Comparatif BMW K 1600 GTL – Honda GL 1800 Goldwing

Essais Motos Christophe Jardon
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La musique est celle qui s’échappe des installations radio. La mélodie est celle produite par les moteurs six cylindres. Les motos dotées d’un équipement audio sont plutôt rares. Celles qui sont motorisées par un six cylindres sont exceptionnelles, à l’image des BMW K 1600 GTL et Honda Goldwing.

On ne vas pas refaire l’historique des motos à six cylindres. Il y en a eu et il y en aura (sans doute) encore. Aujourd’hui, la plus connue est la célèbre Honda Goldwing, qui opta pour ce type de motorisation en 1987. Le premier constructeur mondial affiche une certaine maîtrise dans le domaine. Mais il n’est pas le seul. Chez BMW aussi, on sait faire des six cylindres, même si ceux-ci étaient jusque-là réservés aux voitures de la marque. Il aura fallu attendre plus de 70 ans pour que la marque allemande décline son «6 en ligne» en version deux-roues. Il est ici en configuration grand tourisme dans une GTL, mais la GT est également disponible, alors que d’autres déclinaisons pourraient faire leur apparition.

Chez Honda, on voit mal le bloc six cylindres à plat opposés motoriser d’autres modèles, preuve que la Goldwing est une moto unique, à part. Mais aussi que sa conception et son encombrement n’offrent pas beaucoup de liberté aux concepteurs et ingénieurs japonais.

Cela dit, de telles mécaniques sont taillées pour le tourisme plus que pour autre chose. Elles s’accommodent parfaitement d’un carénage enveloppant, d’un large pare-brise, des valises latérales intégrées et d’un énorme top-case transformé en dossier pour passager.
 

Technique

Des cylindres en ligne sur la GTL, à plat opposés sur la GL. Voilà une première différence importante. L’autre est de taille! Le moteur BMW est un exemple de compacité : 560mm de largeur et un poids de 102,6kg. Ce n’est pas rien, mais c’est beaucoup moins que la Honda, même si cette dernière cube plus que l’Allemande (1.832cc contre 1.642cc). Entre les deux, il y a également une décennie de recherche, de développement, notamment au niveau de la gestion électronique des moteurs. La BMW propose trois modes de conduite (rain, road, dynamic), ce qui n’est pas superflu compte tenu de ses performances. Avec une puissance de 160ch, un couple de 167Nm (dont plus de 70% sont disponibles dès 1.500tr/min) et une vivacité digne d’une sportive, on ne refuse pas un petit coup de pouce électronique. C’est même difficile de faire autrement tant l’électronique est présente à tous les niveaux sur la K 1600. En tout, ce sont 14 boîtiers électroniques qui gèrent les différents paramètres, du système antipatinage aux réglages des suspensions en passant par l’ABS ou l’alarme antivol et son verrouillage centralisé, sans oublier le réglage des poignées chauffantes, les différentes informations proposées par le tableau de bord et son écran TFT, le pare-brise électrique ou l’éclairage adaptatif.

Il y a de quoi se perdre dans les possibilités de réglages, mais avec un peu d’habitude, tout se révèle assez intuitif, notamment grâce au «multi-contrôleur» situé sur la poignée gauche qui permet de naviguer à travers les différents menus et de «cliquer» en toute sécurité sans lâcher le guidon des mains. Grâce à ce système de commande intégré, la BMW semblerait presque moins bien équipée que la Honda et ses imposants panneaux de réglage. Un coup d’œil sur le commodos gauche suffit pour prendre conscience des progrès réalisés en matière de simplification des commandes. Ici, il y a un bouton pour augmenter le volume de la radio, un autre pour le diminuer, encore un autre pour modifier la fréquence etc. Du coup, il y a un nombre impressionnant de boutons, car la Goldwing n’est pas en reste côté équipement. Sa suspension dispose d’un réglage électronique de la précontrainte de l’amortisseur arrière (avec mémoire), cruise control, poignées et selles chauffantes, ABS combiné, système de navigation intégré, commande des gaz électrique… Les similitudes avec la BMW sont nombreuses, sauf au niveau des aspects sécurités. Plus nombreux et plus actifs sur la GTL, ils sont plus passifs sur la GL, qui dispose quand même d’un airbag, une première sur une moto. Et pour faciliter les manœuvres à l’arrêt (417kg tous pleins faits!), elle peut compter sur sa marche arrière électrique.
 

Comportement moteur

Qu’ils soient en ligne ou opposés, six cylindres, c’est d’abord un réel bonheur auditif. Une symphonie en six majeurs! Elle émane de deux longs silencieux disposés de part et d’autre de chaque machine. Sonorité plus discrète et plus douce sur la Honda alors que la BMW préfère se faire remarquer. Elle est plus vive et plus virile. Plus jeune aussi.

A moins d’être sourd ou insensible aux mélodies mécaniques, on tombe directement sous le charme de ces moteurs. Ils sont pourtant assez différents, mais s’accordent chacun à merveille avec la partie cycle dans laquelle ils sont installés.

Six cylindres, c’est ensuite une souplesse et un «velouté» hors du commun. Une main de fer dans un gant de velours… L’expression correspond à merveille à ces moteurs, mais elle mériterait d’être nuancée. On pourrait presque parler de «main de titane» contre «main de fonte» tant le moteur allemand se montre vif, léger et dénué d’inertie face à la mécanique plus lourde et plus lente de la Japonaise.

Cela se traduit par des performances plus élevées sur la BMW, voire carrément sportive, et pas besoin pour cela de passer en mode «Dynamic». Ce moteur rageur donne envie d’en profiter, de jouer avec ses montées en régime exaltantes, son couple gargantuesque, sa puissance virile et l’étendue de sa plage d’utilisation. Un comportement qui tranche presque avec la vocation touring de la GTL. Les Allemands auraient-ils été trop loin dans leur recherche de la performance? On pourrait le croire, mais rien n’oblige le pilote à cravacher la mécanique. Celle-ci se révèle tout aussi plaisante en mode «pépère», si bien qu’on ne regrette qu’une chose: que les Allemands aient attendu si longtemps pour produire leur premier six cylindres pour deux-roues. Deux petits bémols néanmoins: une boîte de vitesses lente et trop peu discrète ainsi qu’un fort dégagement de chaleur au niveau du pied gauche…

La boîte de la GL 1800 ne fait pas mieux. Mais son comportement désuet dérange moins que sur la BMW, tout simplement parce qu’il correspond à l’image véhiculée par la Goldwing. Personne ne songerait à passer les rapports à la volée avec la Honda, alors qu’on pourrait imaginer le faire sur la BMW. Près de 120ch (119 pour être exact) et 167Nm de couple, c’est surtout côté puissance que la GL marque le pas, mais aussi au niveau des régimes moteur. La puissance max de la BMW est atteinte à 7.750 tours, celle de la Honda l’est à 5.500 tours. L’Allemande enfonce le clou à haut régime, sans toutefois laisser sa rivale sur place. Moins sportif dans l’âme, le moteur à cylindres opposés de la 1800 se savoure différemment, en abusant de sa rondeur et de sa force à bas régime, un cigare aux lèvres…
 

Comportement routier

Gérald Wéry, de l’émission Automobile (RTBF) n’est pas un «petit gaillard». Quand il est au guidon de la Goldwing, j’ai pourtant l’impression de le regarder de haut depuis le poste de pilotage de la BMW. La K 1600 est non seulement plus haute (avec l’option selle haute à 780mm contre 740mm sur la Honda), mais elle installe surtout son pilote dans une position plus élevée et légèrement penchée vers l’avant. Une position «classique», avec des jambes pas trop pliées et un guidon pas trop près du corps. C’est quasi l’inverse sur la GL. La selle est plus large, la position générale très droite et assez centrée. Des positions opposées qui soulignent des philosophies bien différentes. Une conduite active pour la BMW, plus passive sur la Honda, mais un important dénominateur commun: un confort royal. Avant d’en profiter, il faut s’élancer, et parfois opérer quelques manœuvres «à l’arrêt». Avec plus de 400kg pour la Honda et près de 350 pour la BMW, ce genre d’exercice peut rapidement se transformer en punition.

Malgré les apparences et les données techniques, la Honda se révèle plus facile à manœuvrer. Grâce à sa marche arrière électrique, bien utile dans de nombreuses situations, mais aussi à son centre de gravité placé plus bas. L’équilibre est encore plus direct que sur la BMW, et la sensation de maîtrise plus grande, ce qui favorise la confiance.

On parle ici de «légères nuances» tant ces vaisseaux de la route sont des exemples d’équilibre et de stabilité dès les plus basses vitesses. On est rapidement à l’aise aussi sur la BMW, d’autant que sa longueur moins imposante lui permet d’oser des demi-tours faciles là où la Honda préfère chercher une «aire de manoeuvre». La K 1600 permet d’improviser à tout moment, alors que la GL 1800 préfère les programmes bien établis à l’avance. C’est aussi (et surtout) le cas dans les virages ou les successions de courbes. La BMW y brille grâce à son agilité, à sa précision et à ses vraies capacités dynamiques. On n’a jamais l’impression d’avoir six cylindres et 350kg entre les jambes. L’excellent travail des suspensions et des freins n’est pas étranger à ce constat, mais on est surtout bluffé par l’équilibre, la stabilité et la maniabilité de cette 1600. En mode moteur «dynamic» et en suspensions «sport», la GTL se comporte comme une vraie sportive, prête à défier des machines bien plus légères.

N’en demandez pas tant à la Goldwing. Elle est stable, elle tient bien la route et se «balance» avec aisance, mais sans atteindre le niveau de sa cousine allemande. La garde au sol limite les ardeurs dans les courbes, mais c’est surtout le manque de réactivité qui frappe par rapport à la BMW. Il faut décomposer les mouvements, et composer avec un train avant qui a tendance à élargir les trajectoires en fin de virage. Ce train avant souffre également d’une suspension moins performante que la BMW, en lecture de la route, mais également en confort.
 

Confort

Pour des grandes voyageuses comme la GTL et la Goldwing, le confort revêt une importance primordiale. Ces machines sont taillées pour les longues distances dans les meilleures conditions. L’une comme l’autre accomplit sa mission avec brio, mais aussi avec de petites lacunes. Sur la Honda, on pense principalement à des suspensions (surtout la fourche) inférieures à la BMW, mais aussi à une position unique, certes très confortable, mais qui limite les libertés de mouvement et qui peut créer quelques douleurs dorsales. La protection aérodynamique est exemplaire, même s’il faut régler la hauteur du pare-brise manuellement.

Sur la BMW, ce réglage est géré par l’électronique, ce qui n’empêche pas la K-GTL de se montrer plus perfectible en termes d’aérodynamisme. On éprouve beaucoup de mal à trouver la position qui met à l’abri des remous sans subir une importante pression dans le dos. La mécanique allemande dégage également une chaleur importante au niveau du pied gauche.

Sur les grands axes type autoroute, la Honda, plus longue et plus stable, prend un petit avantage, mais dès que le revêtement se dégrade, celle qu’on qualifiait à sa sortie de «tapis volant» doit s’avouer vaincue par la haute technologie germanique. Les suspensions ESA Duolever et Paralever font merveille dans toutes les situations. Confort, efficacité et simplicité sont les ingrédients de cette recette magique. Elles se chargent du confort haut de gamme et de la tenue de route irréprochable. On voit mal ce qu’on pourrait leur demander de plus. A la Honda, on réclamera surtout une fourche «nouvelle génération» qui gomme moins sèchement les irrégularités de la route.

Finances et consommation

Il n’y a pas de miracle : six cylindres, ça s’alimente. Et des grandes voyageuses aussi lourdes, encombrantes et performantes, ça boit plus qu’une mobylette.  Les chiffres de consommation de ces vaisseaux de la route sont donc relativement élevés. Malgré sa puissance supérieure, la BMW (+/- 7,5l/100km) se montre légèrement plus sobre que la Honda (+/- 8,5l/100km), profitant de sa technologie plus moderne et de la maîtrise du constructeur allemand dans le domaine. Son réservoir légèrement plus grand (26,5l contre 25l) lui offre une plus grande autonomie (+/- 350km).

En termes de tarifs, les K-GTL et GL 1800 ne s’adressent pas à toutes les bourses. L’avantage tourne en faveur de la BMW, dont le prix de base est inférieur à 23.000€ (22.850€). Avec le pack safety (phares de virages adaptatifs, DTC et RDC) et l’option line (ESA, verrouillage central, système d’alarme,…), notre modèle d’essai était annoncé à 25.850€. Dans sa version «de luxe» avec airbag et GPS, la Goldwing frôle quant à elle les 30.000€ (29.790€), mais elle bénéficie actuellement de «conditions exceptionnelles». «Selon l'année-modèle et la version, la remise client peut aller jusqu'à plus de 6.000€», précise-t-on chez Honda. «Mais il faut se dépêcher, il n'en reste plus beaucoup…»

 

Conclusion

Plus moderne, bourrée de haute technologie, plus performante, plus polyvalente, mieux finie… La nouvelle BMW domine la «Gold» dans quasi tous les domaines. Elle n’est pas pour autant irréprochable, et son côté sportif et athlétique peut contraster (voire légèrement déranger) avec l’image traditionnelle qu’on se fait d’une grande voyageuse de six cylindres. C’est là toute la nuance: la K 1600 GTL est bien plus qu’une Goldwing allemande. Ses concurrentes sont plus nombreuses qu’on ne pouvait l’imaginer. On pense aux BMW K 1300 GT et R 1200 RT, mais aussi à la Yamaha FJR et la Kawasaki 1400 GTR, pour ne citer qu’elles. Contre de genre de GT, la GL 1800 Honda ne peut rien faire. La Goldwing est restée fidèle à sa conception originale du tourisme à moto, typée «américaine». Il suffit de la voir pour s’imaginer ce qu’on peut faire à son guidon. La BMW cache beaucoup plus son jeu.