Le garage de Patrick Blondeel, situé dans une zone industrielle d’Ostende, ressemble à s’y méprendre à des dizaines d’autres concessions motos. Sauf que, en y regardant d’un peu plus près, on devine très vite qu’il y a ici plus de trésors que dans les péniches échouées au large du port…
En 1902, la première motocyclette est sortie des usines Triumph de Coventry. Cette «No 1» était essentiellement une bicyclette à puissance renforcée par un moteur Minerva 2.25. Depuis, Triumph s’est forgé une réputation légendaire et a contribué à l’histoire de la moto de manière considérable. Si la crise des années 70 et 80 faillit voir disparaître à jamais la marque, depuis plusieurs années, elle a effectué son retour au devant de la scène. Motos «passion» par excellence, les Triumph, et plus particulièrement la légendaire Bonneville, ont fait rêver des milliers de motards. C’est dans cet esprit que Patrick a réalisé un exercice de style particulièrement réussi.
Flat track
La base de cette moto est la Thruxton accidentée d’un client. «J’avais, déjà sur cette base, réalisé un café racer», explique Patrick Blondeel. «J’avais envie de m’attaquer à quelque chose de différent: un flat track. Un engin complètement dans l’esprit des courses qui se déroulent aux USA. J’ai démonté la moto entièrement, pour repartir de zéro. Niveau moteur, j’ai simplement adapté des carburateurs racing Keihin CR à boisseaux plats de 39mm.» Une ligne d’échappement Shark spéciale relevée avec DB Killer a été ajoutée tandis que la fourche a réclamé énormément de travail pour pouvoir accueillir une jante beaucoup plus large qu’à l’origine. Les jantes spéciales, des «Morad» espagnoles, ont d’ailleurs été rayonnées à Anvers par un spécialiste. Les freins, par contre, sont ceux d’origine de la Thruxton. Les pneus sont des Maxxis compétition et la selle, transformée et garnie chez Patrick, provient d’une Harley-Davidson 883 flat track. «Pour le reste, c’est beaucoup de temps et de patience. La peinture a été faite ici, au garage. Il aura fallu près d’une année pour la réaliser!» C’est une moto particulière est une carte de visite pour Patrick Blondeel. «Je la présente parfois dans quelques shows. Elle me permet de proposer des transformations pour mes clients. Mais elle est quand même à vendre.»
Minimum syndical
Bon, assez parlé, faisons rouler cette merveille. Patrick choisit un endroit désaffecté du port d’Ostende pour l’essai. D’après lui, le bruit de l’engin n’est pas très «social»! Par rapport à l’idée originale, et pour pouvoir rouler sur route, un disque avant ainsi qu’un petit phare ont été ajoutés. Le minimum syndical! La Triumph chauffe sur sa béquille dans un grondement sourd propre au twin de la marque mais avec un peu plus de voix. La selle basse et le petit cintre plat (identique à la Speed Triple) offrent une position de conduite sur l’avant qui incite à «l’attaque». Bien campée sur ses gros pneus, la moto se montre stable dès les plus basses vitesses, le gros 865cc gavé par les Keihin de 39mm ne demande qu’à partir dans les tours. Ce qu’il fait d’ailleurs avec beaucoup de force ; la traction est importante et la Triumph accélère très, très fort. La roue avant quitte le sol avec une évidente bonne volonté. Sûr qu’avec ce moulin et ses gommes tendres, elle est la reine des départs arrêtés… Les freins, quant à eux, font leur boulot, sans plus. Le seul disque avant se révèle d’ailleurs un poil «juste» pour stopper l’engin. Malgré un angle de chasse relativement ouvert, la moto est très maniable et la mise sur l’angle s’opère sans aucune difficulté. Il suffit de regarder sa trajectoire et la «Flat Track» s’y colle. Sur terre battue, les mises en travers se font naturellement et la patate du moteur permet de belles glisses.
Presque agréable
C’est un engin au potentiel bien présent que voilà. Évidemment, pas question de se mettre au tas avec une telle merveille. Notre essai ne peut pas se transformer en un torrent d’injures! Sur la route du retour, à un rythme plus tranquille, la Triumph est presque agréable. Presque, car la selle n’est pas faite pour «enquiller» un Paris-Marseille. Mais une balade sur des petites routes viroleuses n’est pas pour déranger la belle. Bref, une moto «plaisir» faite pour de courtes balades dopées à l’adrénaline! Un régal! De retour au garage, on découvre que notre homme n’en est pas à son coup d’essai. Entre les vieilles Bonnevilles, BSA Rocket, Triumph Trident de course, quelques (oui, quelques!) Honda 6 cylindres, quelques «K0» et autres Austin Healey. Ce bouclard regorge de trésors! Entre une balade sur le front de mer, une casserole de moules et quelques bières, ne ratez pas une visite chez le sorcier de la mer du Nord: Patrick Blondeel! Outre le prixd’achat de la moto, environ 7.000 euros de pièces se sont ajoutés sur l’engin, sans compter la main-d’œuvre. Patrick estime donc le prix de sa merveille aux alentours de 13.000 euros. Si vous êtes tenté… www.blondeel.be.
Le «Flat Track», c’est quoi?
Discipline atypique et presque exclusivement américaine, le flat track ce n’est pas compliqué! Vous prenez une moto, en général des bicylindres (beaucoup de H-D), des chevaux, du couple, pas de frein avant, un très gros cœur, vous mélangez le tout et le lancez à plus de 200km/h sur une piste en terre battue! Très impressionnant. Des amateurs? Ce type de course passionne des milliers de spectateurs aux USA. Dans le même ordre d’idée, vous trouvez aussi le grass track (sur gazon) et leur proche parent sur glace.
Un essai signé Thierry Dricot publié dans le Moto 80 n°774 de mai 2015.