sent tout de suite à l’aise.
Le moteur de la Ducati n’émet pas une sonorité particulièrement agréable à bas régime. C’est très métallique et ça ferraille un peu. Celui de la KTM montre du souffle et du volume. Il s’agit du son typique d’un gros V2, mais il se révèle cependant assez bien contenu. La Triumph s’avère relativement silencieuse, mais on n’entend malheureusement pas vraiment qu’il s’agit d’un 3-cylindres. Où est passée la mélopée du triple ? La BMW, enfin, est dans le même registre : c’est discret et sans signature sonore réellement marquée.
Ville et autoroute
La BMW et la Triumph se veulent les plus à l’aise dans les manœuvres à basse vitesse. La BMW surtout grâce à son centre de gravité placé très bas en raison du flat twin. C’est l’une de ses principales qualités. La Triumph est handicapée par le poids en tête sensible de son 3-cylindres mais se rattrape par un bon équilibre général. Elle a surtout perdu 25 kg par rapport aux anciennes versions et cela se sent. La Ducati est agile, elle aussi. Sa direction s’avère légère et elle se conduit du bout des doigts lors des manœuvres, mais elle paraît plus haute ; dès lors il vaut mieux conserver un minimum de vitesse, sinon gare à la perte d’équilibre. D’ailleurs, un peu de métier est nécessaire à son guidon dans les évolutions au ralenti. La KTM, enfin, respire les grands espaces. Haute et imposante, les petits coins, ce n’est pas vraiment son truc, même si elle s’en sort honorablement dans les passages lents.
Mention très bien pour la Ducati et la BMW. Aussi bien sur l’une que sur l’autre, le pilote se sent efficacement protégé et prêt à tailler la route. La première s’équipe d’une bulle qui se relève manuellement grâce à un large bouton basculeur central. Ce n’est pas la solution la plus élégante, mais cela fonctionne bien. La bulle de la BMW se commande électriquement. Bonheur ! Mais encore faut-il arriver audit réglage en passant par les menus… La KTM possède un pare-brise qui prend un peu plus de place et offre une forme carrée. Une molette de réglage facilement accessible se situe sur le côté droit. La Triumph n’est pas mal, mais protège un chouia moins bien que les autres car sa bulle apparaît assez courte. Celle-ci se règle d’une main via une poignée qu’on soulève ou abaisse, mais sa manipulation nécessite un certain effort et est loin d’être idéale. Toujours pour l’anglaise, signalons que le haut des jambes se trouve par contre bien à l’abri derrière le réservoir, ce qui est assurément appréciable pour une voyageuse.
Moteurs : des caractères différents
Un chapitre important et intéressant avec des architectures très variées : un flat, un V2, un Triple et un V4. Qui dit mieux question diversité ? Forte de ses 170 canassons, la Ducati remporte la palme de la machine la plus puissante. Mais ce n’est pas dans les bas régimes qu’elle se distingue car la concurrence dispose également d’arguments sérieux. Le gros bloc de la KTM possède un sacré répondant et vous propulse en avant en grondant dès l’ouverture de la poignée. La BMW reprend très bien quel que soit le nombre de tours/minute et fait maintenant preuve d’une belle allonge. La Triumph, bien qu’un peu moins démonstrative, suit le mouvement et ne se laisse pas décrocher. Mais dès que la route s’ouvre et que l’espace se libère, l’italienne fait parler la poudre de son V4, qui file haut vers la zone rouge en hurlant. Il y a de la race dans ce moteur et même si l’on est aux commandes d’un trail, on sent tout l’héritage sportif de la marque. De telles performances ne sont, bien sûr, pas vraiment indispensables pour une machine de ce genre et les occasions d’ouvrir en grand et d’exploiter pleinement cette grosse cavalerie ne s’avèrent pas si fréquentes. Malgré tout, il est bien agréable de s’offrir de temps en temps un petit coup d’adrénaline. La Ducati a ce petit quelque chose de plus que les autres en matière de sensations, comme le bloc de l’orange autrichienne a également beaucoup de caractère. Il se veut moins policé et plus brut. Le V2 pilonne avec ses grosses gamelles et est du genre viril. Les grosses sensations sont présentes là aussi, mais avec ce petit bémol qu’il vaut mieux être en forme car elles sont là en permanence ! La franchise du 1290 a quelque chose de très sympathique et d’enthousiasmant, mais sa grosse santé peut parfois s’avérer fatigante. Car avec un trail particulièrement, on n’a pas toujours envie de voyager vite et sur un gros rythme.
Le nouveau flat de la BMW propose, justement, une utilisation qui combine le sport et le tourisme. Rond et très disponible dans la première partie du compte-tours, il s’envole ensuite et dévoile une belle vigueur. C’est un bloc très polyvalent avec une très bonne connexion à la poignée de gaz. Par contre, il lui manque peut-être un chouia d’âme. Ce qu’il fait, il le fait très bien, et même parfaitement, mais de manière assez lisse en privilégiant avant tout l’efficacité. Reste le triple de notre anglaise. Souple, docile, puissant dans les tours, il fait tout très bien également mais, paradoxalement, n’affiche pas vraiment un caractère de 3-cylindres. On s’attend à quelque chose de plus velu à l’ouverture des gaz. Quelque chose qui « arrache en douceur » dans une symphonie typée, comme sait le faire un triple. Or, c’est flexible, progressif et encore une fois très efficace. Là aussi, on aurait aimé un petit supplément d’âme.
Un petit mot pour terminer concernant les boîtes de vitesses. C’est la KTM qui s’avère la plus agréable sur ce point, avec un shifter particulièrement doux et précis à la fois. La Triumph est au même niveau, avec un passage des rapports très fluide. Le bilan de la Ducati est bon, mais elle peut mieux faire, manquant parfois de précision et accrochant un peu. La BMW, enfin, est toujours à la traîne dans ce domaine et doit encore progresser ! À certaines allures, cela passe parfaitement. Mais parfois, surtout dans les bas régimes, les à-coups sont désagréables.
Sur la route
Au niveau des parties-cycles, c’est un peu la même chose. Les quatre essayeurs présents sont unanimes : dès que l’on monte sur la Ducati, on a cette sensation particulière liée au toucher de route fin et précis qui est celui d’une sportive. C’est un plaisir de la placer sur sa trajectoire, se révélant très stable à grande vitesse et idéale pour l’amateur de performances. Ce n’est pas une Ducati pour rien ! Précise, la KTM l’est aussi. Au guidon, on sent sa rigidité et elle réagit d’un bloc, mais apparaît en même temps plus massive et moins alerte. Dans le très rapide, elle flotte également un peu et inspire moins confiance que la Multistrada. La BMW est sécurisante et très à l’aise dans tous les registres, petits coins comme grandes courbes. C’est parfaitement maîtrisé, même si elle demande cependant légèrement plus d’efforts que la Ducati pour s’inscrire sur la trajectoire. La Triumph est confortable et plus souple au niveau des suspensions. Elle bouge un peu mais fait le job et rassure par une certaine bonhommie de tous les instants.
Pour parachever ces impressions, nous mettons le cap en fin de journée sur une destination susceptible de nous en apprendre un peu plus sur la tenue de route de nos machines. Il s’agit d’une montée assez courte d’environ trois kilomètres et dont le tracé sert habituellement de cadre au championnat de Belgique des courses de côte. Rapide et ouvert au début, le parcours comporte ensuite une série de virages serrés qui vont davantage mettre en avant la maniabilité et la vivacité de nos machines. Et là, la BMW reprend des points. Car si la Ducati est impériale dans le rapide, elle est un peu plus difficile à balancer d’un angle sur l’autre dans le serré. L’italienne fait sentir sa hauteur générale et une certaine inertie lorsqu’il faut changer de direction vite et de manière répétitive, comme c’est le cas ici. La BMW, dont le centre de gravité est plus bas, s’en sort mieux et est incontestablement plus facile à emmener dans les virages quand ça tournicote vraiment. C’est la moto la plus à l’aise dans ce cas de figure, et on n’hésite pas à la brusquer un peu tant on la sent bien campée sur ses roues.
Si, au premier abord, la Triumph semble jouer dans un registre plus paisible, c’est davantage le résultat de sa douceur générale que de ses capacités réelles. À l’attaque, elle garde ce côté « confortable » mais ne se désunit pas pour autant. Malgré les mouvements de plongée ou de cabrage un peu plus importants que ses rivales, elle reste efficace en augmentant le rythme, même si ce n’est pas vraiment sa prédisposition première. Enfin, la KTM a du potentiel, c’est certain. Mais elle réclame un peu de métier vu son grand gabarit. Et elle nécessite une certaine poigne quand elle est poussée dans ses derniers retranchements. Elle n’aime pas trop les virages étriqués : il lui faut du champ, là où sa tenue de cap sans faille peut s’exprimer. Elle bouge néanmoins légèrement plus que la Ducati ou la BMW en raison d’une fourche assez souple.
Et le confort ?
Gros trail oblige, le confort général est de très bon niveau sur nos quatre motos. Avec pour chacune les multiples possibilités de réglages des suspensions via l’électronique, il est possible de trouver un compromis qui se rapproche au mieux de ses propres desiderata. Les différences se font donc sur de petits détails. La Triumph sera une bonne compagne sur les longues distances en raison de son côté « soft ». Son confort général est au niveau des meilleures, sa selle bien dessinée et sa garniture moelleuse. Dans les intempéries, les jambes sont efficacement protégées de la pluie et même les pieds se trouvent un peu à l’abri.
On appréciera le siège spacieux et ergonomique de la KTM, comme son revêtement doux et adhérent. Généreux, le réservoir de l’autrichienne impose d’écarter sensiblement les jambes sans pour autant constituer une gêne. Ces dernières (les jambes !) sont cependant bien dépliées et il y a de la place. Le gros V2 distille malgré tout des vibrations qui sont sensibles dans les repose-pieds. La Ducati arbore une position de conduite assez naturelle. Comme sur la KTM, il y a de l’espace et l’on se sent derechef à l’aise. Les mains tombent sur des poignées situées un peu plus bas que sur les autres machines. C’est plus dynamique dans l’ensemble avec une selle également un peu plus ferme, mais offrant un très bon confort de marche au fur et à mesure que les kilomètres s’égrènent. Avec la BMW, on retrouve ce large et haut guidon qui assure un bon contrôle. La selle, ni trop molle ni trop ferme, se révèle sans reproche. Tout est bien en place et la nouvelle sveltesse de l’allemande assure au conducteur une décontraction qu’il n’éprouvait peut-être pas aussi facilement sur l’ancienne version. Par contre, les jambes se trouvent assez repliées, surtout pour les utilisateurs de plus d’un mètre quatre-vingts.
Côté freinage
La Multistrada freine presque comme une superbike. Les disques de 320 mm et les étriers radiaux à 4 pistons Brembo M4.32 offrent beaucoup de puissance pour arrêter les 243 kg du pur-sang italien. À l’attaque, le feeling est très agréable, alliant progressivité et contrôle. L’ABS bien calibré ne perturbe en rien le pilotage, même à rythme soutenu. En insistant en entrée de virage, un certain raidissement dans la direction se fait ressentir, mais sans que cela ne soit gênant.
La R 1300 GS est la seule à offrir un freinage couplé. BMW fait également appel à Brembo en optant pour des étriers radiaux à 4 pistons mordant des doubles disques de 310 mm. La pince arrière à deux pistons attaque, elle, un disque de 285 mm. Mais surtout, la BMW ne plonge pas et freine toujours à plat grâce à son système Telelever. C’est rassurant pour le pilote et en même temps appréciable pour la passagère, qui est moins chahutée. La perte de poids de cette nouvelle GS la rend également plus maniable dans les fortes décélérations. Le pilote se sent en confiance. La teutonne est peut-être celle qui permet le plus d’improvisation dans cette phase de conduite. Par contre, si l’information transmise au travers du levier est bonne, elle n’atteint pas celle de la Ducati ou de la KTM.
Cependant, la KTM se caractérise par une course trop longue du levier et un frein arrière manquant de mordant avec son disque de 267 mm secondé par à étrier à 2 pistons. Un peu étrange, les KTM freinant d’ordinaire plutôt bien… Peut-être un petit détail à régler sur notre exemplaire particulier. L’autrichienne est cependant parfaitement équipée avec des étriers Brembo à quatre pistons et fixation radiale sur des disques de 320 mm. Endurants lorsqu’ils sont sollicités, les freins offrent aussi une bonne sensibilité et permettent de rentrer en virage sans trop verrouiller le train avant. Le freinage de la Tiger se veut lui aussi puissant et ultraperformant, avec des disques de 320 mm à l’avant munis d’étriers Brembo à 4 pistons Stylema, et un seul piston à l’arrière pour le disque de 282 mm. Aisément dosable et progressif, le système de freinage est parfaitement adapté à un usage trail avec un mordant efficace, sans être trop agressif. À la prise d’angle, l’anglaise n’a pas tendance à se relever, ce qui permet de garder les freins longtemps !
Usage de l’électronique
La présentation visuelle de l’écran de 6,5 pouces de la Ducati est assez sportive et fait la part belle au compte-tours. Grâce au joystick, logé au niveau du commodo gauche, il est possible de naviguer au travers des différents menus de manière très intuitive. L’afficheur reprend en permanence dans un petit carré les différents niveaux d’intervention des assistances, ce qui permet de toujours savoir où l’on en est. L’interrupteur pour le régulateur de vitesse adaptatif est facile à actionner et à régler. En résumé, l’italienne est l’un des modèles les plus pratiques et les mieux pensés dans ce domaine.
L’écran TFT de 7 pouces de la Triumph se révèle assez imposant et du plus bel effet, mais il offre, en définitive, un peu moins d’informations que ceux de la concurrence. Il met un certain temps à s’animer au moment de la mise en marche. Deux ambiances assez proches sont disponibles (soit rouge, soit bleu). L’organisation des informations s’avère quelque peu particulière mais on s’y habitue rapidement et c’est finalement assez facile d’utilisation. Là aussi, l’affichage se contrôle via un joystick pratique permettant de naviguer au travers des menus de façon assez logique. À l’inverse, le bouton de commande du régulateur de vitesse est moins évident et se révèle un peu ferme dans son maniement. Chez KTM, la dalle TFT de 7’’ orientable se révèle remarquablement finie et jolie. L’originalité vient du fait que tout est illustré par une silhouette 3D de votre moto et des zones de réglages sur lesquels vous intervenez. Une couleur verte ou rouge indique si tout est en ordre ou s’il y a un souci. L’écran dégage une impression agréable de clarté. Et pour y naviguer, l’interrupteur en forme de croix au commodo gauche est facile à appréhender.
Ces mêmes commodos sont rétroéclairés comme sur la Ducati et la Triumph. La BMW propose sa classique molette de réglage. Certains apprécient, d’autres moins. Sa grosse dalle de 6,5’’ renferme une pléthore d’informations, mais elle n’est guère didactique, obligeant à passer par de nombreux sous-menus avant d’arriver à l’info ou au réglage demandé. Par contre, sa présentation et ses couleurs possèdent un côté assez « classe » qui flatte l’œil. Une lacune cependant à relever avec les commodos qui ne sont pas rétroéclairés.
Conclusion
La Ducati Multistrada est une sacrée machine ! Et quelle élégance ! Il s’agit d’une moto pleinement aboutie qui réalise des scores élevés dans tous les domaines. Son comportement routier s’améliore au fur et à mesure que la vitesse augmente, mais attention toutefois dans les évolutions lentes, où elle n’est pas l’une des plus faciles à appréhender. Pour les motards à caractère sportif qui viennent au trail, c’est l’« Allroad » qu’il convient de posséder. Le tarif est élevé, certes, mais cela ne s’applique-t-il pas également à toutes ces machines une fois toutes les options prises en compte ? La KTM possède ce style particulier qui est lui cher, que l’on aime ou pas. Elle affiche un caractère entier et fort, un tempérament toujours généreux grâce à la puissance de son V2 et une direction précise. Et en dynamique, elle est au niveau des meilleures. Qui plus est, elle offre de la place et l’on se sent bien à son guidon. L’argument qui fera pencher vers l’autrichienne ? Une affaire de goût avant tout. La Triumph est sur une philosophie opposée, avec quelque chose de plus doux, qu’il s’agisse du moteur ou de la partie-cycle. Elle ne vous conviendra pas si vous recherchez les sensations fortes. Mais tous les essayeurs s’accordaient à dire qu’elle gagne à être connue car, au fil des kilomètres, elle devient une compagne attachante, en raison justement de cet aspect convivial et amical qu’elle révèle. De son côté soyeux. So British ! Reste la nouvelle GS, qui marque un tournant dans l’histoire de ce modèle. Toujours aussi polyvalente, sûre dans toutes ses évolutions, elle se rapproche de la Multistrada en évoluant vers plus de sportivité et renvoie maintenant de bonnes sensations de pilotage, ce qui est nouveau dans son cas. Elle garde, cependant, cette facilité d’emploi qui lui est propre, particulièrement dans les passages à basses ou moyennes vitesses. Avec ses dimensions désormais réduites, la combinaison de son centre de gravité bas et le velouté de son flat font merveille. Au final, le choix entre la bavaroise et l’une de ses rivales dépendra, en fait, fortement de votre caractère à vous !
L’avis de Bernard
J’avoue avoir un petit faible pour la Ducati et la KTM. Sans doute mon penchant naturel pour les sportives n’y est-il pas étranger ! La rouge est raffinée, dotée d’une certaine élégance (même si sa ligne est un peu tarabiscotée) et renferme une mécanique noble et racée. Le V4 transalpin est l’un des moteurs du marché qu’il faut essayer au moins une fois dans sa vie. Il pèche par une acoustique trop métallique et sans charme à bas régimes mais ensuite, quelle musique ! Passé 6.000 tr/min, il rentre dans une autre dimension et il est difficile de ne pas se sentir grisé par tant d’exubérance. D’autant que sa partie-cycle vaut presque celle d’une sportive. Un peu « pousse-au-crime » et pas vraiment dans l’optique d’un trail ? Sans doute, mais il n’y a pas de mal à se faire plaisir, pas vrai ?
L’orange ne manque pas de nerfs, elle non plus. Mais c’est moins fin et plus brutal. Aux envolées lyriques de la Multistrada, elle oppose un punch de tous les instants. Le V2 vous boxe littéralement à la figure et sa réserve de puissance semble inépuisable. Il répond immédiatement et ce côté instantané fait tout son charme. La partie-cycle est du même acabit. Et une fois bien réglée, elle se révèle tranchante et précise. Par contre, l’Adventure 1290 S semble un peu encombrante face à la Multistrada V4, qui est pourtant loin d’être une petite machine.
Concernant la GS, j’admets n’avoir jamais été un grand fan du modèle. Je suis néanmoins admiratif de la rigueur habituelle des ingénieurs allemands et je reconnais volontiers les énormes qualités des diverses générations de modèles qui se sont jusqu’ici succédé. Il s’agit ni plus ni moins que de l’une des motos les plus abouties de toute la production actuelle. Mais ce n’est pas tout à fait ce que je recherche. La machine est trop édulcorée au niveau de la conduite et trop minimaliste au niveau de la production d’adrénaline. Or, voilà qu’avec cette nouvelle 1300, je découvre qu’un grand pas en avant a été fait vers plus de dynamisme. Et avec cette nouvelle compacité, toutes proportions gardées, c’est presque aussi vif qu’un gros roadster. Pour peu, je deviendrai presque client. Un fameux compliment de ma part !
La Triumph m’a surpris en bien. Au premier abord, elle m’a paru un peu molle et relativement insipide. Mais au fil des retours à son guidon, j’ai découvert une machine attachante, complète et bien pensée. Douce dans la première partie du compte-tours, elle hausse soudain de la voix et « dépote » sérieusement ensuite. Ce n’est pas aussi sensationnel que sur la Ducati ou sur la KTM mais assurément, « quelque chose se passe » et la Tiger montre une ressource qu’on ne lui soupçonnait pas directement. Et quand on la brusque un peu comme sur notre tracé de course de côte, on constate qu’elle tient parfaitement ses appuis et n’est pas loin de jouer avec les autres. Ses qualités manifestes mériteraient assurément d’être mieux reconnues.
L’avis de Bruno
Si je devais résumer en trois mots ce galop d’essai de ce qui se fait aujourd’hui de plus performant dans le modeste domaine qui nous occupe, ce serait sans doute : le progrès, ses attraits, ses travers. Le progrès existe sans doute depuis aussi longtemps que l’homme et c’est tant mieux ! Le niveau de sophistication de ces machines laisse pantois et ses attraits évidents. Les aides à la conduite et la gestion des suspensions et des motorisations s’affinent encore un peu plus à chaque millésime, permettant aux pilotes de gérer une puissance autrement impossible à dompter. Sky is the limit et c’est bien ça le problème. Comme pour certains SUV, ces big trails tiennent plus de la performance d’ingénieur que d’une véritable réflexion. Sorry, mais en ce qui me concerne, je ne cherche pas sur la route à grapiller le dernier dixième à mes adversaires, laissons ça pour la piste.
D’expérience une bonne centaine de chevaux suffisent largement à voyager en duo avec armes et bagages. Et, tout de suite le florilège d’aides à la conduite paraît moins utile. Bien sûr, l’ABS, l’antipatinage vont dans le bon sens. La multiplication des réglages et des possibilités un peu moins. Personnellement, j’avoue que ça me gonfle pas mal de chercher ce que je veux dans une arborescence touffue et qui ne suit pas toujours la même logique que moi, tandis que la manipulation des grappes de boutons agglutinées à portée de main montre vite ses limites avec des gants d’hiver. Les gros trails chassent sur les terres des GT, avec moins de talent. La protection reste en retrait, l’accès de ces percherons aussi : nos ingénieux ingénieurs en sont à vous rabaisser la moto à l’arrêt pour ne pas vous vautrer… Bref, je n’aime pas cette dérive, mais p… j’admets que ça marche du feu de Dieu ! À vos portefeuilles, bonnes gens, et n’oubliez pas les options et la bagagerie, ça vous fera des sujets de conversation !
Et mon classement ? La BMW reste une lame, un sommet d’efficacité, brillante en tout. Le constructeur a eu l’intelligence de réduire son poids et son encombrement, j’adore ce flat twin expressif et bien rempli, je suis fan de cette suspension qui réduit les mouvements d’assiette. Pas grand-chose à lui reprocher et, ça tombe bien, je la préfère en blanc, seule couleur disponible sans supplément !
Quant à la Triumph, elle constitue la bonne surprise de ce test. Elle aussi a minci, sa dotation et sa finition n’appellent aucun reproche. Peut-être peu exubérante de prime abord, elle se révèle à l’usage par son extrême facilité doublée d’une efficacité redoutable dans tous les cas de figure. Une machine à découvrir, assurément. Dommage que cette finition la plus complète, la GT Explorer, ne puisse être disponible avec le réservoir de vingt litres de ses sœurs, ça ferait un peu moins de poids haut perché…
La Ducati ne démérite pas, loin de là, mais sa définition plutôt sportive, très aboutie au demeurant, ne correspond pas à ce que j’attends de ce genre de machine. Et je n’ai pas été vraiment séduit par sa maniabilité sur petites routes, mon format préféré lorsque je voyage. Si j’étais teuton et bouffeur d’Autobahn, je reverrais certainement mon jugement tant la Ducati s’y montre brillante et performante. Et enfin la KTM. Force est de reconnaître que je n’adhère pas au look actuel. Autant ce style me séduit sur une Duke, mais pas sur un trail. C’est très personnel, me direz-vous. Son gabarit me gêne aussi, sa hauteur de selle ne la rend pas accessible au plus grand nombre. En dynamique, je ne fus guère plus séduit, avec des mouvements d’assiette de plus grande amplitude que les autres, un moteur parfois trop expressif et, sur cette machine, un freinage manquant singulièrement de mordant le couteau entre les dents sur les petites routes. Ce n’est pas la norme chez KTM, il serait bon de prendre le guidon d’une autre pour infirmer ce ressenti.
L’avis de Randy
Très honnêtement, la Ducati Multistrada V4 S me laisse une énorme impression. Dans tous les sens du terme. Sur le plan ergonomique, elle n’a rien à envier à la GS. Mieux encore, elle se montre un peu plus généreuse au niveau de l’angle formé par les genoux, ce qui lui assure une position de conduite décontractée, avec un brin de sportivité. Le fait que la bulle ne soit pas réglable n’est pas un souci, surtout quand le réglage est aussi facile. Son moteur n’a pas la souplesse à bas régime du boxer bavarois ou du 3-cylindres de la Tiger. Mais dès 4.000 tr/min, le V4 n’a pas de rival. Plus encore à haut régime si vous êtes du genre pressé. La suspension adaptative Öhlins et la partie-cycle font le reste. Surtout pour un conducteur au tempérament sportif comme moi. Son électronique est la meilleure du panel, tant au niveau de son fonctionnement que de ses commandes. Bizarrement, s’il y a un domaine dans lequel j’ai été moins séduit, et qui distinguait toujours Ducati généralement, c’est celui de la bande-son. Le V4 n’émet pas une sonorité particulière. Et au ralenti, ça claque de manière pas très agréable.
La nouvelle GS est sur tous les plans supérieure à sa devancière. Surtout au niveau de son comportement dynamique. Cette R 1300 GS semble bien plus légère que la 1250. Et sur un parcours sinueux, il faut vraiment être (très) bien réveillé pour la suivre. Pour enquiller les virages serrés, la GS reste magistrale, surtout pour une moto de ce gabarit. Elle est bien aidée par l’implantation longitudinale de son vilebrequin, qui réduit sensiblement l’effet de « poussée » en virage. À haute vitesse, la GS n’a pas la stabilité et la précision de la Ducati, mais cela vaut aussi pour les deux autres modèles testés. Au niveau de l’ergonomie, la GS se révèle un peu plus confortable que l’italienne. Son bicylindre à plat s’avère plus onctueux à bas régime. Si vous êtes moins du genre sportif, la BMW sera un meilleur choix. Ici aussi, l’électronique est d’un niveau rarement atteint. En particulier le système de réglage adaptatif de la hauteur, qui facilite les changements de direction et l’attente au feu rouge. Mais c’est en option, une fois encore. Le contrôle des menus via la molette s’avère trop compliqué par rapport aux joysticks pratiques que l’on connaît aujourd’hui. Avec toutes ses options, la GS atteint le prix de la Multistrada V4. Dès lors, ma préférence va à la Ducati.
Une sacrée machine, cette 1290. Au niveau dynamique, elle se situe un peu à mi-chemin entre la GS et la Multistrada. Elle possède une direction tranchante, comme toujours chez KTM, et la puissance de son bloc LC8 fait merveille. Ce V-twin a beaucoup progressé à bas régime et il est difficile de garder au sol la roue avant de cette Adventure délivrant 160 chevaux en furie. Du moins, si vous avez désactivé les garde-fous électroniques. Sinon, le contrôle de motricité et l’anticabrage feront parfaitement leur job. Cet aspect brut de fonderie de KTM, il faut l’aimer. En tant qu’ancien propriétaire d’une Super Duke, je l’apprécie. Mais il rend d’autres fort nerveux. Cette 1290, elle apparaît grande et haute. Et même si cela ne nuit en rien à son comportement dynamique, il faut en tenir compte pour manœuvrer à basse vitesse. Si elle s’avère un peu moins stable quand on adopte un rythme soutenu, elle n’a rien ou presque à envier à la Ducati ou la BMW au niveau électronique. Sur le plan graphique, l’écran TFT de 7” est sans doute le meilleur du lot. Au final, elle ne surclasse la GS ou la Ducati dans aucun domaine. Et sur le plan personnel, je trouve son style extérieur trop complexe.
La Triumph Tiger 1200, c’est un peu l’oie blanche du quatuor. La souplesse et la puissance du 3-cylindres en ligne lui permettent de ne jamais être trop courte en performances pour rester au contact des trois autres trails. Il faut juste cravacher un petit peu plus. Avec son amortissement assez souple, la Tiger est le modèle le plus orienté vers le tourisme. Le transfert de masse est assez présent au freinage et à l’accélération. Ce qui nuit à la sérénité offerte par la partie-cycle et à la précision de l’inscription en courbe. Même si le bloc est souple et linéaire, il manque un peu de progressivité à la remise des gaz, se montrant assez nerveux. Bref, Triumph doit pouvoir faire mieux. Pour le reste, la Tiger demeure une bonne moto, mais il lui manque l’aura et le caractère que possède le reste du quatuor.