La Fireblade est la vitrine technologique du premier constructeur mondial de motos. Apparue en 1992, la machine la plus performante du catalogue Honda se peaufine d’année en année et n’est pas avare en sensations, c’est le moins que l’on puisse dire !
Texte Bernard Dorsimont – Photos Honda
De l’extérieur et à première vue, vous ne décèlerez pas de grands changements par rapport à la version antérieure. Deux déclinaisons sont disponibles : une standard pourvue de suspensions Showa et étriers Nissin et une SP montée en Ohlins et Brembo. C’est la SP que nous essayons aujourd’hui mais, dans les deux cas, la ligne reste très semblable bien que l’on note un ajout important au niveau des flancs de carénage : de larges ailerons qui, d’après la notice, ont pour but de plaquer la moto au sol et de restreindre les wheelies. Mais également de diminuer d’une dizaine de pour cent le mouvement de lacet (rotation de la moto autour de son axe vertical) qu’elle pourrait subir. Pour le reste, ce neuvième opus de la 1000 RR apparaît toujours aussi élégant et racé dans sa belle livrée tricolore HRC replica.
Travail d’orfèvre
C’est sur le moteur qu’il faut d’abord se pencher pour découvrir les particularités de ce nouveau modèle. Si la puissance reste inchangée à 217 ch à 14.000 tr/min, la recherche de la performance a porté sur les mi-régimes, ceci afin de renforcer encore l’accélération dans cette zone. La culasse, le taux de compression (de 13.4 : 1 à 13.6 : 1) et le calage de la distribution ont été révisés. Les bielles (moins 80 g pour les quatre) mais également le vilebrequin ( moins 450 g), les soupapes d’admission (moins 1 g par soupape) et les carters (moins 250 g) ont perdu du poids tandis que les rapports de boîte ont été raccourcis. Les ressorts de soupapes sont d’un nouveau type et les pistons sont fabriqués dans un alliage à haute résistance. Ils bénéficient également d’une lubrification encore améliorée. S’ajoute à cela un accélérateur ride by wire commandant deux servo-moteurs : le premier pour les cylindres 1 et 2. Le second pour les cylindres 3 et 4. Ceci procure un contrôle plus fin aux régimes inférieurs ainsi que davantage de frein moteur si nécessaire.
Explications. En début d’accélération, ce sont d’abord les papillons 1 et 2 qui s’ouvrent avant d’être secondés ensuite par ceux des deux autres cylindres. Ceci n’est fonctionnel que dans les zones de bas régimes car si l’on est déjà plus haut dans les tours (4.000 tr/min), les quatre papillons travaillent alors de concert. En ce qui concerne le frein moteur, lorsqu’on coupe les gaz, les papillons des cylindres 3 et 4 s’ouvrent à nouveau pour laisser l’air entrer tandis que la valve d’échappement se ferme électroniquement, créant ainsi plus de compression interne et donc davantage de frein moteur. Et à la réouverture des gaz, on recommence le processus inverse avec les cylindres 1 et 2, ouverture de la valve d’échappement et les cylindres 3 et 4 ensuite. Voilà qui est intéressant, n’est-il pas ? Et on peut continuer tant la Fireblade est peaufinée année après année et améliorée sans cesse au niveau de chaque détail.
Désormais, elle se dote d’un système Keyless (absence de clé de contact). Non pas parce que c’est pratique mais parce que cela permet de se passer du traditionnel barillet de contact qui est dans le chemin de l’admission d’air forcé. Le « Ram air induction » prend, en effet, sa source entre les deux phares sur le devant du carénage et peut ainsi filer tout droit vers la boîte à air, sans gêne aucune. Vous en voulez encore ? Le silencieux Akrapovic en titane a lui aussi été revu. Il se veut plus volumineux d’un litre de manière à augmenter le couple à bas régimes et procure un son différent par rapport à la version 2023. Les rapports de boîte ont également été modifiés dans leur ensemble et très légèrement raccourcis. En plus du mode Track, l’ABS en virage possède maintenant une fonction Race qui réduit son intervention au minimum et n’agit qu’en cas de glisse marquée de la roue avant.
Gain en poids et rigidité réduite
Le châssis n’est pas laissé de côté dans cette recherche de la performance. 960 grammes ont été gagnés sur le cadre en aluminium de type diamant et 140 autres sur les boulons de fixation moteur. La rigidité latérale a été réduite de 17 % et celle concernant la torsion est en baisse 15 %. Pour arriver à ce résultat, la forme des poutres a été revue, leurs nervures internes ont été supprimées et les parois les plus fines ont été agrandies. Ce qui, d’après les ingénieurs, serait de nature à procurer une conduite plus douce et de meilleures entrées en virages. Quant au bras oscillant, il est dérivé de celui de la RC213V-S alors que les suspensions électroniques Smart EC3 sont signées Ohlins, avec l’adoption d’une nouvelle fourche NPX de 43 mm et un amortisseur TTX 36 de dernière génération.
Ces suspensions permettent, via l’écran, d’être adaptées au poids du pilote, fonctionnent en accord avec les différents modes de conduite et travaillent sur trois niveaux : Piste, Sport et Pluie. Trois paramétrages entièrement manuels sont également possibles. Le système fonctionne alors comme avec des suspensions classiques. Les freins proviennent de chez Brembo avec à l’avant des étriers radiaux à quatre pistons Stylema R qui pincent des disques de 330 mm et un simple disque arrière de 220 mm commandé par un étrier à deux pistons. Les pneus sont des Pirelli Diablo Supercorsa SP V3 ou des Bridgestone RS 11. Sur la balance, la 1000 RR revendique 201 kg.
Avec 217 ch à la main droite, surtout par une météo maussade comme celle que nous avons eue, il est bon de pouvoir compter sur quelques aides électroniques. Et de ce point de vue, nous n’avons pas trop de soucis à nous faire, la Fireblade en étant très largement dotée. Voyez plutôt : une centrale inertielle six axes gère trois modes de conduite, du plus sportif au plus confortable (+ encore 2 modes personnalisables). Ces modes sont programmés suivants cinq niveaux de puissance, neuf degrés de traction control (HSTC), trois possibilités de frein moteur et six réglages de suspensions (3 en mode auto, 3 en mode manuel). Mais le pilote peut encore intervenir indépendamment de ces modes en réglant l’amortisseur électronique de direction (HESD sur 3 crans), l’ABS en virage (3 options : Standard, Track et Race), le quickshifter modulable pour une pression soft, medium et hard ou enfin le Start mode, qui sert à réguler les départs. Un écran couleur TFT de cinq pouces permet de s’y retrouver dans cette avalanche de possibilités. Il est facile de lecture et offre cinq types de présentation.
Du coffre !
Monter sur une des sportives les plus puissantes du marché est toujours un moment qui vaut son pesant de cacahuètes. Surtout dans un cadre aussi prestigieux que celui du circuit de Portimao. Tout le staff Honda est aux petits soins, l’organisation est rôdée et sitôt les couvertures chauffantes enlevées des pneus slicks, le starter me libère dans la voie des stands. L’entrée en piste a été modifiée pour déboucher maintenant après le premier virage. J’ai donc juste le temps de donner un coup de gaz appuyé à la sortie des pits avant de prendre cette nouvelle bretelle. L’occasion de m’apercevoir directement que ce moteur est diablement rempli. Il y a un sacré punch à l’ouverture des gaz et les premiers tours de piste me le confirment immédiatement. Quel coffre !
À n’importe quel régime, le quatre-pattes répond de manière vive et fait bondir la moto en avant. Je ne me rappelais plus que ce 1000 était aussi démonstratif. La réponse à la poignée est fine et musclée en même temps. À la corde du droit serré en montée, qui commande la première bosse du tracé, j’apprécie le dosage précis qu’elle offre et qui permet de d’abord bien garder sa ligne pour ensuite, sans le moindre à-coup, s’extraire comme une balle du virage. Sur le sommet, l’anti-wheelie intervient et je plonge ensuite dans le grand gauche accompagné d’une bande son particulièrement réjouissante. C’est plein et rauque au début pour ensuite s’envoler vers des aigus stridents. Cette Fireblade est décidément riche en sensations !
Imperturbable
En bout de ligne droite, les Brembo entrent en action et se révèlent exempts de tous reproches. Très puissants mais offrant aussi un excellent feeling au levier, ils paraissent inépuisables et participent au plaisir du pilotage en raison de leur précision. Dans cet exercice du freinage, la CBR 1000 affiche aussi une stabilité de premier ordre. La machine reste bien en ligne et apparaît facile à contrôler. Vient ensuite le premier droit qui se prend en troisième et arrive vite. Il est suivi d’une cassure rapide débouchant sur un gros freinage. Malgré de petites différences de niveaux dans l’asphalte, particulièrement dans la cassure, la Fireblade reste absolument imperturbable. On la jette dans le virage et pourtant elle ne bronche pas. D’ailleurs, on la sent bien campée sur ses roues et très sûre sur sa trajectoire. J’évolue en mode 1 avec le traction control réglé sur 6 par le staff Honda car la piste est encore humide par endroits. L’intervention de l’électronique est parfaitement lissée et on ne la détecte pas. Bien sûr, il faudrait plus de temps pour analyser et peaufiner les multiples réglages mais déjà, on sent que les aides à la conduite sont très efficaces et bien calibrées.
Question protection, j’ai par contre un peu plus de mal. La bulle s’avère vraiment petite et ne dévie pas assez le vent, même en plaquant au maximum le casque contre le réservoir dans la ligne droite. À plus de 280 km/h, la vision s’en trouve même un peu brouillée tant on est chahuté. Lors de la conférence de presse, je me rappelle aussi la vue d’un schéma qui nous montrait une position de conduite revue pour être à présent plus redressée. Les bracelets sont effectivement rehaussés de 19 mm tandis que les cale-pieds descendent de 16 mm. Tant mieux car, même si cela conviendra très bien à la plupart, j’ai pourtant en fin de roulage les jambes qui demandent un peu grâce. Elles apparaissent assez repliées pour les grands gabarits, ceci expliquant cela. Mais peut-être est-ce aussi dû à une machine relativement exigeante. Car si la Fireblade est une vraie usine à sensations, elle demande aussi un certain engagement et une bonne concentration. Assez virile à manier, il faut s’employer pour aller chercher le chrono. En comparaison, une BMW S 1000 RR me paraît par exemple plus facile à piloter.
Conclusion
Diablement expressive cette Fireblade ! Les 217 ch sont bien là et le punch de son moteur dans les mi-régimes se révèlent fameux. C’est un domaine dans lequel les ingénieurs ont concentré leurs recherches et le résultat est payant en comparaison à la version précédente. La stabilité dans les courbes et lors des freinages appuyés est elle aussi à souligner. À 26.949€, cette version SP équipée en Ohlins et Brembo ne sera pas accessible à toutes les bourses et ne devrait fort logiquement pas représenter le gros du volume des ventes. Mais Honda n’en a cure et est avant tout désireux de démontrer tout son savoir-faire technologique. Ce que le marque japonaise réussit avec brio. Une recherche technique qui s’accompagne d’une esthétique particulièrement soignée car, de l’avis général, la CBR 1000 RR a vraiment fière allure. Elle est probablement la plus belle de toutes…
Un essai paru en intégralité dans le Moto 80 #882.