Honda Transalp: un revirement de caractère à 270°

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En renouvelant complètement sa Transalp, Honda rebat les cartes dans un segment qu’elle a toujours occupé mais où la concurrence avait pris ses aises, avec un moteur nettement plus puissant que ses rivales, une moto pleine de peps qui nous a positivement étonné.

Texte Frédéric Daveloose – Photos Honda

Peu de modèles de moto peuvent se vanter de connaître une telle longévité et pareille notoriété auprès du grand public que la Honda Transalp. Tout le monde se souvient d’un oncle, du frère d’un copain ou de la fille un peu rebelle qui « roulait en Transalp ». Même les automobilistes endurcis ont un jour posé les yeux sur une Transalp garée dans une allée de jardin lors d’un barbecue ou observé ses dimensions en attendant au feu rouge. Mais soyons honnêtes, la Transalp n’a jamais été un vecteur de superlatifs, souvent dans l’ombre de l’Africa Twin, et n’a pas non plus été pour autant un second choix.

La japonaise a plus fréquemment joué le rôle de la première petite amie que celui du fantasme inaccessible. Et c’est sans doute cela qui a contribué grandement à la longévité de cette Honda étant toujours abordable, accessible, ni snob ou ni prétentieuse. Il existe des motos plus rapides, plus puissantes, plus légères, plus sexy ou moins chères, mais la Transalp a toujours su maîtriser à merveille le compromis.

Trans…figurée

La nouvelle Transalp 750 ne renie pas les valeurs de ses devancières, mais elle les améliore indéniablement au passage. Il faut dire que le concept de trail de moyenne cylindrée est revenu sur le devant de la scène. Des motos abordables, bicylindre de moins de 1.000 cc, avec une roue avant de 21 pouces et un look plus rallye que touring sont apparues chez quasi tous les constructeurs. Honda ne pouvait pas rater le train, surtout en qualité de pionnier historique de ce concept.

Comme c’est le cas chez les concurrents, Honda a développé son trail autour d’un moteur existant, le bicylindre tout neuf de 750 cc, récemment dévoilé sur la Hornet 750. Cela n’étonnera personne. Mais le comportement vif de ce groupe motopropulseur tant plébiscité sur le roadster allait-il être un bon choix pour un trail ? La souplesse nécessaire pour une moto mixte serait-elle disponible ? La question était légitime. Et, bonheur, ce bloc se révèle être la meilleure surprise de cette Honda, la puissance et la vivacité redorant le blason d’un modèle dont le nom inspirait plus la sagesse et la monotonie que le plaisir de conduite.

Oui, la nouvelle Transalp est fun et, je ne suis probablement pas le seul que ça étonne, mais c’est une bonne surprise! Soyons clairs, cette moto n’est pas parfaite, ne possédant ni le look avant-gardiste d’une T7, ni le charme rétro d’une DesertX, mais à l’inverse, elle dépose déjà la concurrence question tarif, joue jeu égal en termes de facilité de prise en main et de polyvalence et elle est loin d’être ridicule en performances pures.

La pluie comme outil d’essai

En prenant la direction de l’Algarve pour cet essai, je quittais la Belgique sous la neige avec l’arrogance des privilégiés qui partent vers le soleil en laissant leur entourage dans une météo calamiteuse. Mais à Faro, Honda avait admirablement organisé cet essai: les conditions étaient bien meilleures qu’au pays, puisqu’il ne neigeait pas et que la « drache » était tiède… Somme toute, des conditions parfaites pour imaginer cette Honda dans des conditions plus belges que portugaises.

Habitué des trails plus massifs et plus puissants, partir sur cette légère 750 (208 kg annoncés) était bienvenu sur des routes détrempées. Le premier quart d’heure me permit de découvrir le tempérament du bloc et d’apprendre à utiliser le couple un peu moindre (75 Nm) mais suffisant ainsi que la puissance un peu plus haut perchée (92 ch à 9.500 tr/min) que sur mes références habituelles.

À l’inverse, la partie-cycle ne me demanda pas un iota de temps d’adaptation et balancer la Honda d’un virage à l’autre se fit sans aucune arrière-pensée. Rétrospectivement, je me rappelle avoir passé plus de temps à me demander combien de temps mes chaussures allaient rester hermétiques à la pluie plutôt qu’à me tracasser du grip que procurent les Metzeler Karoo (hélas pas en tubeless) sur le mouillé. Remarque, non ! Personne n’a lambiné sur cet essai et pourtant, aucun n’a fini au sol ou terminé un virage dans les matitis… Aucun de mes confrères non plus ne s’est plaint d’autre chose que de la météo pendant cette matinée calamiteuse. La moto s’avère rassurante, aisée à dompter et dynamique. En plus, la protection générale ne souffre pas la critique, que du contraire et ce, même en configuration d’origine.

Bien freiné dans mes préjugés

C’est donc après la pause de midi, sous un soleil retrouvé, la pluie ne dure jamais bien longtemps en Algarve, que je pensais pouvoir dire du mal du système de freinage, d’apparence assez peu flatteuse : des étriers coulissants double piston, cela m’apparaissait cheap, d’autant plus que la pluie leur avait certainement permis de cacher leur faiblesse. Eh bien, non ! Comme en laissant à la maison ma combi étanche, je me suis trompé. Le frein avant de la Transalp fonctionne très bien, se montrant puissant et progressif et répondant présent face au tempo plus sportif et au bon grip des routes désormais sèches… Le moteur, quant à lui, sort de sa zone « sagesse » grâce à une vivacité dans les hauts régimes qui fait merveille. Sa puissance étonne et réjouit. Peu de vibrations grâce aux deux balanciers d’équilibrage, une sonorité agréable dans les mi-régimes et toujours cette souplesse déjà constatée sur la pluie. Voilà un autre préjugé, à l’encontre des twin parallèles cette fois, qui tombe.

Par contre, ce qui s’avère, hélas, un peu moins convaincant, ce sont les suspensions, qui ne créent pas vraiment la surprise à la lecture de leurs caractéristiques basiques et de l’absence de réglages, même si leur souplesse, gage de confort, ne m’a pas trop perturbé sur les routes en bon état. Ok, la moto se dandine un peu lors des transferts de masses, mais la précision et la vivacité restent honorables pour une moto dotée d’une roue de 21 pouces. Là où c’est plus surprenant, c’est l’inconfort et les chocs secs ressentis sur les (rares) routes un peu dégradées trouvées sur notre itinéraire. Malgré l’impossibilité de tester la Transalp en TT, on peut craindre que ce trait de caractère se confirme hors route.

Dans le segment de prix où se situe cette Honda, le choix de composants moins raffinés pour les suspensions n’est pas étonnant, peu ou pas de réglages sur cet ensemble Showa. Ceci ne cause pas trop de désagrément sur les routes parfaites, ni en circulation urbaine, mais par contre sur un réseau secondaire un peu dégradé, le confort sera mis à mal.

Un bon menu du jour

Question équipement et utilisation quotidienne, la XL750 apparaît globalement dans le bon : l’ABS débrayable et le traction control ne souffrent d’aucun commentaire particulier, les 4 modes de conduites, dont un configurable, apparaissent clairement différents à l’usage et leur sélection se veut d’une facilité exemplaire alors que la navigation dans l’écran TFT de 5” s’avère intuitive, à en rendre jaloux les possesseurs d’Africa Twin. Les informations sont nombreuses, comme la consommation de 5,5 l./100 km sur les 180 km de l’essai, ou parfois inutiles, comme l’angle de rotation de la poignée de gaz… Par contre, un oubli majeur, la température d’air ambiante n’est pas affichée.

Le quick shifter est une option judicieuse, tout comme les repose-pieds « rallye », offrant un bien meilleur grip. Une prise USB-C est disponible sous la selle. Top, mais ce n’est assurément pas l’endroit le plus pratique. Nos conditions d’essai ont démontré l’efficacité de l’habillage face aux éléments, même sans la bulle haute optionnelle. Les barres de protection en accessoire, probablement très robustes, sont peu convaincantes en termes d’esthétique et alourdissent bien trop la plastique de cette moto à la silhouette svelte et légère. La livrée « historique » blanche et bleue rappelle sans équivoque la première version de 1986 et est tarifée 200€ de plus, mais je trouve que les jantes dorées qui l’accompagnent valent bien le surcoût. Même si c’est très personnel, les deux autres coloris noirs et gris sont un peu trop sobres pour une moto plutôt fun. Je remplacerais volontiers la grise par une couleur plus joyeuse…

Conclusion

Ce cru 2023 est assurément la mise à jour majeure réussie d’un modèle iconique. On aime son caractère fun, bien secondé par l’adoption du tout nouveau bloc moteur de la Hornet, comme on apprécie son équipement d’origine de bon niveau. Seul bémol : ses suspensions pourraient faire mieux mais avec un prix très attractif de 10.799€, on lui pardonne.

Un essai complet paru dans le Moto 80 #869.