Bernard Dorsimont vous raconte son périple de dix jours en Irlande avec la Ducati Multistrada V4 Rally!
Souvenez-vous, dans le numéro d’avril, nous vous relations l’essai de la nouvelle Multistrada V4 Rally qui avait eu lieu en Sardaigne lors de la présentation officielle. Nous avions cependant envie d’en savoir plus et de découvrir réellement toutes les possibilités de cette globe trotteuse à l’occasion d’un voyage au long cours. Cap donc sur l’Irlande pour dix jours de roulage intense et varié, au sein de magnifiques paysages.
On a volé la moto de Miguel ! Il nous l’explique dans son andalou natal mêlé de quelques mots d’anglais, les deux langages étant accompagnés de grands gestes à la fois démonstratifs et explicites. Cela s’est passé à Manchester où sa vieille Africa Twin de ’92 a disparu la nuit alors qu’il était venu rendre visite à sa fille. Heureusement pour lui, les voleurs n’étaient ni très connaisseurs ni très efficaces. La moto a été retrouvée peu après et il est maintenant tout heureux de nous conter son histoire à côté d’elle alors que nous attendons le ferry sur le port de Hollyhead.
Nous sommes partis deux jours plus tôt de Rotterdam, avons rejoint lors d’une traversée maritime nocturne le port de Hull sur la côte est de l’Angleterre et avons ensuite traversé celle-ci en son milieu pour rejoindre son flanc opposé. Par-delà l’étendue d’eau qui s’étale devant nous, c’est la terre d’Irlande qui nous attend.
Dublin la festive
Nos premiers tours de roue sur le sol irlandais se font sur les quais de Dublin. Après avoir pris nos quartiers dans le centre-ville, notre petit groupe se dirige vers Temple Bar, le quartier animé de la cité. Une foule jeune et hétéroclite défile sur Fleet street et arbore des tenues extravagantes. C’est ici que se fêtent bon nombre de « bachelor party » ou enterrements de vie de garçon ou de fille. Les bars sont littéralement bondés et la Guiness coule à flot. La fabrique de la célèbre boisson est d’ailleurs située à peine à quelques blocs d’ici. Aux sons des différentes musiques qui s’échappent des pubs, il règne une ambiance à la fois déjantée mais qui reste en même temps bon enfant. Venue de Dublin ou d’ailleurs, la jeunesse entend bien profiter de la vie par tous les moyens et sans retenue aucune.
Le lendemain, nous mettons le cap à l’ouest vers le Connemara et une liaison d’environ 300 km nous attend. On commence par une portion d’autoroute ce qui me donne l’occasion d’employer encore une fois le cruise-control accouplé au radar dont est pourvu ma V4 Rally. Moi qui prenais au départ ce système pour un gadget typiquement marketing, voilà que je l’utilise à chaque occasion qui se présente. Une fois qu’on a assimilée la technique, elle se révèle très facile à employer.
Comme je ferme la marche de notre petit groupe de quatre motos, le laisse un peu de champs, rattrape ensuite mon prédécesseur avec une vitesse légèrement supérieure et enclenche le cruise- control et le radar dans la foulée. Les icônes en vert apparaissent au tableau de bord et ma Ducati suit alors fidèlement la machine qui la précède avec une distance que je peux régler à loisir. Comme j’ai une petite réserve de vitesse, si le groupe accélère, elle fait de même. Et si au contraire il y a un ralentissement, les freins entrent en action. On peut redescendre assez bas dans l’allure en rétrogradant les vitesses car tant qu’on ne touche pas aux freins, le système reste enclenché. Il faut juste veiller à ne pas trop se décaler par rapport à la moto qui précède, sans quoi, il n’y a n’a plus de repère et la machine accélère jusqu’à trouver une nouvelle référence.
A l’usage c’est parfaitement au point, plaisant et utile car cela permet de se relaxer à la demande et de manière assez ludique. D’autant que vient s’ajouter à cela le système de détection dans les angles morts. Il s’agit d’un feu de couleur orange fixé sur le dessus de chaque rétroviseur. Il s’allume du côté où un véhicule vous suit sans que vous puissiez l’apercevoir dans vos miroirs. Et clignote même si vous faites mine de déboîter malgré tout. Là encore, je prenais cela pour un gadget, sûr de mon expérience motocycliste et « n’ayant pas besoin de ces nouveaux artifices ». Et bien, force est de reconnaître que je dois réviser mon jugement. A de nombreuses reprises j’ai vu le feu orange s’allumer alors que je n’avais rien vu venir. Et c’est particulièrement vrai ici où on roule à gauche et où on n’a pas l’habitude de voir des véhicules vous dépasser par la droite. Un très bon point donc pour la Multistrada et une vraie découverte pour moi, le genre de chose qu’on met un peu de côté lors des présentations officielles soit par manque de temps soit tout simplement parce que le parcours ne s’y prête pas et que l’on se concentre davantage sur les qualités dynamiques de la machine.
Connemara
Les agglomérations encore assez denses au début de la journée ont fait place à la campagne et les abords des routes se font de plus en plus déserts au fur et à mesure que nous progressons vers l’ouest. En fin de journée, nous abordons la région du Connemara et ses nombreux lacs. Peu ou pas de circulation. Partout ici règne la nature sauvage où se mêlent rocs, pentes herbues, torrents, vent et pluie comme aujourd’hui. Dans ce décor brut et pratiquement inhabité, seuls les innombrables moutons dispersés dans les collines semblent indifférents à la rudesse des lieux. Au travers des nuages percent ça et là quelques rayons de soleil, tranches de lumière vive qui achèvent de donner un air majestueux et fantastique à ces paysages.
Après une première nuit passée à Cong, notre étape du soir est à Galway au sud de la province du Connacht que nous venons de traverser en partie. La légende veut que cette ville tire son nom de Galvia, une princesse qui périt noyée dans la rivière Corrib (Gaillimh) qui traverse la ville.
Effectivement, en la découvrant nous constatons de visu le tumulte de ses eaux et la vitesse de son courant, de quoi alimenter ou peut-être simplement donner naissance à ce mythe. Nous déambulons ensuite dans les rues animées et colorées de la ville, dans ce qu’on appelle « le quartier latin » où partout règne une ambiance généreuse et amicale qui semble émaner naturellement des habitants de ce pays. Tous, petits, grands, jeunes et moins jeunes se réunissent en soirée dans les pubs, lieux de rencontre par excellence où, une pinte à la main, ils échangent bruyamment et discutent avec entrain. Le contact s’établit très facilement et nous leur racontons notre périple qui retient souvent toute leur attention. Le verbe est fort, le regard clair et ces rencontres éphémères mais franches et chaleureuses constituent certainement un des points forts d’un voyage en Irlande et ajoutent beaucoup à son charme.
La V4 Rally est un sacré outil !
La route est joueuse ce matin. Etroite, elle serpente le long de la mer et épouse le relief au gré des bosses et vallons qu’elle rencontre. Sur quelques sommets, je suis parti plusieurs fois en roue arrière et l’électronique a rapidement repris le contrôle. C’est qu’elle aime ça la Multi. Il lui faut de l’espace pour s’exprimer. Au-dessus de 6.000tr/min, elle change de voix et à cœur de vous rappeler que ses 180ch sont bien présents. Et comment ! Les montées en régimes sont fulgurantes et les chiffres du tachymètre défilent à toute allure ce qui, immanquablement vous procure une belle poussée d’adrénaline mais aussi un large sourire. Sur le minuscule bout droit que je viens d’effacer d’un simple coup de gaz appuyé, j’ai pris 190km/h au compteur ! Cette route ou deux voitures pourraient à peine se croiser n’est absolument pas faite pour cela mais avec la Rally, on a l’impression que tout est permis tant la limite semble loin. Outre la gniaque du moteur, c’est aussi un réel plaisir que de sentir travailler les suspensions. Avec leurs débattements augmentés par rapport à la Multistrada standard (200mm de course) couplé au système Skyhook (elles sont électroniques et semi-actives), les incessantes variations de terrain sont littéralement avalées par la machine qui file comme une flèche, imperturbable. A plusieurs endroits, sur l’angle et à bonne vitesse, j’ai encaissé un tassement sec des suspensions du au revêtement qui est loin d’être uniforme. J’ai senti alors une compression puis une détente parfaitement contrôlées avec une moto qui est restée reste bien en ligne sur sa trajectoire sans la moindre perturbation parasite. De la belle ouvrage et qui procure beaucoup de plaisir. C’est la marque de distinction de la Ducati qui ne peut renier ses origines sportives et qui, en certaines occasions, offre tellement de possibilités qu’on se sent plus dans la peau d’un pilote que d’un voyageur au long cours.
En revenant à des allures plus raisonnables, parlons des conditions de route, justement. Bien entendu, il faut s’habituer à rouler à gauche et surtout, ne jamais sous-estimer cette difficulté. Bien des conducteurs expérimentés se sont laissés prendre à ce piège et il faut vraiment rester concentré et vigilant sur cet aspect. Mais pour le reste, nous sommes à la fois surpris et enchantés du respect que nous témoignent les automobilistes locaux. A chaque fois que c’est possible, ils nous facilitent la tâche. Lors des dépassements par exemple où ils n’hésitent pas à se mettre à l’extrême bord de la route pour nous laisser de la place. Dans les agglomérations également où, voyant que nous formons un groupe, ils marquent un arrêt pour laisser passer le dernier et ne pas perturber notre marche. C’est extraordinairement amical et sécurisant. A l’opposé de ce que nous voyons hélas sur les routes belges.
Moheer cliffs et Dingle
Partis de Galway, nous réservons en fin de matinée un moment pour un lieu incontournable. Ce sont les célèbres falaises de Moher (Moher cliffs). Situées sur la commune de Liscannor, elles se dressent face à l’océan sur une longueur de huit kilomètres et s’élèvent jusqu’à 214 mètres au-dessus de l’eau. Le point de vue est somptueux et nous consacrons une petite heure de marche à parcourir l’étroit sentier qui les surplombe. Retour à nos motos ensuite car il nous reste pas mal de chemin. C’est d’ailleurs de justesse que nous attrapons le ferry de Killimer qui nous fait traverser le bras de mer qui sépare le comté de de Clare de celui de Kerry. Nous filons ensuite vers Tralee pour obliquer après vers Dingle, une jolie petite bourgade située sur ce qui est pratiquement la pointe de terre la plus à l’ouest de toute l’Irlande. Après avoir défait nos sacs dans le bed and breakfast de circonstance, nous entreprenons une petite balade à pied sur le port et finissons au Foxy Johns bar. Comme souvent, c’est bondé et l’ambiance est géniale. Derrière le bar, des étagères fourmillent de matériel divers. Cela va de l’entonnoir à la laisse pour chien en passant par l’ustensile de jardin, le câble électrique ou la bombonne de camping gaz. On ne sait trop qui du « general store » ou du bar a finalement la priorité dans l’exploitation des lieux. Ils font en tous cas bon ménage et en cette soirée de semaine, la bière coule une nouvelle fois à flot. Des musiciens nous jouent de petits airs aux sons de guitares celtiques tandis que nous discutons avec un grand costaud et sa petite femme qui sont en vacances et que Lena, une française qui vit en Irlande sa passion pour la musique se joint à la conversation. C’est cela la terre d’Irlande. Des rencontres, des gens chaleureux, simples et heureux de vivre avant tout.
Kerry’s ring et Gap of Dunloe
Aujourd’hui, le point d’orgue du voyage nous attend alors que nous n’en sommes pas encore conscients. Nous avons prévu d’effectuer la boucle de la péninsule d’Iveragh située en dessous de celle de Dingle. Nous entamons donc ce qu’on appelle le Kerry’s ring ou l’anneau du Kerry, qui porte son titre en raison du comté du même nom. Revenus d’abord vers l’intérieur du pays à Milton, nous repartons ensuite vers le cap suivant en passant par Glenbeigh et Caherciveen. Halte dans le joli petit port de Portmagee pour un bon petit lunch et ensuite, la route devient tout simplement merveilleuse. Les points de vue spectaculaires s’enchaînent à chaque détour de virage. Les vastes prairies qui s’arrêtent brusquement au sommets des reliefs côtiers accidentés, les embruns qui giclent au bas des falaises, partout le vent, le roc et l’océan qui ne forment qu’un dégagent une telle impression qu’il est difficile d’en détacher les yeux tant le tableau est fort et poétique à la fois. A lui seul, cet endroit vaut le voyage. D’autant que ce n’est pas fini. En fin de journée, nous bifurquons à gauche à Kenmare pour prendre la N71 vers Killarney. Sur le sommet, à Molls Gap, nous prenons une nouvelle fois à gauche pour nous engager sur une minuscule route qui nous mène vers le Gap of Dunloe. La traversée de ce petit col est fantastique et les paysages sont sublimes. A certains moments, nous avons l’impression de nous trouver sur une autre planète. Un peu fourbus mais les yeux remplis de ces merveilles, nous descendons sur Killarney pour la halte du soir.
Wexport vers l’Angleterre
Le lendemain, une longue liaison nous attend vers Wexport où nous prendrons le ferry pour retrouver l’Angleterre et entamer le chemin du retour. Petit à petit la civilisation reprend ses droits et nous laissons derrière nous ces contrées à l’aspect brut et pourtant attirant pour des endroits de plus en plus fréquentés. Nous traversons Cork et en fin de journée sommes en vue de la pointe sud-est de l’Irlande et de son port Rosslare. En chemin, nous nous sommes arrêtés pour retendre la chaîne de ma Ducati. Le premier garage auto qui était sur notre route a fait l’affaire et, encore une fois, nous avons été confondus devant la gentillesse et l’amabilité de ses occupants. C’est tout juste si nous avons eu à intervenir et l’affaire a été réglée en cinq minutes à peine. Ce qui nous frappe aussi à chaque fois est la résistance au froid de ces gens. Nous sommes engoncés dans nos équipements pluie et ils sont en t-shirts. A plusieurs occasions, j’ai vu au cours de ce périple des irlandais vêtus comme pour nous en été alors qu’un coup d’œil au thermomètre de bord m’indiquait qu’il faisait à peine 13 degrés. Etonnant ! Mais sans doute est-ce pour partie ce qui leur donne ce côté accueillant et ce plaisir de se retrouver après avoir affronté des conditions difficiles.
Pluvieuse Angleterre
Si la pluie nous a relativement épargné alors que nous sillonnions la verte Erin, il n’en fût pas de même pour la perfide Albion. Sitôt débarqués à Pembroke en pays de Galles, le mauvais temps nous attendait pour ne plus nous quitter jusqu’à Douvres. L’occasion d’apprécier sous une drache continue la protection générale offerte par ma Multistrada et son généreux équipement. Inutile de vous dire que poignées et selle chauffantes furent copieusement utilisées. Dans ces conditions, il est bon également de pouvoir compter sur une électronique de pointe dont la veille permanente assure votre sécurité. Via les différentes assistances à la conduite, on peut rouler l’esprit détendu et modifier au besoin les paramètres. Pour ma part, j’ai la plupart du temps utilisé le mode « touring » au cours de ce voyage. Quelques fois le mode « Sport » lorsque de beaux virages se présentaient, et quelques fois aussi les modes « Urban » et »Rain » mais plus pour essayer que par réelle nécessité. Au cours de ces dix jours passé avec elle, la Multistrada me laisse une impression de machine où les superlatifs s’enchaînent. Tout semble possible avec elle tant elle possède de réserves. C’est vraiment une globe-trotteuse dans l’âme qui ne demande qu’à vous emmener au bout du monde. Bien qu’elle soit à l’aise dans la circulation malgré un gabarit somme toute imposant, elle préfère de loin les moments où la route se dégage et où elle peut lâcher ses chevaux. Son comportement sportif et rigoureux vous ravira alors et peu de machines du même genre seront capable de vous offrir autant d’émotions. Quant à l’Irlande, c’est une belle destination pour nous autres motards. La beauté des paysages, la gentillesse des gens, la chaleur et l’ambiance des pubs, tout cela mérite vraiment le détour. Un détour qui se mérite car les liaisons pour y arriver sont relativement longues et un peu fastidieuses. Mais ensuite, la récompense n’en est que plus belle.
B. Dorsimont
Merci à Ducati Benelux pour le prêt de la moto. Et merci à Serge, Yves et Naji pour leur bonne compagnie.
Photos : Yves Huygens et BD