Legends & Bikes by Marc Ysaye – Bob Dylan: un accident pour renaître?

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Depuis 1966, l’accident de moto de Bob Dylan, de son vrai nom Robert Allen Zimmerman, reste toujours un mystère… Que s'est-il réellement passé?

Depuis son adolescence, Bob Dylan est un véritable passionné de moto. Sa première bécane fut une Harley Davidson «45» qu’il gardera pendant deux ans. Après avoir quitté Greenwich Village pour s’installer dans la grande banlieue de New York, à Woodstock, où il vivra quelques mois encore avec sa compagne de l’époque Joan Baez, il tombe sous le charme d’une magnifique Triumph T 100 qu’il finira par acheter en 1964.

Cette T 100 deviendra son moyen de transport préféré pendant deux années. La T 100 s’avère légère et puissante, même si elle n’affiche que 500cc. Dylan l’adore. Il emmène sa bécane partout, seul ou en duo, écumant l’Etat de New York dans tous les sens. Dans son autobiographie, Joan Baez se souvient: «Il s’accrochait à sa moto de manière incroyable. Par moments, j’avais l’impression qu’elle pilotait, et non l’inverse. La moto et moi penchions toujours dans le bon sens dans les tournants et Bob conduisait très vite, trop vite parfois!» À l’époque, le port du casque n’est pas obligatoire.

C’est d’ailleurs toujours le cas dans certains États américains aujourd’hui, ce qui semble totalement inconcevable pour un motard européen… Le 29 juillet 1966, soit un mois après la sortie de «Blonde On Blonde», Bob Dylan se «crashe» avec sa moto près de Woodstock. Un événement qui reste mystérieux aujourd’hui encore, qui a «suspendu» sa carrière pendant des années et… sans doute changé le cours de l'histoire de l’artiste.

Un traitre

Flashback. Fin 1965, Dylan est déjà une immense star malgré son jeune âge: 24 ans. Il affiche une impressionnante série d’albums mythiques à son palmarès et connait notamment un immense succès radiophonique avec le single «Like a Rolling Stone». Mais la vie devient compliquée pour la plus grande icône pop américaine de l’époque.

En 1966, sa vie est épuisante entre navettes, limousines, hôtels, vestiaires, scènes, aéroports et tournées harassantes. Après une tournée mondiale de six mois avec son nouveau groupe, il se rend à Nashville et enregistre un autre chef-d’œuvre: «Blonde on Blonde». Après avoir terminé l'album le 9 mars, les musiciens passent les deux mois suivants sur la route. Ils se trouvent en Europe pour conclure la tournée.

Celle-ci se termine plus précisément à Londres, le 27 mai 66, avec le fameux «You’re a liar» hurlé par un spectateur déçu, comme beaucoup de fans britanniques, qui n’acceptent pas que Dylan soit passé à une version électrique de sa musique. Le musicien sera même accusé de traîtrise. Cet incident l’affectera au plus haut point.

De retour aux États-Unis, Dylan se réfugie chez lui. Mais il ne trouvera guère le repos. Avec «Blonde on Blonde» dans les «charts» après sa sortie en juin, Dylan doit inévitablement passer par la case «promotion» et planifier la prochaine tournée. De plus, son roman «Tarantula» est presque prêt à passer sous presse. Seules manquent les dernières modifications. Également sur la table: les montages du film de la tournée qui seront diffusés dans un show télévisé «Spécial Bob Dylan». Cela fait beaucoup pour un seul homme…

Disparition

En juillet 1966, Bob Dylan n'en peut plus. Il embrasse non-stop la route depuis des années. De plus, son corps a déjà encaissé une impressionnante quantité de substances. Pour mémoire, en 1966, le LSD se trouve toujours en vente libre! Le matin du 29, Dylan roule sur sa Triumph. Soudain, sur Striebel Road, il chute et détruit sa moto. «Aveuglé par le soleil, j'ai un peu paniqué. J'ai donné un coup de frein et la roue arrière s'est bloquée. J'ai perdu le contrôle et zigzagué. Et puis je me suis retrouvé dans un endroit inconnu – Middleton, je crois -, avec des blessures au visage et le cou sérieusement endommagé.» Ça, c'est sa version.

De fait, des témoins l'ont vu peu de temps après portant une minerve. On est moins sûr de la gravité de l'accident. Il n'y eut ni ambulance, ni hôpital, ni police. Rien. Dylan fut relevé au bord du chemin par sa Sara qu’il avait épousée en secret en 65. Ce fut en tout cas pour le chanteur, l'occasion de disparaître. Apparitions à la télé et concerts sont annulés et Bob Dylan se refait alors doucement une santé. Mais il va «rater» énormément de choses.

Lors du «Summer of Love» en 1967, Dylan est absent. Au Monterey Pop toujours en 1967, Dylan est absent. Et à Woodstock en 69, pas de Bob Dylan non plus. Certes, le musicien revient en studio. Mais ses enregistrements s’avèrent moins énergiques. Comparez sa période «rock» ou «électrique» (Bringing It All Back Home en 1965, Highway 61 Revisited en 1965 et Blonde On Blonde en 1966) avec les albums «post-crash» (John Wesley Harding en 1967 et Nashville Skyline en 1969): la différence est nette, même si le talent demeure intact. On ne peut néanmoins le nier: Bob Dylan est, après l’accident de1966, un homme changé.

Interrogations

Au cours des cinq décennies qui ont suivi l'accident, la réalité sur ses blessures n'a jamais été réellement dévoilée, laissant tout le monde se demander ce qui s’était précisément déroulé. Certains ont même annoncé sa mort… spéculations et rumeurs vont bon train. Dylan a-t-il délibérément crashé sa Triumph, afin d'échapper à la pression croissante qu’il subissait? S’est-il réellement brisé le cou, ou était-ce sa clavicule? Est-il vraiment resté avec des lésions cérébrales permanentes après l'accident, ou cette histoire n'était-elle qu'une excuse pour que la voix de toute une génération puisse simplement se reposer? Tous les rapports de témoins oculaires de l'accident proviennent de personnes qui ont vu l'épave de la moto, certes, mais pas l'incident.

Selon le biographe Howard Sones, l'accident de Dylan s'est produit juste après son départ de la maison de son manager, Albert Grossman, près de Striebel Road, une route sinueuse. Dylan était suivi par une voiture, avec à son bord Sara, son épouse, ainsi que Grossman et sa femme, Sally. Aucune description minute par minute du trajet n’existe, mais il semble que Dylan a décollé dans une courbe à l'abri des regards.

Sally Grossman a déclaré que lorsqu'ils se sont arrêtés, le chanteur «gémissait et gémissait» mais qu'il n'avait pas l'air trop blessé. Après l'accident, Dylan est resté dans la maison d'un médecin local pendant plus d’un mois. Et ceci a copieusement alimenté la polémique. Plutôt que de se rendre à l'hôpital, Dylan a été conduit au domicile du docteur Ed Thaler, qui vivait à environ une heure de Middletown, lieu de l'accident. Ici commencent les «interrogations» sur ce qui est vraiment arrivé à Dylan.

Avant tout, pourquoi aller si loin du lieu de l’accident? Si Dylan avait été réellement blessé dans l'accident, il aurait dû être conduit à l'hôpital le plus proche. Rappelons-le, son statut est déjà celui d’une immense vedette en 1966, les gens auraient déplacé des montagnes pour s'assurer qu'il était bien vivant suite à son accident. Alors, pourquoi rester cloitré chez un médecin pendant six semaines?

Hypothèses et rumeurs

L’être humain derrière l’artiste avait besoin d’un break. Et de nombreuses voix vont expliquer cette disparition par la volonté de vouloir masquer une cure de désintoxication. En plus des rumeurs sur sa mort, d’autres théories et hypothèses se sont multipliées. Dylan, fin pilote, était un passionné de moto. Il les conduisait depuis les années 50. A-t-il vraiment perdu le contrôle sur une route qu'il avait empruntée plusieurs fois auparavant? Y avait-il du soleil, de l’huile ou la route était-elle simplement mouillée?

À l’époque, c’est un fait connu, Dylan se livrait à des excès de consommation d’amphétamines. Son usage intensif avait déconcerté The Band pendant qu'ils tournaient ensemble au début de 1966. Il est donc fort probable que l’artiste avait besoin, simplement, d'une excuse pour se désintoxiquer en paix.

Néanmoins, nous ne saurons jamais ce qui s’est exactement passé car Dylan refusera toujours de révéler quoi que ce soit d’autre que le fait d’être tombé et de s’être occasionné un mal au cou. Mais cette histoire permettra à la magnifique Triumph T 100 d’entrer, elle aussi dans la légende… pour autant que cette beauté en eût besoin! Pour Robert Zimmerman, ce n’était pas nécessaire non plus. Il était déjà une légende, ce 29 juillet 1966.

Auteur: Mark Ysaye.