Freddy Tacheny: « Xavier Siméon mérite ce qui lui arrive. Et il mérite le respect. »

Actualités Sports Laurent Cortvrindt
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Xavier Siméon roulera en MotoGP en 2018. Tout le monde a désormais pris connaissance de l’information. Mais pour aboutir à cette nouvelle fabuleuse pour le sport belge, une équipe a travaillé d’arrache-pied. Explications détaillées.

 

Propos recueillis par Laurent Cortvrindt – Photos: Archives

Moto 80: Expliquez-nous comment vous avez réussi à porter Xavier Siméon jusqu’au MotoGP…

Freddy Tacheny, CEO de Zelos: J’ai toujours eu la volonté d’amener un jour un Belge en MotoGP. C’était déjà mon espoir quand je travaillais encore chez RTL, avec la dynamique installée par les droits de diffusion, le partenariat avec Xavier, etc. Que vous soyez actif en football, en basket-ball ou dans quelque sport que ce soit, l’objectif reste toujours le même: jouer en division 1. Dans ma tête, tout a donc débuté il y a longtemps.

Ensuite, vient une période de réflexion…

Il y a deux cas de figure pour arriver en MotoGP. Soit travailler avec un extraterrestre comme Rossi ou Marquez. Soit via une structure. Il est symptomatique de remarquer que nombre «d’extraterrestres» sont de deux nationalités – italienne et espagnole – dans le paddock de la catégorie reine. Pourquoi? Le bagage technique ou la réalité d’un marché peut, naturellement, expliquer certaines choses. Comme par exemple le fait que les Américains connaissent actuellement le creux de la vague. Mais cela n’explique certainement pas tout. L’argent alors? Non, il n’y a pas davantage d’argent en Espagne ou Italie qu’en Allemagne ou en France. Alors, pourquoi ces pilotes qui arrivent assez «naturellement» en MotoGP sont-ils espagnols ou italiens? C’est simple: parce qu’ils bénéficient d’une filière.

 

Pourquoi ces pilotes qui arrivent assez «naturellement» en MotoGP sont-ils espagnols ou italiens? C’est simple: parce qu’ils bénéficient d’une filière.

 

En êtes-vous certain?

Oui. Une filière est, aujourd’hui, indispensable pour percer au plus haut niveau, peu importe le sport pratiqué. Vous voulez devenir sportif professionnel demain? Il faut commencer très tôt et ne faire que cela. Quelques difficultés se présentent: la météo n’est pas la même partout, les infrastructures, circuits et lois non plus. Avec AGV, VR46, Repsol, Alberto Puig, des soutiens régionaux… l’Espagne et l’Italie se sont dotées d’outils formidables. Pour avoir une chance de revoir un Belge en MotoGP, il convenait donc de mettre une structure sur pied.

Il ne s’agit donc pas d’un «one-shot»?

Non, une structure, c’est une pyramide, que j’ai voulue construite autour de trois pilotes de 28 ans, 20 ans et 13 ans: Xavier Siméon, Livio Loi et Barry Baltus. Avec ce message de logique et de longue durée, convaincre des partenaires de vous rejoindre devient possible. Il ne s’agit pas uniquement de «faire passer Xavier en MotoGP». Avec le Black Knights Club, Zelos a élargi sa base de partenaires. En parallèle, Xavier avait fait le tour du Moto2, avec de nombreux déboires totalement indépendants de sa volonté – et j’insiste particulièrement sur ce point – depuis sa victoire au Sachsenring. Il était impératif d’opérer le grand saut cette année.

 

Xavier avait fait le tour du Moto2. Avec les déboires totalement indépendants de sa volonté, il était impératif d’opérer le grand saut cette année.

 

Quel est le facteur déclencheur?

Le Grand Prix d’Austin, lors duquel je me rends compte que la saison va s’avérer très compliquée. Nous ne devions pas en attendre des résultats époustouflants. Des résultats qui pourraient nous permettre de prétendre au MotoGP de façon «naturelle». Dès Austin, j’ai mis le focus sur ce passage en MotoGP.

Ce sera donc chez Reale Avintia Racing…

Vous vous en doutez, les négociations se sont révélées extrêmement compliquées. Surtout lorsqu’il s’agit du dernier guidon libre du plateau MotoGP. Tout le monde veut accéder à cette catégorie. Si le dossier s’était joué sur l’argent, nous ne l’aurions pas eu. Nous nous sommes engagés avec un partenaire qui possède une vision identique à la nôtre. L’hospitality de Reale Avintia Racing est le plus grand du paddock. C’est un business center. Un lieu de rencontre entre entrepreneurs passionnés de moto et qui veulent s’ouvrir à d’autres pays du monde entier. La structure Zelos, dans ce contexte, a fait la différence. Le sud de l’Europe s’est marié au nord de l’Europe. Bien entendu nous avons amené un budget important. Mais j’estime que c’est une enveloppe raisonnée et raisonnable pour entrer dans la cour des grands. Et Reale Avintia Racing a compris que le projet primait sur l’argent à court terme. D’autres proposaient beaucoup plus que nous.

 

Si le dossier s’était joué sur l’argent, nous ne l’aurions pas eu. Nous nous sommes engagés avec un partenaire qui possède une vision identique.

 

Certains pilotes roulent aujourd’hui sans apporter d’argent…

Mais ils ont tous bénéficié de structures pour arriver au plus haut niveau. La nôtre existe aujourd’hui. Xavier Siméon n’a pu en profiter par le passé. Livio et Barry en profiteront davantage. Pour comparer: la Fédération française, directement soutenue par l’État avec des subsides, aide financièrement plus de 100 pilotes. En Belgique, cela n’existe pas. Dans ce dossier, je remercie la FMWB et tous nos partenaires pour leur soutien. Et ceux qui veulent nous rejoindre sont les bienvenus. Depuis 25 ans et le dernier pilote belge sous contrat en MotoGP, nous avons vécu avec un handicap. Mais il n’y a pas de raison pour ne pas briller au plus haut niveau, à l’avenir, grâce à une filière. Les esprits chagrins ne doivent pas nous reprocher de nous structurer. Notre pays a le droit d’exister et de briller en suivant l’exemple des grandes nations de la moto.

 

La Fédération française, directement soutenue par l’État avec des subsides, aide financièrement plus de 100 pilotes. En Belgique, cela n’existe pas.

 

N’était-ce pas plus intéressant de boucler un gros budget Moto2 pour jouer le titre et bénéficier d’une visibilité à l’écran plus large que celle d’Avintia?

J’ai créé Zelos sur le long terme. Le retour sur investissement s’attend donc, aussi, sur le long terme, grâce à la pyramide. En outre, la moto ne représente qu’une des activités de Zelos, dont je suis le seul actionnaire. Personne ne vient donc me mettre la pression. Le MotoGP captive les foules. Johann Zarco a beau être double champion du monde Moto2, sa notoriété auprès du grand public vient du MotoGP. En Belgique, les audiences du MotoGP sont 5 fois plus importantes. 370 millions de spectateurs regardent le MotoGP à travers le monde. La carrière internationale de Xavier Siméon naît seulement. En outre, en Moto2, les teams sont fortement axés sur des structures nationales.

Êtes-vous assuré du contrat et du programme?

Nous avons signé pour deux ans et les premiers essais auront lieu directement après Valence. Le team a tout intérêt à passionner ses partenaires. Je ne doute donc pas une seconde de son professionnalisme. J’espère, en outre, pouvoir prochainement annoncer le nom du coach de Xavier pour tout ce qui touche à la technique de pilotage. Je rappelle que Xavier bénéficie déjà des services d’un préparateur physique, d’un préparateur mental et de l’accompagnement de Didier de Radiguès en matière de stratégie de course.

 

J’espère pouvoir prochainement annoncer le nom du coach de Xavier pour tout ce qui touche à la technique de pilotage.

 

Dans quelle mesure Xavier a-t-il été impliqué dans le projet?

Son talent a permis d’ouvrir les portes. Jamais un team n’aurait osé proposer à la Dorna la venue d’un pilote d’un niveau insuffisant pour le MotoGP. Les qualités de Xavier sont reconnues chez Ducati. Et les experts d’Avintia sont du même avis, ils ont validé sa venue. Xavier Siméon fait également partie du cercle fermé des pilotes vainqueurs de Grand Prix. Un succès acquis à la régulière, sans bénéficier de circonstances favorables de course. Xavier s’est grandement investi dans la recherche de partenaires. Il a été à nos côtés tout au long du processus.

On connait malheureusement la virulence des réseaux sociaux. L’annonce de son passage en MotoGP a suscité de vives réactions… de façon contrastée.

Je suis belge. Dans ce pays, je me bats pour qu’un Belge accède au MotoGP. En Belgique aujourd’hui, le seul talent à pouvoir briguer ce poste est Xavier Siméon. Si un pilote très talentueux d’une autre nationalité postule également pour le MotoGP, ce n’est pas mon souci. Ma volonté est d’amener un Belge. Qu’un Français ou un Allemand râle, je peux le concevoir. Mais si un Belge estime qu’un talent d’un autre pays mérite la place de Xavier, j’ai tendance à penser que cette personne n’est pas tout à fait belge ou, en tout cas, qu’elle ne se montre pas assez chauvine. Nous devons nous enorgueillir. Stoffel Van Doorne vit un peu le même contraste. Certaines personnes critiqueront toujours, quoi que l’on fasse. Mais pour 1 provocateur, 1.000 personnes sont à ses côtés. Xavier mérite ce qui lui arrive. Et avant tout, il mérite le respect, il n’a jamais cessé de se battre.

 

Si un Belge estime qu’un talent d’un autre pays mérite la place de Xavier, j’ai tendance à penser que cette personne n’est pas tout à fait belge ou, en tout cas, qu’elle ne se montre pas assez chauvine.