À la fin des années 70, et ce malgré des motos de qualité, Suzuki ne truste pas vraiment les podiums en termes de ventes. Les têtes pensantes de la marque décident qu’il est temps de redresser la barre. Et pour y arriver, ordre est donné de s’attaquer de front au design.
La société Target Design est recrutée et, au Salon de Cologne 1980, les 650 et 1100 GSX-S Katana sont présentées. Si le design a, effectivement, fait l’objet de toutes les attentions, le style n’est pas en reste et la Katana provoque une petite révolution: le pilote fait littéralement corps avec sa machine.
Les carénages ont, par exemple, été étudiés en soufflerie chez Pininfarina, un incontournable de l’automobile. Mais le succès de la Suzuki Katana se révèle mitigé. Son esthétique divise le public et, également pénalisée par un certain inconfort, elle connaitra une réussite commerciale très contrastée selon les pays. Néanmoins, ce modèle marque les esprits de par sa volonté d’innovation et la Katana se voit quand même déclinée en plusieurs versions: 250cc, 400cc, 550cc, 650cc, 750cc, 1.000cc et 1.100cc. Au Japon, prophète en son pays, elle acquiert un statut d’icône.
Avant-gardiste
En Europe, Michel Siméon craque pour la Katana. Et ce, bien avant qu’il ne se retrouve aux commandes d’une concession Suzuki. «J’ai commencé en 1988, soit une demi-douzaine d’années après l’arrivée de la Katana. J’ai habitude de dire que je suis davantage de la génération GSX-R. Je me souviens néanmoins parfaitement que, lors de son arrivée dans les concessions, la Katana était une moto très clivante auprès du public. Beaucoup de motards n’aimaient pas son look avant-gardiste, voire futuriste. C’était très particulier. Mais le nom Katana est resté dans la mémoire collective.»
Lorsqu’il est encore importateur pour la marque Mig, Michel Siméon découvre une Suzuki Katana chez un de ses clients. «Elle était vraiment belle. C’est à ce moment que je me suis dit qu’un jour, il m’en faudrait une». Le hasard faisant parfois bien les choses, Michel Siméon retrouve cette même machine quelques années plus tard, chez un autre client.
Et comme il en parle plus souvent qu’à son tour à la maison, sa femme et son fils décident de lui faire un beau cadeau pour la fête des pères. «Ensuite, cette Katana a attendu sagement une dizaine d’années dans mon atelier, le temps que mon agenda se libère suffisamment pour que je puisse m’occuper d’elle comme je le souhaitais. Le premier propriétaire avait déjà commencé à travailler dessus, en lui offrant quelques belles pièces Yoshimura comme son réservoir en aluminium, les carburateurs magnésium, la ligne d’échappement en titane, etc.»
Position grenouille
Michel Siméon n’est cependant pas amoureux de sa Katana sous tous les angles. «Je ne suis, par exemple, pas vraiment fan de sa roue de 19 pouces à l’avant et de 17 pouces à l’arrière. De série, je trouve qu'elle fait trop grande, trop fine. J’ai donc opté pour deux roues de 18 pouces. Outre la course, la transformation de motos est ma seconde passion.» Avec cette Katana, Michel Siméon a d’ailleurs enregistré quelques beaux chronos sur circuit, comme celui de 1 minute et 13 secondes à Mettet. Preuve s’il en est de la bonne santé affichée par cette GSX1100S. Mais ça, c’était avant d’empoigner les outils. «
Désormais, je ne roulerai plus à son guidon. J’aurais trop peur de l’abîmer. J’ai quand même passé quelques heures dessus… En outre, la position ne convient pas vraiment pour mon gabarit.» Il est vrai que les quelques kilomètres passés au guidon de cette Katana pour notre séance photo n’ont pas été de tout repos. Pour me mettre au guidon, je devais clairement adopter la position dite «de la grenouille», le ventre contre le réservoir et les genoux remontés bien hauts. Assis de la sorte, malgré le moelleux de la selle, je me voyais mal partir en balade dans les Ardennes.
Par contre, dès les premières accélérations, je n’ai eu aucun mal à imaginer le 4 cylindres de 1.074cc donner tout son potentiel à Mettet. Accompagné par un joli sifflement, le bloc Suzuki monte rageusement dans les tours et fait hurler la ligne Yoshimura. Tout pour plaire aux voisins, assurément! Dans les tunnels, le coup de pétard à chaque fois qu'on lâche les gaz n'avait d'effet que de renforcer cette discrétion exemplaire. Et si les freins hérités d'une GSX-R750 apportent ce gage de sécurité donc manquent souvent les classiques, oui, cette Katana gagnera sans doute à rester bien au chaud dans un hangar, plutôt qu'à terroriser tout le monde en ville.
Full Yosh
Cette Katana, Michel Siméon l'a entièrement démontée, adaptée et fait repeindre de A à Z. Les disques et étriers de freins, comme déjà mentionné, viennent d'une supersportive. L'échappement titane ressortant très fort, pour contourner les platines de repose-pieds d'origine, sa courbure fut également modifiée. «J'avais le temps, je n'étais pas pressé, j'ai donc pu travailler en toute sérénité. Il me restait encore quelques pièces du magasin. Je n'ai pas dû trop chercher. Seul le moteur n'est pas préparé pour éviter de faire grimper l'addition. Et puis, je voulais davantage en faire un objet d'art qu'une moto de course, alors je n'ai pas touché au bloc. Comme je souhaite que toutes les pièces soient signées Yoshimura, j'ai rapporté quelques souvenirs d'un voyage au Japon. En clair, tout ce que j'ai pu trouver sur la Katana, comme le potiquet d'huile de frein. Reste encore à remplacer certains caches en plastique sur le moteur par d'autres arborant l'insigne Yoshimura.»
Dans la manœuvre, clignotants et les rétroviseurs ont disparu, par souci d'esthétisme. Et si la carrosserie n'a pas été modifiée, Michel Siméon a quand même opté pour une nouvelle selle, signée Marc Fisette. Celle-ci, certes un peu creusée, a le mérite d'arborer, elle aussi, l'insigne Yoshimura. «Mais si on remet une selle d'origine, on retrouvera la position d'antan. Même si les repose-pieds ont été légèrement remontés.» Les jantes ont également été peintes, des œuvres de Sébastien Hubert, tandis que les chromes ont été confiés à Patrick Chavanne.
La nouvelle suspension est signée Öhlins. «Elle en jette, elle fait très course.» Et devient la pièce la plus moderne de l'ensemble, avec les carburateurs magnésium. «On peut aussi régler l'assiette de la moto en déplaçant l'amortisseur. Cela me permet d'envoyer plus ou moins de poids sur l'avant.» Au cours de ses travaux, Michel Siméon n'a pas vraiment rencontré de difficultés. Excepté peut-être quand il a fallu réadapter le compteur après le changement de tailles de roues. «Je suis déjà prêt à me lancer sur le projet d'une nouvelle Katana. Je compte lui greffer le bras oscillant d'une TL1000R car ceux-ci sont renforcés vers le bas. J'aurai la place pour positionner les deux amortisseurs aisément et j'utiliserai sans doute aussi une fourche de GSX-R d'époque. La carrosserie, elle, restera typiquement Katana. Tout est prêt, je n'ai plus qu'à m'y mettre…»
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Michel Siméon
Roule depuis: 42 ans.
Première moto: Une Yamaha RD400, j’avais pile 18 ans…
Élément déclencheur: J’avais commencé à faire des courses de 50cc sur un circuit de karting, à Nivelles, avec quelques motards complètement inconnus à l’époque. Ils s’appelaient Didier de Radiguès, Thierry Tassin, Thierry Boutsen et Jean-Claude Baele. Ce dernier, déjà actif en coupe Ducati, était en quelque sorte la petite vedette du quartier. Ne lui rendant rien sur la piste, je me suis aussi engagé en compétition. Je venais de mettre le doigt dans l’engrenage…
Moto actuelle: Toujours ma Yamaha RD400.
Moto préférée: Pour me promener, je continue à préférer ma RD400. Sinon pour le design, je dirais cette Suzuki Katana.
Destination moto de rêve: La Route 66. Un voyage effectué dans les années 90, avec des amis et Suzuki, dont je garde un souvenir impérissable.
Pilote favori: Xavier, évidemment. Sinon j’aime bien Jorge Lorenzo, un pilote très beau à regarder rouler quand il était sur la Yamaha. Aujourd’hui, il semble un peu «dans le dur».
Plus grande folie effectuée à moto: Le Tour de Belgique. Une compétition d’une autre époque, tout à fait folle, vraiment très dangereuse, surtout si l’on ne se prépare pas suffisamment…