1961, les débuts de Yamaha en Grand Prix

Classic Patrice Verges
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Il y a juste 50 ans, le 22 mai 1961, Yamaha débutait en championnat du monde au grand prix de France. Dans la livrée blanche de leur curieux carénage profilé, les deux Yamaha 250 dénotaient au milieu de la grille de départ vampirisée par les fines Honda rouge et grises.

Depuis le début de la saison, les Honda trustaient toutes les victoires en 125 et 250. Pour leur première participation, les Yamaha confirmèrent que leur moteur 2-temps n’était pas au niveau de celui des 4-temps Honda. Si en 125, Ito put faire illusion grâce à sa connaissance du circuit de Charade lié à un pilotage à la kamikaze qui se solda par une chute, il parvint seulement à se classer 8e en 250, loin derrière la Honda victorieuse de Phillis. En rangeant ses motos pour rejoindre le TT, deuxième étape de leur tournée européenne, la petite équipe japonaise savait qu’elle avait encore beaucoup à apprendre. 
 

2 temps contre 4 temps

Spécialisée dans la fabrication d’instruments de musique depuis la fin du 19e siècle, la firme japonaise Yamaha qui devait son nom à son créateur, décida d’élargir ses activités au milieu des années 50. Pour rentabiliser ses machines-outils disponibles, elle choisit la moto. La première 125 Yamaha s’inspira fortement de l’excellente DKW RT125 deux-temps, ce qui explique que le cycle deux-temps Yamaha fut préféré au quatre-temps choisi par Honda. Cette première 125 suivie d’une 250 twin très inspirée des Adler réussir à s’imposer dans le petit monde de la moto malgré la concurrence très forte de Honda et Suzuki qui avaient vu le jour sensiblement à la même époque que la firme aux trois diapasons.

Yamaha comprit rapidement que la compétition était indispensable pour forger son image.  La victoire au mont Asama donna ses lettres de noblesse à la jeune firme d’Hamamatsu qui avait développé des motos de compétition dérivées de ses machines dont les ventes progressaient. Comme ses deux autres gros concurrents, Yamaha comprit que son salut passait par l’exportation, notamment les Etats-Unis, où pour se faire connaître, elle s’engagea dans quelques compétions avec son pilote Fumio Ito (orthographié parfois Itoh).

Pour s’attaquer au marché européen, Honda avait déjà engagé des motos au TT 1959. On imagine mal, aux débuts des sixties, comme l’arrivée des Japonais a troublé les observateurs affichant un attentisme prudent teinté d’un certain mépris. Il faut dire que le Japonais avait la sale réputation de copier, ce qui n’était pas faux : les Honda s’étaient beaucoup inspirées des NSU, les Yamaha de l’Adler et les Suzuki des MZ. Voir les petits Japonais vêtus d’une impeccable combinaison blanche travailler vaillamment en silence, mécaniquer avec des gants blancs, tendre inlassablement leur carte de visite en inclinant la tête, recouvrir d’une bâche de soie blanche leur moto après la course, bouleversa le petit monde du Continental-Circus. C’étaient des extra-terrestres ! Pour avoir assisté au début de Yamaha, j’ai le souvenir que ce nom à la sonorité improbable faisait rire les vieux motards pour qui moto rimait avec MV, Norton, Mondial, Benelli, mais surtout pas avec cette curieuse onomatopée digne d’un enfant de deux ans.
 

Voir et apprendre

Alors que Honda commençait à se faire un nom en compétition, dès 1960, Yamaha envoya un observateur suivre les grand prix, notamment la catégorie 125 et 250 où la firme avait prévu de s’engager dès 1961. Hiroshi Naïto, chef du minuscule département compétition, épia beaucoup, notamment les Suzuki qui débutaient également et surtout les MZ de l’Allemagne de l’Est à moteur 2-temps qui étaient rapides mais épouvantablement fragiles. Fort des conseils de Naïto revenu au Japon, Yamaha améliora considérablement sa 125 RA 41 poussée à 20ch et sa 250 RD 48 à 35ch en profitant aussi du savoir-faire technologique de la petite marque de moto Showa que sa firme venait de racheter.

Une petite équipe de huit personnes dont quatre pilotes fut composée. C’est avec trois camions chargés de six motos (125 et 250) plus leurs pièces détachées qu’elle débarqua en Europe. Les Yamaha n’étaient pas au niveau de la concurrence, notamment des MV et surtout des Honda bien plus rapides. Leur moteur manquant de puissance serraient brusquement, l’essence bouillait dans les cuves des distributeurs rotatifs, leur carénage intégral était gênant et les pilotes japonais ne connaissaient pas les circuits européens. D’ailleurs Honda puis Suzuki avaient déjà acheté à prix d’or quelques pilotes européens.  Le meilleur résultat fut une 5e place au grand prix de Belgique 1961 où la RD 48 de Ito montra qu’elle était rapide quand elle voulait bien marcher.
 

Première victoire en 1963

Pour Yamaha, 1962 fut une année blanche où l’on préféra améliorer les motos. Néanmoins, en fin de saison la firme aux trois diapasons engagea ses nouvelles machines au nouveau grand prix du Japon disputé à Suzuka.  Si la nouvelle RD56 donnée cette fois pour 45ch ne s’imposa pas  en se contentant de la 3e place avec Ito, elle se montra plus rapide que la Honda 4 cylindres d’Hailwood. Son potentiel mit du baume au cœur à la marque qui décida de revenir disputer le championnat du monde 1963 en s’estimant  capable de remporter le titre en 250 car en 125, la mono n’était pas dans le coup face aux terribles twin  Honda et surtout Suzuki inspirés des MZ.

Au fil des épreuves, la RD 56 devint de plus en plus dangereuse face à la Honda en se révélant souvent plus rapide qu’elle mais Hailwood faisait la différence au pilotage. Une première victoire au grand prix de Belgique 1963 avec Ito, montra que Yamaha était sur la bonne voie. Pour la saison 1964, Yamaha décida d’investir dans des pilotes européens plus aguerris et engagea notamment à prix d’or (20 000$!) le britannique Phil Read. Au guidon de la RD 56 poussée à plus de 50ch, malgré Honda qui répliqua en fin de saison avec sa 6 cylindres, et Suzuki qui avait dévoilé une surpuissante 4 cylindres, Read fit remporter le premier titre de champion du monde à Yamaha. Il fut suivi par bien d’autres…