ESSAI BMW R 90 S: La sportive élégante venue d’Allemagne

Classic Bernard Dorsimont
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Même si les BMW sont davantage reconnues comme des rouleuses au long cours, le constructeur de Munich a toujours proposé des modèles sportifs dans sa gamme. Lorsqu’elle apparaît en octobre 1973, la R 90 S marque les esprits et se distingue à la fois par sa simplicité et son élégance. Sur route, elle se révèle aussi très efficace…

 

À l’époque, Hans A. Muth, débauché chez Ford, vient d’être nommé chef du nouveau bureau de style pour les deux-roues. Hans A. Muth va donner cette forte personnalité à la R 90 S. Une touche sportive matinée de raffinement qui va d’emblée faire souffler sur la marque un nouveau vent de fraîcheur. Malgré ses quarante-six années d’existence, le modèle garde une pureté des lignes que le temps ne semble pas pouvoir atteindre. «Je ne suis pas spécialement un spécialiste des motos anciennes», nous dit Benoît Versavel, le propriétaire de l’exemplaire que nous allons essayer. «Mais j’aime les beaux objets. Et comme je roule en BMW depuis longtemps, j’avais remarqué cette R 90 S chez mon ami Philippe Faignoy. Un jour, j’ai fini par craquer!». Il est vrai qu’elle ne manque pas d’allure, posée sur sa béquille centrale alors que le soleil joue avec les reflets de sa robe orangée.

Ce coloris Daytona dont les filets sont réalisés à la main apparaît en 1975 et commémore la victoire de la marque sur l’anneau américain en catégorie Productions. Telle est la principale différence, avec l’ajout de disques ajourés, par rapport aux premiers modèles livrés en noir/gris dégradé «Silver Smoke». La R 90 S s’illustrera également au TT ou dans les courses d’endurance comme le Bol d’Or ou encore en participant au Tour de France Moto qu’elle remporte en 1975, conduite alors par Hubert Rigal.

La R 90 S sera également la première machine de série équipée d’un carénage tête de fourche abritant une instrumentation luxueuse pour l’époque, avec une montre et un voltmètre. C’est aussi une des motos les plus chères sur le marché mais son côté révolutionnaire va lui faire connaître le succès. Avec elle, BMW entend conquérir une nouvelle clientèle plus sportive tout en gardant les fidèles de la marque qui apprécient à juste titre la fiabilité et le côté sûr et confortable des machines munichoises. Le slogan de l’époque est à ce sujet évocateur des ambitions teutonnes puisqu’il annonce fièrement: «Les Samourais vont trouver à qui parler!».

Vitaminée grâce aux Dell’Orto

Son flat twin de 898cc, dont les cylindres sont anodisés noir, développe 67ch à 7.000 tr/min et se veut, de l’avis des spécialistes, un des meilleurs moteurs produits par la marque. Calé à 360°, il se révèle également le premier bloc supérieur à 750cc et, particularité supplémentaire, reçoit une paire de carburateurs Dell’Orto de 38mm à pompe de reprise en remplacement des Bing à dépression. Avec un tel équipement, inutile de chercher plus loin le premier responsable du caractère plus enjoué de la R 90 S.

Le réservoir affiche une contenance de 24l et la fourche, visuellement allégée par l’absence de soufflets, est d’inspiration Maïco. Son débattement: 208mm. Le freinage fait appel à deux disques avant d’un diamètre de 260mm et un tambour simple came à l’arrière. La boîte propose cinq rapports et, solution chère à la marque, la transmission finale est bien entendu par arbre et cardan. Le tour du propriétaire se termine en appréciant sous la selle un beau petit espace de rangement dans la partie avant ainsi qu’un petit coffret séparé sous le dosseret. Discrets et très pratiques!

Maniable et agile

En ordre de marche, miss Daytona revendique 215kg. En m’installant face au «poste de pilotage» comme le décrit fièrement le dépliant BMW en 1973, je découvre une position de conduite plus «grand-tourisme sportif» que réellement sportive. C’est très agréable et cela constitue même probablement une des qualités maîtresses de la R 90 S. Le buste s’incline légèrement vers l’avant et les mains se posent à l’endroit idéal sur l’étroit guidon dont les extrémités ont été légèrement repliées.

Si les cadrans se trouvent parfaitement agencés et bien lisibles sous la petite bulle en plexi, la clé de contact s’avère par contre difficile à atteindre sur la patte phare du côté gauche. Tandis que j’enfile mes gants, Benoît me précise: «La moto vient d’être entièrement restaurée par un artisan hollandais: Theo Terwel, il travaille près d’Arnhem. Un véritable orfèvre. J’ai eu l’occasion de visiter ses ateliers et et c’est impressionnant, une vraie clinique! Tu verras, il l’a parfaitement réglée». Effectivement, même si le flat hésite une seconde sous le coup de démarreur, il tourne ensuite impeccablement, avec ce couple de renversement caractéristique qui se manifeste au moindre coup de gaz. Le passage du premier rapport s’accompagne du «klonk» habituel et un peu sec, et l’embrayage prend assez tard. Je commence par de petites routes de campagne dont certaines sont agrémentées de pavés.

Le confort me surprend et la maniabilité séduit rapidement. Comme toutes les BMW reprenant cette architecture moteur, le centre de gravité placé très bas favorise l’équilibre à faible vitesse. Tout en confiance, j’apprécie à loisir le paysage qui défile tranquillement. On est au guidon d’une moto longue et pourvue d’un petit guidon mais pourtant, la 90 S se manie du bout des doigts et suit aisément les injonctions de son conducteur. Elle donne une impression de légèreté et, en même temps, de précision.

Sereine et imperturbable

La route se dégage maintenant et les virages se suivent à une allure plus soutenue. Sereine et sûre, la «S» se balance sans efforts et montre une belle agilité. Le gros «bi» allie souplesse et force et relance de plus belle à chaque rotation de la poignée. Il est capable d’évoluer sur un filet de gaz pour repartir ensuite sans un à-coup jusqu’à 4.000tr/min, régime où il devient plus expressif et affiche son caractère sportif. Un petit bout d’autoroute permet d’ailleurs d’atteindre très rapidement plus de 180km/h au compteur.

Les 67ch se montrent amplement suffisant pour rouler vite et, à cette allure, bien que plus vraiment protégé par le petit carénage, on se sent pourtant prêt à prolonger longtemps le roulage tant la position de conduite s’avère confortable. La boîte mérite quelques attentions et, cardan oblige, il faut un peu décomposer les passages de rapports mais sans que cela devienne gênant. Le freinage, par contre, peut être considéré comme «un peu juste». Il fait appel à une commande hybride d’abord mécanique du levier au maître-cylindre, ensuite hydraulique jusqu’aux étriers. Il faut déjà tirer assez fort pour obtenir une puissance suffisante et cela manque de mordant.

Malgré tout, ce n’est jamais dangereux et une R 90 S reste aujourd’hui parfaitement utilisable dans la circulation. Par comparaison, l’élément arrière se montre certes moins puissant mais d’une attaque plus franche. «Ce qui m’a attiré dans cette moto, outre sa ligne», nous dit Benoît, «est sa facilité à abattre les kilomètres en toute décontraction. À cet égard, pour une machine datant de 1976, je trouve le résultat étonnant. J’ai toujours beaucoup de plaisir à partir avec elle pour une belle et longue randonnée. J’en reviens frais et à peine fatigué alors qu’à chaque arrêt, j’ai pu m’entretenir et échanger mes impressions avec des amateurs immanquablement attirés par la beauté et le mythe de l’engin. Un vrai plaisir!».

Conclusion

La R 90 S incline donc plus vers le grand-tourisme rapide que l’attaque pure et dure. Mais c’est précisément là ce qui fait tout son charme. Capable d’avaler les bornes avec aisance, elle roule vite, naturellement et sans efforts. Peut-être moins démonstrative que ses rivales d’alors comme la Kawasaki Z900, elle est capable de sacrées moyennes grâce à un bel équilibre entre moteur et partie-cycle et ce, quel que soit le terrain rencontré.

Une belle preuve de polyvalence qu’elle démontrera largement en compétition comme évoqué plus haut. Et puis, elle ajoute cette touche d’élégance toute particulière qui la met dans une classe à part. Effectivement et comme le dit Benoît en guise de conclusion: «Avec elle, les Samourais ont trouvé à qui parler!».