BMW tire le premier cette année en nous présentant sa S 1000 RR qui n’en est pas moins qu’à sa 3e version depuis sa sortie en 2009! Un dynamisme devenu rare, voire unique, dans un segment en pleine perte de vitesse… Un comble vu la catégorie!
C’est donc en 2009 que BMW fait une entrée fracassante dans le monde des superbike en proposant une machine très aboutie et équipée de systèmes pratiquement inconnus jusqu’alors: traction control, quickshifter, race abs, châssis tranchant et une puissance qui fait encore référence: 193ch. Dès sa première année, l’engin gagne des championnats et le Japon tremble! En 2011, une mise à jour des composants moteurs (dans le but de fiabiliser le bloc), un lissage des réactions du traction control et un léger facelift seront appliqués dans le but de garder la S 1000 RR à son top niveau. Puis vint 2012 ou BMW innova de manière spectaculaire avec sa version HP4, la première moto de série munie de suspensions pilotées en temps réel! Le tout rehaussé d'une électronique peaufinée, d'une ligne complète en titane et d'une pluie de pièces façonnées dans les matériaux les plus nobles. Mais nous sommes aujourd’hui en 2014, sur le circuit de Monteblanco (à 40km de Séville), où toute l’équipe de développement de la S 1000 RR 2015 nous accueille. Si la ligne générale a été conservée, à bien y regarder, tout est différent! D’ailleurs le «project manager» insiste fortement sur cet aspect: ce nouveau modèle n’est pas une simple évolution mais bel et bien un modèle repensé de A à Z!
Plus puissante
Selon moi, le châssis est la clef de ce nouveau modèle dont le challenge consistait à gagner en maniabilité tout en augmentant la motricité. Pour y parvenir, les ingénieurs ont travaillé sur la géométrie et le centrage des masses. Pour faire simple, le châssis double poutre en alu a été entièrement revu avec un poids en baisse et une rigidité optimisée. L’angle de chasse a été réduit et le bras oscillant s’est vu légèrement rallongé pour palier le manque de stabilité induit par le nouvel angle de chasse. La nouvelle ligne d’échappement étant dénuée de catalyseur sous le moteur, l’axe du bras oscillant a été légèrement descendu dans le but d’augmenter la motricité. Le tarage des ressorts a été revu à la hausse, tant à l’avant qu’à l’arrière, de même que la précharge des ressorts. En résulte une hausse de 4mm de la masse suspendue tout en travaillant sur le châssis arrière pour obtenir une assise plus basse qu’auparavant. La nouvelle géométrie permet désormais des prises d’angles supérieures qui ont nécessité de relever les platines de repose-pieds de quelques millimètres afin de gagner en garde au sol. De son côté, le nouveau bloc gagne 6ch. Grâce à une culasse inédite dont les angles de conduits d’admission et d’échappement ont été modifiés mais aussi un nouvel arbre à cames d’admission, des soupapes d’admission plus légères, une boite à air plus volumineuse et des cornets d’admissions plus courts! La ligne d’échappement a perdu pas moins de 3kg et le tout est à présent géré par une centrale avec poignée de gaz de type «drive by wire» qui permet d’augmenter puissance et couple dès 5.000tr/min tout en diminuant légèrement la consommation.
Nouvelle révolution
De base, on retrouve les éléments habituels d’amortissement avant et arrière qui restent réglables «dans tous les sens» et dont le tarage des ressorts a été revu à la hausse. On se rappelle que le modèle précédent était franchement trop souple… Important: la mise en production de la version 2015 va de pair avec la disparition du modèle HP4 dont le système d’amortissement piloté en temps réel DDC (Dynamic Damping Control) se retrouve en option sur la S 1000 RR 2015. Les amateurs pourront donc retenir cette option sans pour autant avoir l’obligation de payer tout l’attirail de pièces élitistes et onéreuses du modèle HP4. En outre, le DDC est calibré de manière différente en fonction du mode de conduite sélectionné (Rain ou Sport ou Race ou Slick) et bénéficie d’une grosse mise à jour de son logiciel de gestion. Également au rayon des options: le quickshifter HP Pro. Mais celui-ci représente une innovation majeure pour un modèle de série. Depuis quelques années, le quickshifter a fait son apparition sur plusieurs modèles de série et permet de monter les vitesses à la volée, sans devoir débrayer. Un capteur est disposé sur la tige de sélection et quand ce dernier détecte une pression exercée par le pied sur le sélecteur, il entraîne une microcoupure d’allumage (+/- 70 à 90 millisecondes) qui permet à la vitesse de passer sans action sur le levier d’embrayage. Très efficace et clairement orienté pour une utilisation «circuit», cet artifice est devenu incontournable pour aller chercher le dernier dixième sur piste. Par contre, pour descendre les vitesses, il était toujours nécessaire d’user de son levier d’embrayage/débrayage tout en ayant le besoin de gérer le frein moteur et la poignée de gaz pour rétrograder au mieux! Tout ça est fini avec le Quickshifter Pro de BMW qui gère l’ensemble à votre place! Votre levier d’embrayage vous servira désormais à passer la première vitesse au démarrage et le point mort à votre prochain arrêt! Vous pourrez entièrement vous concentrer sur votre freinage et votre point de corde sans vous soucier d’un rétrogradage qui ne nécessite plus qu’une action sur votre sélecteur de vitesses. Le capteur de pression effectue le même travail que pour la montée des rapports et le système électronique s’occupe de gérer le frein moteur tout en vous gratifiant d’un léger coup de gaz bienvenu dans cette situation. Un vrai bonheur…
Départ contrôlé
L’électronique est un vaste sujet tant BMW innove en la matière. Néanmoins, la grande majorité des systèmes disponibles sont optionnels. Hors options, vous trouvez un traction control basique de même que l’ABS et la sélection possible de 3 modes de conduite (Rain, Sport et Race). Avec l’option de «modes de pilotage Pro», vous recevez 2 possibilités supplémentaires, dont le mode Slick et le mode User qui donne une totale liberté de paramétrage concernant l’arrivée de la puissance, la réaction des suspensions (si vous avez pris l’option DDC), de l’ABS et du traction control qui vous est livré dans sa version la plus évoluée avec un capteur d’angle et la possibilité de le gérer sur 14 positions de sensibilité disponibles via le commodo gauche. Concernant le capteur d’angle, ce dernier calcule les degrés pris pour libérer (ou castrer) la puissance disponible alors que ces mêmes valeurs d’angles vous sont restituées sur le compteur central en temps réel. Aussi innovant qu’inutile, la BMW S 1000 RR devient aussi la première sportive à recevoir un régulateur de vitesse électronique sensé vous permettre de plus facilement respecter les limitations de vitesse. Assez comique, quand on sait qu’il est possible de largement dépasser les limitations de vitesse sur autoroutes belges en… 1re vitesse! Dans la gamme des accessoires pas vraiment indispensables sur ce style de machine, vous avez aussi les poignées chauffantes qui peuvent néanmoins se révéler très agréables quand les températures baissent! Pour le pistard en herbe ou chevronné, BMW a encore une bonne nouvelle supplémentaire puisque le boitier racing «kit» n’est plus nécessaire. L’ECU d’origine est basé sur celui de la HP4 et contient le logiciel racing de circonstance. Pour terminer sur une note «compétition», l’option modes de pilotage pro vous donne accès à un pit-lane limiter (paramétré sur 55km/h) et un Launch Control qui vous permettra d’effectuer des départs de course tonitruants tout en vous évitant d’éventuels wheeling et/ou pertes d’adhérence! Avec la S 1000 RR, vous êtes sur une moto homologuée qui a reçu le kit complet de course au plus haut niveau!
Rythme infernal
Les S 1000 RR alignées devant nous dans la pitlane du Circuit de Monteblanco sont toutes «full options»! Tout y est, sans exception, et le staff arpente le circuit depuis plusieurs jours pour que nous disposions de machines parfaitement mises au point pour ce tracé particulièrement physique! Je me familiarise rapidement avec la prise en main électronique de l’engin et de ses très/trop nombreuses possibilités de réglages. Très vite, je décide de tout simplement oublier les modes Rain et Sport qui, je l’estime, ne sont d’aucun intérêt sur circuit alors que mon but est d’essayer de pouvoir évaluer les progrès effectués par rapport aux versions précédentes. J’ai de suite trouvé les lièvres parfaits que sont les pilotes d’essais BMW! Le gros avantage de la bavaroise est d’être une bonne copine que vous avez l’impression de connaître depuis toujours. Après le premier tour, je peux oublier la moto pour me concentrer sur le circuit, les trajectoires et la boite de vitesses! Le fait de ne plus devoir débrayer pour rétrograder reste ma principale difficulté. Je dois m’habituer à rentrer sur les freins tardivement, sans me soucier des vitesses, et c’est seulement quand la décélération est suffisante que je dois rétrograder de 1 à 3 rapports sans débrayer avant de rentrer dans la courbe. Déconcertant mais de plus en plus efficace au fur et à mesure des tours effectués! La puissance est bien au rendez-vous comme toujours chez BMW et, en fin de matinée après trois runs effectués sur des Pirelli route/piste Diablo Supercorsa SP, le témoin de traction control s’actionne sans cesse et le système rattrape de nombreuses glissades de l’arrière qui commencent à faire franchement peur.
Le temps des slicks
C’est déjà l’heure du lunch et, surtout, du montage de slicks Pirelli superbike! La moto est à présent en mode «user» spécialement paramétré pour ce tracé par les pilotes de l’équipe de développement. Le rythme augmente et il est difficile de trouver des défauts de comportement à cette machine redoutable d’efficacité. L’idéal aurait été de pouvoir rouler sur la version précédente, puis sur la 2015, afin d’évaluer minutieusement les progrès. Mais ceux-ci sont évidents tant la S 1000 RR a gagné en agilité dans les parties sinueuses. Les 6ch de plus et les 4kg de moins sont impossibles à ressentir tant le modèle précédent était déjà performant. Mais l’efficacité globale est bluffante et même… effrayante. Je découvre une moto et un circuit depuis un peu moins de 100 minutes et voilà que je titille déjà les limites des pneus dans un rythme d’enfer. Seule une machine très bien née permet ce genre d’exercice et j’ose à peine imaginer ses performances avec une légère préparation piste, sans les éléments d’homologation. D’évidence, 2015 sera un grand millésimé pour la Bayerische Motoren Werke qui n’en finit pas d’innover et d’étonner, là où personne ne les attendait il n’y a pas si longtemps!
Un essai signé Arnaud Brochier et publié dans le Moto 80 n°768 de novembre 2014.