Une irrésistible envie de vous démarquer vient de s’emparer de vous? Alors, pourquoi ne pas jeter un coup d’œil ailleurs que chez les grandes enseignes, histoire de découvrir des propositions décalées pour rouler «différent»?
Il en va des motocyclettes comme des pièces de théâtre. Vous connaissez tous Broadway, ses comédies musicales et ses revues? Des machines de guerre bien huilées, drainant un large public avec des spectacles faisant consensus. À côté de ces géants ont éclos des productions théâtrales moins commerciales, baptisées Off-Broadway, voire même Off-Off-Broadway pour les plus expérimentales.
Il en va de même pour la moto: à côté de la production des quatre grands japonais, d’Harley-Davidson, Triumph, BMW, Ducati ou KTM, de nombreux constructeurs plus petits proposent des alternatives souvent attractives, décalées… et surtout exclusives dans tous les cas, au vu du nombre de machines immatriculées.
Pour vous donner une idée, quand BMW, Yamaha ou Honda prennent chacun à leur compte entre 10% et 13% de notre marché, Benelli et Mash représentent aujourd’hui, respectivement, environ 0,6% et 1%! On ne joue pas dans la même cour…
Sur les réseaux sociaux, notre patron a coutume de légender ses photos splendides, prises dans les endroits les plus luxueux et magiques du monde, d’un #vismaviedejournaleux. Grâce à lui, vous le savez, nous vivons un métier de rêve qui consiste à enfourcher toutes les motos imaginables, des plus populaires aux plus prestigieuses ; de quoi mesurer que l’agrément ne se mesure pas au prix ou à la puissance, et que «less» est souvent «more».
J’avoue personnellement une faiblesse pour les petites machines, légères et amusantes, comme celles qui nous occupent aujourd’hui. Dans nos rêves les plus fous, nous espérions vous proposer un «big» comparo, genre quatre motos bien sympa qu’on ne croise pas à tous les coins de rue. Mais voilà, #vismaviedejournaleux, c’est aussi jongler avec les disponibilités des parcs presse, leur réactivité, ou leur complète indifférence.
Nous espérions une SWM Gran Milano Outlaw, elle est arrivée à la place d’une autre, au mauvais moment, vous aurez lu son essai dans notre numéro de novembre. Personnellement, je rêvais d’une Fantic Caballero qui m’excite furieusement la rétine. Las, l’importateur, ou ce qui en tient lieu, n’a jamais jugé utile de nous répondre!
Et enfin, parfois, les photos ne sont pas si ensoleillées que ça, comme vous le découvrez dans cet article! Nous avons même dû, afin de ne pas terminer la journée définitivement noyés, nous replier au fond d’un parking souterrain. Souterrain qui, d’ailleurs, prenait l’eau… Bref, #vismaviedejournaleux….
Who’s who
Tumultueuse. Voici comment résumer en un mot l’histoire de Benelli, cette marque italienne pourtant ancienne puisque fondée en 1911 par une veuve, Teresa Benelli, et ses six fils! Benelli se distingua dans le passé par de beaux résultats en compétition et par des modèles spectaculaires comme la fameuse 750 Sei à six cylindres, née sous l’ère d’Alejandro de Tomaso (oui, les voitures…) dans les années 70. Laissée pour morte dans les années 90, la marque se voit relancée en 2003 avec les fameuses Tornado, ce qui ne l’empêchera pas de passer sous le giron du constructeur chinois Qianjiang (Keeway) en 2005.
La gamme, bien moins ambitieuse aujourd’hui, court de 125cc à 500cc avec, sans doute en point d’orgue, la Leoncino qui se démarque par son style très personnel, une empirique allusion à un passé lointain, la Leoncino 125 de 1956. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain: contrairement à d’autres produits de la marque fort inspirés de ce qui se fait ailleurs, la Leoncino possède une personnalité propre et ne manquant nullement d’originalité.
La variante «Trail» qui nous occupe se différencie toutefois de la Leoncino uniquement par quelques détails, comme les roues à rayons avec à l’avant une jante de 19 pouces, des étriers de frein avant plus modestes, des débattements de suspension légèrement augmentés, une selle plus haute au garnissage spécifique… et «basta cosi»! Pour le reste, elle a gardé le bouilleur bicylindre partagé avec les trails TRK 502 et son cadre tubulaire en acier avec l’amortisseur fixé latéralement.
Fondée en France par la SIMA, un important acteur du marché français, Mash propose depuis sa création de sympathiques petites machines au style rétro assumé et au prix habituellement particulièrement attractif. Après avoir débuté sur le marché des 125cc, la gamme s’est étoffée pour monter en puissance avec l’apparition de cylindrées plus conséquentes comme les 250cc et les 400cc.
La Dirt 6.5 marque la première incursion de Mash dans le segment de plus de 400cc et ne devrait pas tarder, en toute logique, à se voir déclinée en plusieurs variantes. Il faut admettre que les gars de chez Mash savent y faire pour donner de la gueule à leurs produits. Pour rappel, les Mash sont imaginées en France, au sein même de la SIMA, qui en connaît un bout en matière de motocyclettes.
Une fois le prototype abouti et validé, il s’embarque pour la Chine où s’élabore la production, avant de retraverser les océans pour débarquer chez nous. Mash explore depuis 2012 le créneau «vintage» sous toutes ses facettes et le style Dirt Track, délicieusement américain, se déclinait déjà en 50cc, 125cc et 250cc.
Pour la 6.5, il a fallu trouver un nouveau moteur et le choix s’est porté sur un monocylindre refroidi par air et huile de 644cc, un bloc dont les origines remontent à la Honda XR600R, avant d’avoir été aussi utilisé sur les Dominator et puis les 650 SLR! Ce moteur est fabriqué par Shineray, partenaire de la SIMA, et bénéficie, contrairement à l’époque de la XR, d’un démarreur électrique et d’une injection Delphi.
Tour du propriétaire
À l’examen statique, la Benelli impressionne et fait aisément oublier ses origines chinoises par une qualité de fabrication proche des standards japonais. L’équipement, soigné, comporte des feux full LEDs, des roues rayonnées montées en Metzeler Tourance, un joli petit tableau de bord avec compteur, compte-tours, vitesse engagée, jauge à essence, horloge, température moteur et ambiante, un guidon à diamètre différencié, un levier de frein réglable, un warning, un échappement inox plutôt stylé, un bras oscillant tubulaire joliment dessiné, un amortisseur latéral avec mollette de réglage directement accessible.
Bref, du bel ouvrage, mais fallait-il vraiment affubler le garde-boue avant de ce lionceau (Leoncino en italien), kitchissime au possible?
Face à l’italo-chinoise, la franco-chinoise, la Mash 6.5. Et ici, le made in China passe un peu moins bien. Rien à dire sur les roues, tout simplement splendides en aluminium poli, avec les Kenda au dessin évocateur de pistes ovales cendrées et un bon point aussi pour la plaque numéro qui intègre le petit phare lenticulaire.
La selle, avec son petit dosseret qui vient épouser le feu rouge minimaliste, c’est tout bon également, comme d’ailleurs le guidon, très «flat track» auquel on ne reprochera qu’un diamètre un peu faiblard, ou les rétroviseurs, minuscules mais racés. Un bon point encore pour les magnifiques leviers usinés, mais hélas pas réglables. Le garde-boue avant, insignifiant, se voit joliment fixé, contrairement au support de plaque, carrément agricole dans sa réalisation.
L’échappement ne vaut guère mieux: peu esthétique et sommairement réalisé, comme souvent chez Mash, alors qu’on aurait aimé voir un élément relevé plus dans l’esprit dirt track. Les clignotants, pas vilains en soi, font malgré tout assez cheap, surtout au niveau de leur fixation. Sous le regard, un té de fourche sans raffinement et un tableau de bord… comment dire?
Sachez simplement que toutes les informations, pas nombreuses au demeurant (compteur, compte-tours, trip et jauge), tiennent sur un pavé à cristaux liquides de 6 centimètres sur 2,5! J’imagine qu’il a été gracieusement offert à Mash par la fédération des opticiens…
La Mash ne tient donc clairement pas la comparaison face à la Benelli pour la finition mais elle se venge par sa plastique irrésistible. Si la Leoncino laisse perplexe, certains adhérant à son style original, d’autres restant hésitants voire carrément réfractaires à son habillage, la Mash séduit immédiatement et ne donne qu’une envie, celle de l’enfourcher!
Concurrentes?
Et là, surprise! Si la moto ne se révèle pas grosse, une qualité en soi, le guidon, trop bas et tombant aux extrémités, n’assure pas la position la plus naturelle qui soit. Heureusement, la hauteur de selle de 780mm la met à la portée du plus grand nombre. Sensations radicalement différentes au guidon de la Leoncino, avec une selle 35mm plus haute, un guidon vous positionnant le buste droit comme un «i», un guidon tellement peu cintré qu’il vous casserait presque les poignets.
Si la Mash cube 644cc et la Leoncino Trail 500cc, il s’agit pour la première d’un vieux gromono refroidi par air et huile remis au goût du jour alors que la seconde se revendique d’un très contemporain twin vertical face à la route, avec tout ce qu’il faut de modernité, comme la distribution par double arbre à cames en tête et refroidissement liquide. Inutile de préciser combien leurs comportements diffèrent.
Le twin de la Leoncino s’ébroue gentiment dès la première sollicitation, distillant par son caractère accommodant une sensation de facilité idéale en ville. D’une souplesse exemplaire, il enroule gentiment sur le dernier rapport (il y en a six, contrairement à la Mash qui n’en compte que cinq) quasiment depuis le ralenti, soit environ 40km/h. Sorti de la ville, le twin pousse sans faiblir sur toute la plage de régime, sans folie non plus, ce n’est fatalement pas l’esprit. Il ronfle par contre joyeusement, avec une bande son qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain flat twin teuton.
Rien à dire sur la boîte, précise et onctueuse, le bilan mécanique de cette italo-chinoise (sino-italienne) reste donc des plus probants. Côté châssis, les débattements de suspension ne font guère honneur au patronyme «Trail» accolé à cette version plus baroudeuse de la Leoncino: 135mm pour l’avant au lieu de 125mm et seulement 60mm pour l’arrière… Acceptable pour la route ou les pistes bien praticables.
Mais pour le franchissement et les figures, oubliez tout de suite, d’autant qu’aucune protection ne vient abriter les tubes d’échappement ou la durite du radiateur. Ceci dit, même sur route, la Trail ne brille pas par un confort éblouissant: les suspensions sont tarées plutôt ferme, gage par contre d’un comportement plaisant, naturel et facile à appréhender. Ici encore, le contrat est rempli!
Le freinage convainc. S’il abandonne le montage radial de la Leoncino pour l’équipage de la TRK 502, il y a toujours quatre pistons qui suffisent à l’affaire, offrant un raisonnable mordant initial et la facilité de dosage qui suit. Rien d’exceptionnel, mais correct. Au fait, l’ABS est débrayable, comme sur la Mash.
Cette dernière donne immédiatement le ton avec un démarrage plus laborieux du moteur à la sollicitation du bouton de démarreur, un moteur monocylindre à l’ancienne, rocailleux et râpeux face au twin de la Benelli, mais sacrément attachant malgré tout. En fait, c’est toute la moto qui est attachante, par sa gueule, son poids, son gabarit et sa hauteur de selle, son côté conduite vintage sur le gras du couple. On finit par s’habituer au dessin de son guidon et on s’y sent bien pour musarder.
Les suspensions avouent assez vite leurs limites sur les routes pavées, les freins font ce qu’ils peuvent, la conduite à haute vitesse laisse une sensation de flottement… Il n’empêche, cette Mash reste séduisante à l’usage tant elle se montre légère, facile et prévisible. Mais voilà, est-ce suffisant?
Conclusion
Faisons les comptes. La Benelli se révèle objectivement meilleure en tout. Plus performante, elle dépose la Mash dans tous les cas de figure, offre un moteur plus rond et facile à exploiter, un comportement plus rigoureux et efficace, elle freine mieux que la Mash et distille un meilleur confort.
La finition de la sino-italienne est sans commune mesure avec celle de la sino-française. La marque Benelli, même passée sous le giron chinois, renvoie à un passé prestigieux et plus que centenaire. Et si le prix de 6.499€ joue en sa défaveur, rappelons que la Leoncino de base, avec sa selle plus basse, ses roues à bâtons et ses freins radiaux est proposée à 5.999€, soit à peine 100€ de plus que la Mash, pour une moto qui peut servir au quotidien comme unique moto!
Que reste-t-il alors à la Mash? Sa gueule d’amour et un vrai coup de cœur pour une machine à l’ancienne, rustique et brute de fonderie: un vent de fraîcheur idéal pour une deuxième moto… Ah, si les Japonais pouvaient nous ressortir ce genre d’engin, avec leur niveau de qualité…
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L’avis de Julien, secrétaire de rédaction
Toujours prêt à rendre service, j’ai répondu avec plaisir à l’invitation de mon collègue Bruno. Aller jouer dans la boue, ça ne se refuse pas! D’une manière générale, nous privilégions toujours les photos statiques et de détails en premier. Tout d’abord parce que des motos propres c’est quand même mieux et puis, en cas de pépin lors du roulage… nous avons au moins de quoi sauver les meubles pour la mise en page! Et au vu des conditions rencontrées lors de ce shooting, notre démarche n’avait rien d’idiot.
Première à être passée entre mes mains, la Benelli Leoncino Trail fut une très bonne surprise. Par son moteur tout d’abord. Volontaire, doux et facile, ce petit bicylindre est clairement une réussite. Bien sûr, la puissance n’a rien de démesuré, mais est-ce vraiment un problème? En ce qui me concerne, absolument pas! Pour le reste, cette Leoncino Trail s’est montrée très agréable et facile à l’usage. Bien équipée, bonne freineuse et relativement polyvalente, qui plus est avec un tarif séduisant, ce petit lionceau «tous chemins» à vraiment tout pour plaire. Enfin, tout… sauf son design! Surtout face à sa concurrente du jour!
Tendrement rétro, la Mash nous renvoie immanquablement dans un passé pas si lointain. Clairement moins bien équipée et embarquant un monocylindre bien plus capricieux et moins performant, cette Mash a pourtant su me séduire. Choix étrange peut-être, mais justifié par le fait qu’elle représente une proposition vraiment unique sur le marché!
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BENELLI LEONCINO TRAIL
Les up
– Agrément du twin
– Comportement efficace
– Style personnel
Les down
– Plus-value de la version Trail contestable
– Italienne plus tout à fait italienne
– Style discutable
Prix de base: 6.499€
Prix de la moto essayée: 6.499€
Consommation: non mesurée
MASH DIRT 6.5
Les up
– Gueule d’amour
– Rusticité bienvenue
– Comportement amusant
Les down
– Prix élevé
– Finition très chinoise
– Absence d’image
Prix de base : 5.899€
Prix de la moto essayée: 5.899€
Consommation: non mesurée