Rencontre avec les frères Coenen: À bonne école

Actualités Sports Julien Lahaye
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Malgré le manque d’infrastructures et d’encadrement, le motocross continue à faire rêver les jeunes. Mais au prix de quels sacrifices et pour quels objectifs? Réponse avec les frères Coenen.

Au beau milieu d’une sablière, j’ai rendez-vous avec les frères Coenen, Lucas et Sacha. La poussière vole et le son caractéristique des deux temps enveloppe la carrière d’une atmosphère digne d’un week-end de Grand Prix.

Ils n’ont que 11 ans et pourtant leur niveau est tout simplement impressionnant. Appels, dérives, virages en appui, jumps… la discipline ne semble avoir aucun secret pour eux. Au retour de leur session, ce sont deux enfants rayonnants que je vois descendre de moto. C’est certain, la bécane, ils l’ont dans la peau! Passionnés de sport depuis leur plus jeune âge et amateurs de sensations fortes, les deux frères n’imaginent plus la vie sans leurs montures.

À l’instar d’Obelix, il faut dire qu’ils sont tombés dedans quand ils étaient petits. Appuyés par un papa féru de sports mécaniques, dès l’âge de 6 ans, les jumeaux ont enfourché leur première 50cc. Toujours présent pour ses enfants, leur papa Rafael cherchait un sport qu’il puisse pratiquer à leurs côtés.

Toutefois, pas question de leur imposer quoi que ce soit, seul le plaisir de ses enfants compte. «Si ils vont rouler, c’est parce qu’ils ont envie de le faire. Vous savez lorsqu’il fait beau, rouler à moto c'est agréable. Mais quand il pleut et qu'il faut aller s'entraîner sous la pluie et par 0°C c’est beaucoup moins fun! Mais quelles que soient les conditions, je les retrouve toujours avec un grand sourire au visage. De tels moments n’ont pas de prix…»

Compétiteurs dans l’âme

Après deux années de découverte et d’entraînement, les Coenen se tournent vers la Hollande pour leur première participation au championnat ONK. C’est une révélation: Lucas empoche le titre et ouvre la porte des premiers sponsors. Outre cet aspect financier, les frères découvrent le milieu de la compétition et se frottent aux meilleurs.

«J’aime la compétition, car cela me permet de me mesurer aux autres, et donc de m’améliorer, il faut toujours chercher à faire mieux», confie Lucas, très réaliste du haut de ses 11 ans.

Avec de tels résultats et grâce à l’appui de sponsors séduits par cette envie de gagner, l’aventure a tout naturellement continué avec le championnat allemand ADAC, le Dutch Masters et le Championnat d'Europe 85cc.

Un programme certes chargé mais qui permet aux frères Coenen de se mesurer aux meilleurs espoirs européens. Une très bonne école! Malgré la jeunesse des engagés, ces championnats nécessitent un très haut niveau mais aussi des machines capables de tenir tête à des pilotes bénéficiant d’encadrements quasi professionnels.

Leur choix s’est porté sur des KTM SX 85cc, la moto la plus aboutie du moment. Il faut dire que KTM dispose d’une solide réputation en matière de motocross puisqu’ils trustent les premières places de nombreux championnats à travers le monde. Le plus bel exemple étant celui de l’extraterrestre hollandais Jeffrey Herlings, champion du monde MXGP mais aussi du nonuple champion du monde Antonio Cairoli et de son jeune équipier titré en MX2, Jorge Prado.

KTM met d’ailleurs tout en œuvre pour développer les talents de demain via des journées de formation dédiées aux plus jeunes, sous l’encadrement d’experts. Une belle façon de préparer l’avenir… et de fidéliser une future clientèle.

Comme des pros

Courir à un tel niveau et à une telle fréquence impose bien entendu une hygiène de vie irréprochable et de nombreuses séances d’entraînement. Pour développer leur apprentissage et améliorer leur niveau, les frères Coenen s’entraînent deux fois par semaine.

Les circuits belges ayant connus de nombreuses fermetures successives, les jeunes motards se sentent dépourvus et doivent se rendre principalement en Allemagne, en France et aux Pays-Bas pour y trouver des terrains d’entraînement dignes de ce nom. «Tous les circuits ferment en Belgique», déplore Sacha. «Il ne nous reste plus que Lommel, Olmen et Hélécine pour nous entraîner, c’est trop peu!» Nous ne pouvons lui donner tort… Triste réalité pour un pays reconnu à l’international pour ses pilotes MX hors pair et ayant hébergé des tracés réputés tels que ceux de Jamioulx, Rognée et bien d’autres.

Engagés dans 3 championnats cette année, les frangins n’ont pas chômé, sillonnant les routes d’Europe accompagnés de leur père, toujours fidèle au rendez-vous. «De mars à septembre, nous sommes partis presque tous les week-ends, du  jeudi soir au lundi matin. C’est assez compliqué d'organiser la vie dans le camion mais c’est aussi une vie particulière où compétition et scolarité doivent trouver un moyen de cohabiter.»

Un point extrêmement important sur lequel les parents des deux prodiges restent intransigeants. «L’école passe avant tout et nous faisons en sorte que nos enfants aient une scolarité la plus normale possible. Ils reçoivent une éducation en néerlandais et nous parlons français et anglais lorsque nous sommes à la maison.»

Bien entendu, il ne leur est pas toujours possible de suivre une scolarité «habituelle». Pour cela, ils peuvent compter sur la compréhension du corps enseignant et sur l’encadrement de Motorsport Future… pour autant que les résultats scolaires suivent!

Des projets plein la tête

Bien qu’ils ne soient âgés que de 11 ans, Lucas et Sacha savent ce qu’ils veulent. Bien sûr, la vie de pilote est faite de hauts et de bas, et les jumeaux en sont bien conscients. Mais leur début de carrière leur a déjà apporté énormément d’émotions. Notons, entre autres, le sacre de Lucas dès sa première participation au Championnat ONK, les deux victoires de Sacha en Rookies Cup, ou encore sa seconde place lors de la Coupe de l’Avenir.

Mais comme souvent, ces joies s’accompagnent de moments plus difficiles, et particulièrement lors de blessures, assez fréquentes en MX. Sacha se souviendra longtemps de sa fracture de la clavicule, survenue à peine quelques jours avant une manche du Championnat d’Europe: les risques du métier! Mais quelles que soient les difficultés rencontrées et les baisses de moral qui en découlent, ces deux jeunes pilotes ne perdent pas leurs objectifs de vue.

C’est principalement le cas de Sacha, très déterminé malgré son jeune âge. «Mon ambition est claire: je veux être champion du monde! Plus tard, j’aimerais partir aux États-Unis et y disputer le championnat AMA Supercross, le niveau y est incroyable. Plusieurs pilotes européens y participent, dont Roczen et Musquin, qui sont des exemples pour nous.»

Deux c’est mieux?

En passionné que vous êtes, je ne vais pas vous l’apprendre: la compétition coûte cher. Très cher! Et lorsque cette passion se transforme en sport pratiqué de manière continue, la note devient carrément salée. Alors imaginez l’investissement pour deux gamins! Heureusement pour les deux frères, ils peuvent compter sur le soutien indéfectible de leur plus grand fan: leur père.

Un soutien financier bien entendu mais aussi logistique puisque celui-ci les conduit tant aux entraînements que lors des week-ends de course. Un rôle qu’il joue avec plaisir mais qui impose des sacrifices. Pour vous donner une idée, sur une saison, le budget déplacements et entraînements représente déjà près de 18.000€! Un budget en partie pris en charge par des partenaires, dont Moto 80, et largement complété par un papa qui ferait tout pour ses enfants!

Reconnaissance

Mais les efforts consentis finissent toujours par payer: ayant repéré leur rage de vaincre et toujours à la recherche de jeunes talents, Yamaha Motor Racing s’intéresse de très près aux frères Coenen puisque ceux-ci se sont vu proposer leur tout premier contrat. «Yamaha nous a déjà approché l’an passé et nous sommes très heureux de pouvoir concrétiser ce projet en 2019. Nous avons obtenu un contrat de deux ans, avec une troisième année en option. C’est une belle reconnaissance du travail accompli et des sacrifices que nous avons faits », se réjouit Rafael.

Assistance, mécaniciens attitrés, motos préparées aux petits oignons… c’est un tout autre monde qui s’offre à nos jeunes pilotes qui s’engageront tous deux avec le Grizzly Yamaha Junior Team en Championnat d’Europe, en ADAC et au Dutch Masters. Bien entendu, ce nouveau partenariat implique beaucoup de travail, notamment concernant la mise au point des machines.

«La saison prochaine, Lucas et Sacha piloteront des Yamaha YZ 85. Nous allons profiter de la période hivernale pour prendre nos marques et pour mettre au point nos machines. Elles sont très différentes des KTM que nous avions et un gros travail de préparation nous attend. Mais nous nous réjouissons de ce changement. C’est notre premier contrat et nous en sommes très fiers!»

Un soutien bien nécessaire pour que puisse perdurer le rêve de ces deux talents et, qui sait, les mener vers des sommets dont ils ne soupçonnent même pas l’existence…