Essai Kawasaki Ninja ZX-4RR

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Dans la lignée des Ninja, voici la petite dernière des sportives toutes de vert vêtues : une 400 bien attrayante qui, forte de son appellation RR, présente la particularité de proposer le retour à une motorisation quatre cylindres. La recette idéale pour donner le smile ?

Texte Bernard Dorsimont – Photos Kawasaki

Force est de constater que si les sportives ont moins la cote aujourd’hui, la catégorie des bombinettes de poche se porte plutôt bien et affiche même un certain dynamisme. Après les Yamaha R3, Honda CBR 500 et la CFMoto 450 SR essayée tout récemment, voici celle qui risque bien de mettre tout le monde d’accord, du moins sur le plan du chrono. Dans la gamme Kawa, il existait déjà la Ninja 400 « normale » qui, comme la plupart des concurrentes, est équipée d’un bicylindre. Or, la cadette des Ninja version RR a désormais recours à un bon petit quatre pattes qui fera la joie des énervés de la poignée et autres amateurs de hauts régimes. Avec pour résultat une puissance étonnante de… 77 ch, voire même 80 avec le système d’admission d’air forcé. Ce n’est pas loin du double de la Ninja 400 de base (45 ch) et de l’ensemble des machines rivales qui se situent toutes à un peu moins de 50 ch. Question chrono…

Bien équipée d’origine

La dotation de base n’est pas en reste et propose, notamment, un shifter up & down, un embrayage antidribble, le contrôle de traction KTRC à 3 niveaux + off, deux modes de puissance et quatre modes de conduite (Sport, Road, Rain et Rider) ainsi qu’un freinage (ABS) confié à des étriers radiaux à quatre pistons. Waouh, que c’est alléchant ! Voilà qui rappellera bien des souvenirs aux anciens pistards, qui se souviendront de la ZXR 400R de 1995 qui affichait déjà un rapport poids/puissance comparable puisqu’elle développait à l’époque 65 ch pour 159 kg. Des chiffres à mettre en perspective des 77 ch et 189 kg de la RR qui nous occupe aujourd’hui. L’arrivée sur le marché de telles machines fait plaisir et constitue une belle preuve de la continuité dans la sportivité des modèles de la marque d’Akashi, un caractère qui s’est toujours vérifié au cours des années et auquel il convient de rendre hommage.

Du côté des suspensions, c’est du Showa et si la fourche inversée SFF-BP à gros pistons offre le réglage de la précharge seul, l’amortisseur arrière BFRC Lite est lui plus complet en disposant de l’ajustement des compression et détente en plus de la précharge. Le cadre est un simple treillis en acier. Il est nettement moins valorisant que les anciens périmétriques alu à sections rectangulaires qui dégageaient un vrai parfum racing, mais vu les faibles masses embarquées, il devrait largement satisfaire à la tâche.

Enfin, l’incontournable électronique permet de profiter d’un bel écran couleur TFT de 4,3 pouces (10,90 cm) avec un affichage dédié « racing » en plus du mode standard et d’une liaison bluetooth pour pouvoir connecter son smartphone et profiter de l’application Rideology. Cet écran s’adapte également de manière automatique à la lumière ambiante sur cinq niveaux différents et il est aussi possible de le paramétrer (fond et textes) suivant plusieurs couleurs. La ligne générale de la machine se veut plutôt réussie et rappelle celle de sa prestigieuse sœur aînée la ZX-10. C’est agressif et tranché, mais non dénué d’une certaine élégance, particulièrement dans cette belle livrée verte. De quoi faire battre le cœur du jeune pilote qui n’a qu’une envie : celle de s’identifier aux officiels du team Superbike officiel KRT qui emploiera l’année prochaine Axel Bassani et Alex Lowes.

Calafat, nous voici !

Le circuit de Calafat est situé en bord de mer à un peu plus d’une heure de voiture au sud de Barcelone. C’est ce que l’on appelle un « short track » puisqu’il mesure seulement 3,2 km. Et le moins qu’on puisse dire est qu’on n’a vraiment pas le temps de s’y ennuyer tant il est tourmenté, ce qui est parfait pour notre 400 cc. Je choisis d’emblée le mode Sport et constate directement, en m’élançant des stands, qu’il faut aller chercher la puissance haut dans les tours. En dessous de 8.000 tr/min, il n’y a pas grand-chose et si aujourd’hui ce ne sera pas gênant pour un usage piste, il n’en ira sans doute pas de même dans la circulation de tous les jours. Je me rappelle que lors de la présentation, le responsable de la marque nous a parlé d’une valeur de couple qui, pour être dans la bonne mesure, doit en général toujours faire au minimum 10 % de la cylindrée du moteur. Dans ce cas, avec 39 Nm ou 4,0mkp, on y est pile poil mais il ne faut pas oublier que cette valeur est disponible à… seulement 13.000 tr/min. Tout cela est assumé, délibérément choisi par les concepteurs et parfaitement normal compte tenu de la cylindrée, de l’architecture quatre cylindres et du caractère résolument sportif voulu pour la 400 RR. Mais cela démontre aussi son côté assez « pointu ». Vous voilà donc prévenu !

Cinq sessions sont au programme ce qui permet de se familiariser avec les commandes qui se révèlent douces, sauf toutefois en ce qui concerne le sélecteur de vitesse qui, avec le shifter, nécessite une pression assez ferme à laquelle on ne s’attend pas. Le freinage est par contre excellent. Le poids limité de l’ensemble combiné aux doubles disques de 290 mm pincés par des étriers monobloc à quatre pistons procure une belle efficacité agrémentée d’un bon feeling au levier, lequel est réglable sur quatre positions. Certains collègues se sont plaints d’un déclenchement assez rapide de l’ABS (qu’il est possible de déconnecter) mais il n’en fut rien pour ma part. La position de conduite s’avère de son côté relativement confortable. On n’est pas, comme sur certaines sportives, fort basculé sur l’avant. Le guidon tombe bien en main et les jambes ne sont pas trop repliées même pour mon mètre 83. On se sent très vite à l’aise et la qualité principale d’une machine comme celle-ci réside dans sa facilité de prise en main.

C’est léger à la conduite, vif dans les changements d’angle, sans inertie dans les mouvements et en même temps stable et sans réactions parasites. Un très bon compromis pour débuter en circuit. Un pneu arrière de 160 a été retenu pour favoriser la maniabilité et c’est avec plaisir que l’on fait virevolter la bombinette verte d’un virage à l’autre. Malgré sa taille relativement réduite, il tient bien la charge sur l’angle en sortie de virage même si l’on sent quelques ruptures d’adhérence en insistant un peu. Mais quoi qu’il en soit, le Traction Control veille à ce que l’on ne franchisse pas les limites.

Bande-son hurlante

Au fil des tours, puisqu’on évolue en permanence entre 8 et 14.000 tr/min, la musique délivrée par le petit quatre pattes a quelque chose d’enivrant même si fort heureusement, elle reste suffisamment contenue malgré le silencieux Akrapovic disponible en option qui équipe nos machines. La tenue de route apparaît très saine et l’homogénéité de l’ensemble permet de repousser chaque fois un peu plus les limites au fur et à mesure de la journée. La combinaison d’un empattement court et d’un bras oscillant long donne de la vivacité mais procure également une belle stabilité. On peut se permettre pas mal d’excentricités sans arrière-pensées. Seul bémol, l’avant est cependant trop souple et génère parfois un peu de mouvement à la mise sur l’angle.

Entre deux sessions, j’ai durci la fourche mais celle-ci est malheureusement dépourvue de réglages et on ne peut agir que sur la précontrainte. Ce n’est pas trop gênant mais on aurait quand même aimé pouvoir disposer de davantage de possibilités de mise au point, un domaine qui constitue une partie importante de l’apprentissage pour ceux qui veulent découvrir les joies de la piste. Le moteur affiche, lui, une belle santé avec l’avantage que vu sa faible cylindrée, on n’est jamais débordé par la puissance. Au bout de la courte ligne droite, le compteur accroche les 200 km/h juste avant de plonger dans le gauche qui suit. Il reprend ensuite avec souplesse en sortie d’épingle, mais il faut veiller à accélérer tôt et à bien garder les hauts régimes.

Conclusion

Avec son quatre cylindres contenu, cette nouvelle ZX-4RR n’a pour le moment aucune rivale sur le marché. Les autres 400 sont toutes équipées d’un bicylindre nettement moins puissant. Alors au final, pour qui ce délicieux petit piment vert ? Pour ceux qui veulent se rendre sur les circuits d’abord. Car il serait vraiment dommage de posséder une 400RR dans son garage sans l’amener régulièrement sur piste. Sa cavalerie encore « raisonnable » mais nettement plus conséquente que les autres 400 la place à un cran supérieur dans l’apprentissage du pilotage, un excellent passage vers les grosses cylindrées qui oblige à peaufiner sa conduite dans le choix et la finesse des trajectoires, les déplacements coulés sur la moto, le moment idéal des changements de rapports, les freinages sans cesse retardés etc. En contrepartie, dans la circulation de tous les jours, la RR n’aura cependant pas la même disponibilité moteur que les 400 bicylindres qui proposent davantage de couple à bas régimes et sont plus faciles à emmener. C’est donc le choix de la performance avant tout et on se réjouit de voir que des constructeurs comme Kawasaki possèdent encore ce feu sacré où la passion domine. Une coupe destinée aux jeunes pilotes serait d’ailleurs en gestation même si rien n’est encore décidé jusqu’à présent. La Belgique n’en ferait pas partie mais l’Angleterre et l’Allemagne seraient candidates ce qui laisserait augurer des possibilités d’organisation d’épreuves en commun avec le Benelux. Pour ceux qui s’en souviennent, le bon temps de la coupe Samouraï n’est peut-être pas mort !