Est-ce la moto qui fait l’homme ou l’homme la moto? Rouler au guidon d’une XT 500 dans les années 80 transformait son pilote en baroudeur explorateur d’horizons nouveaux. C’était la moto des héros!
Il y a de nouveau que ce qui a été oublié. Dire que Yamaha a inventé la moto de trail avec la XT 500 en 1976 serait aller un peu vite en besogne. En oubliant que les Anglais l’avaient déjà fait, notamment BSA avec la mythique 441, et que le chemin avait déjà été tracé dès la fin des années 60 avec la Yamaha 250 DTM sans oublier la XL Honda. Mais la XT500 a réinventé le trail car elle arrivait à une autre époque et surtout avec d’autres ambitions. D’abord elle a réhabilité la moto basique animée par un gros mono tout simple, ce, à une époque où il était très tendance de multiplier les cylindres comme les petits pains (CB350 Honda 4 cylindres) liés à des solutions techniques plus sophistiquées. Ensuite et peut-être surtout, car l’homme de ce milieu des seventies avait besoin de nouveaux terrains de jeux vierges car le goudron n’était plus un espace de liberté mais déjà de contraintes. La route n’était plus une aventure mais déjà une mésaventure avec les radars. Ce n’était pas encore le cas des chemins toujours libres surtout ceux inexplorés de certains rallyes africains qui commençaient à rencontrer un extraordinaire engouement. Conçu pour le marché américain, ce trail a rencontré un accueil inespéré en Europe en répondant au besoin d’aventure et de simplicité du motard d’alors.
C’est du propre!
S’assoir sur une XT 500, aujourd’hui, pousse à se pencher sur le moteur pour vérifier la taille du cylindre. Avec 139 kilos, cette 500 d’hier est plus légère et plus compacte qu’une bonne 125 d’aujourd’hui. C’est fou comme les motos et les autos ont grossi ces 30 dernières années! Le génie de la XT 500 était d’avoir réinventé les fondamentaux de la moto qu’avaient fait oublier les Japonais avec leurs commandes douces, le démarreur électrique et une relative propreté. La XT avait des commandes dures voire très dures, son fonctionnement était brutal et surtout son possesseur ne devait pas être propre sur lui. Sa moto se devait d’être maculée de boue, son Barbour de poussière, ses bottes de terre, son casque de zébrures de ronces. Il se devait de conserver cet habit de lumière pour aller boire un verre avec des potes ou des filles. Il signifiait qu’il n’était pas un simple aventurier des trottoirs mais un baroudeur du désert, un aventureux de la forêt, un type prêt à tout lâcher pour partir découvrir d’autres ailleurs. La planète était son quartier. La XT vendait le rêve et l’image qui allait avec.
Ensuite, c’était implicitement une moto d’homme à cause ou plutôt grâce à son fameux démarrage exigeant un jarret d’acier. Démarrer le gros mono d’une XT500 était le combat entre le bien et le mal, le jour contre la nuit, la force contre la faiblesse car il ne fallait pas se louper surtout sur les premiers modèles dépourvus de décompresseur. La démarrer était déjà une victoire contre elle mais surtout contre soi. Le pied percevait bien que ce gros satané piston fermé par deux grosses soupapes faisait de la résistance qui interdisait au sexe féminin cette exultation. Les rares femmes qui roulaient en XT 500 mettaient en route la machine à fantasmes qui sommeille en tout bon mâle !
Formidablement vivante
Le voyage se poursuivait dès que la moto s’animait. Si son gros mono 4 temps de 500cm3 au dessin moderne (un simple arbre à came en tête) ne délivrait que 32ch, son couple très costaud dès 5.500tr/min le rendait agressif. Sa violence on-off née de l’aller et retour du piston générait l’impression d’être tiré brusquement en avant plutôt que poussé alors qu’on aurait tendance à parler de coup de pied au cul. Le tout lié à un concert de vibrations et de cognements à bas régimes où il semblait qu’on pouvant compter les coups de pistons en les écoutant au sortir du pot d’échappement relevé. La XT avait une sacrée pêche d’autant qu’elle était montée plutôt court en se limitant à 130km/h. Mais sa formidable maniabilité nourrissait le sentiment de ne faire qu’un avec la moto qui était un prolongement de soi-même.
Beaucoup de XT 500 ont moins connu les chemins de terre que les trottoirs des villes qu’elles grimpaient goulûment en se déjouant des embouteillages. Ceux qui l’ont l’utilisée en tout chemins ont été séduits par ses aptitudes en dehors du macadam grâce à sa bonne garde au sol née en partie de son carter sec, sa prodigieuse maniabilité et surtout sa fameuse patate lui permettant de s’extirper des ornières d’un coup de gaz suivi d’un coup de rein en se cabrant parfois un peu trop généreusement. Sans être géniale, elle était plus à son aise que sur la route, victime de son freinage médiocre que le frein moteur violent n’arrivait pas à compenser et une position de conduite n’incitant pas à la vitesse. Vu l’éclairage, il était expressément déconseillé de la conduire la nuit si on voulait retrouver son chez-soi.
Paris-Dakar et autres rallyes-raids
Les nombreuses victoires de la XT 500 et ses dérivées en rallye-raids notamment celles du Paris-Dakar au début des années 80 lui forgèrent une image magique de motos des aventuriers. Même James Bond Roger Moore l’utilisa dans une poursuite mémorable dans le film «Rien que pour vos yeux». Face à l’engouement qu’elle suscita, inutile de dire que ses concurrents japonais dégainèrent vite. Honda rétorqua avec sa 500 XL qui reprenait l’esprit de la XT en plus raffiné et disons-le plus efficace en tout chemins tandis que Suzuki répondit avec sa 370 SP qui déçut à cause de ses 24ch suivis par une kyrielle de concurrentes dont BMW avec ses GS. Malgré leurs qualités, elles n’arrivèrent pas à détrôner l’hégémonie de la XT500 qui continuera sa vie de baroudeuse jusqu’en 1990 évoluant à dose homéopathique au plan de la mécanique mais pas au niveau du look pour marquer la différence tout en donnant le jour à des dérivées XT 600 et 660 qui perdurèrent largement après les années 2000. Les légendes ne meurent donc jamais !
Un sujet signé Patrice Vergès et publié dans le Moto 80 n°740.