Comparatif: Kawasaki W800 Street vs Royal Enfield Continental GT 650

Essais Motos Laurent Cortvrindt
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Objectif du jour? Se payer une bonne balade à moto entre potes, à l'ancienne et sans chichis. Impératif: que le prix des bécanes neuves s'affiche sous la barre des 10.000€. Défi réalisable? Oui, avec les nouvelles Kawasaki W800 Street et Royal Enfield Continental GT 650.

L'idée du jour nous a été inspirée par un lecteur qui, sur notre Facebook, se plaignait de lire uniquement des comparatifs réservés aux motards fortunés. C'était faire preuve d'une mémoire assez sélective puisqu'en août et en novembre, nous avons comparé des trails de moyenne cylindrée ; en juin, nous avons mis deux motos d'entrée de gamme face et face ; et que dire alors de notre dossier spécial du mois d'août consacré aux motos à moins de 5.500€ !

Soit, n'ergotant pas, je décide d'appeler Arnaud Brochier qui me «tanne» depuis un moment pour aller rouler. Figurez-vous que notre essayeur n'a pas eu son quota de bornes pour l'automne! Je lui fixe dès lors rendez-vous le mardi 19 novembre… mais en lui posant une condition non négociable: il doit se pointer avec une bécane dont le prix d'achat est affiché, hors remise, à moins de 10.000€.

Jonathan nous a fixé rendez-vous le long de la N5, à hauteur d'une station-service désaffectée. Quand j'arrive sur le lieu des premières prises de vue, je tombe sur un «Grim» remonté comme une pendule. C'est que le gaillard a fait fort: il a pris la nouvelle Royal Enfield, la Continental GT 650 dont la version de base s'acquiert en échange de… 6.690€! Un sacré tour de force! Et pour la version Ice Queen, prêtée pour le besoin de ce comparo, comptez 200€ de plus.

Depuis quelques années, Kawasaki Belgique affiche des tarifs vraiment très compétitifs. Je pensais avoir donc fait bonne pioche en débarquant avec la nouvelle W800 Street. Mais là, je dois bien avouer qu'Arnaud marque un point: 3.000€ d'écart en sa faveur

Même si je lui fais immédiatement remarquer que ma W800 soigne davantage la finition, avec ses leviers réglables, sa valve arrière coudée et un bloc moteur autrement plus agréable à regarder que celui de la CGT. J'ajoute, pour tenter le K.-O avant même de commencer le match, que dans mes rétros ronds, au moins, on voit ce qui se passe derrière soi.

Et que si ma bécane reste bien dans le style du mythe qui fait le bonheur de Kawasaki depuis 50 ans, elle n'oublie pas de vivre dans son époque avec des phares à LED et une précharge de la suspension arrière réglable sur 5 positions.

Premier round

Le bougre ne se laisse pas démonter et, à son tour, d'entrée de jeu, il tente de me plaquer dans les cordes en m'assénant quelques directs. La ligne de ma W800 ne trouve pas grâce à ses yeux, la faute à un phare… précisément trop moderne! Mais aussi à un guidon haut placé et à une selle remontant vers l'arrière.

Pour arriver à Baisy-Thy, je n'ai pourtant rien remarqué d'embêtant. Certes, le guidon presque style choper est effectivement positionné de façon un peu élevée mais il permet de manœuvrer habilement sur un parking ou entre les files de voitures. La selle ne m'a pas gêné, bien au contraire. Si elle n'est pas plate «comme avant», cette forme creusée permet d'obtenir une hauteur de selle très accessible, 2cm plus basse que celle de l'Enfield.

Et comme déjà écrit, j'estime que bénéficier de LEDs constitue un plus non négligeable en termes de sécurité. Mais Arnaud a visiblement déjà vendu son âme à la Royal Enfield. Il m'inonde de superlatifs en parlant de son look parfaitement rétro, de sa ligne sobre, cohérente et proportionnée – même si de mon côté, je ne vois que ces horribles bonbonnes de gaz dorées et les cylindres écrasés par les carters massifs – de sa peinture sobre mais réussie, de son guidon bracelet à la limite du café-racer, des logos RE que l'on retrouve sur les repose-pieds, le té de fourche, le moteur… Pour un habitué des supersportives, le voilà étonnament conquis!

Pourtant, en m'approchant du poste de commande, je maintiens ma première impression: la présentation fait globalement cheap. Le poste de commande sent quand même les pièces moulées à 4 millions d'exemplaires en Inde, à l'instar de ces leviers non réglables en écartement.

Au guidon, par contre, j'avoue être positivement surpris. Je craignais une position clairement plus en appui sur les poignets que sur la W800 mais en fait, cela reste globalement très reposant. Dommage que la béquille latérale soit compliquée à aller chercher, à cause du repose-pied en plein «dans le chemin».

Deuxième round

Tant qu'à avoir le nez au-dessus du guidon, observons ce que nous offrent les tableaux de bord. Eh bien ici, c'est un bon match nul. Mais plutôt du genre 0-0 ou 1-1, les infos s'avèrent distillées de façon parcimonieuse sur ces cadrans ronds avec le compteur de vitesse à gauche et le régime moteur à droite.

Sur la W800, un petit pavé LCD en bas à gauche affiche l'horloge, l'odomètre ou le trip. Sur la CGT, c'est exactement identique sauf que l'on bénéficie aussi d'une jauge mais l'horloge passe à la trappe au profit d'un second trip.

Échauffés par nos échanges stériles, chacun campant sur sa position, nous décidons de démarrer les moteurs. Au jeu de la plus grosse, je gagne. Enfin, c'est surtout le bicylindre vertical de 773cc qui l'emporte face aux 648cc du twin adverse. Je me dis qu'avec ce coffre, malgré une puissance identique de 35kW au Japon comme en Inde, je vais pouvoir «pourrir» le Grim comme pour rigoler. Erreur. J'ai beau essorer la poignée, impossible de le décrocher, il s'accroche comme un morpion. Satanés kilos! Il est vrai qu'en utilisant de la fonte – visez la pédale de frein – Kawa ne favorise guère le régime minceur de sa W800…

La CGT tire clairement plus court et elle s'avoue dès lors vaincue – d'une très courte tête – aux jeux des reprises en 1re et 2e. Mais sur les 3e, 4e et 5e rapports, elle tient la dragée haute à la W800. Son moteur étonne et respire admirablement bien, nous sommes tous deux sous le charme. Celui de la Street se montre plus rond. La Kawasaki se signale aussi par quelques petits à-coups d'injection, surtout sur route dégradée, lorsque l'on essaie de maintenir un filet de gaz. Elle vibre également globalement un peu plus que la Royal Enfield qui, elle, concentre principalement ses vibrations dans le guidon, allant même jusqu'à faire sautiller l'aiguille du compteur de vitesse!

Mais cette Continental GT n'a, en tout cas, plus rien à voir avec le modèle précédent qui reste l'un de mes pires souvenirs à moto. Quelle progression! Même si c'était il y a une demi-douzaine d'années, et malgré le nombre de motos essayées depuis, je conserve un souvenir très net d'une machine fatigante et bruyante.

De cette nouvelle CGT, en comparaison, je dirais qu'elle manque presque de caractère tant elle est devenue lisse à l'emploi, notamment avec sa boîte qui passe comme dans du beurre ou sa sonorité très feutrée. Reste à valider la fiabilité. Le barillet se montre déjà aussi récalcitrant qu'une pièce vieille de 60 ans et la jauge semble d'une précision tout à fait aléatoire, montant et descendant à l'envi…

Troisième round

Si les freins de la CGT 650 signés Bybre ne déméritent pas, nous accordons quand même un avantage au matériel Tokico de la W800. Par contre, l'amortissement s'avère moins rigoureux sur la Kawasaki. Sur les nombreux secteurs pavés empruntés aujourd'hui, elle rebondit davantage. Mais sur chaussée neutre, le confort se montre globalement meilleur. Ce qui ne fait pas pour autant de la CGT une moto harassante. Mais les bras et les jambes davantage ramassés, induisent un pilotage un peu plus sportif.

La Royal Enfield se montre également moins maniable à bas régime, la W800 tournant nettement plus court. Lors du passage à la pompe, difficile d'essayer d'embobiner Arnaud… Pour un parcours – très largement sillonné en commun – de près de 200km, la Continental GT s'est contentée de 8,94 litres afin de retrouver un réservoir plein à ras bord. Soit une consommation moyenne de 4,51l. Quant à la W800, elle a eu besoin de 12,29l! Soit une moyenne de 6,36l. La différence s'explique par la cylindrée et la cavalerie plus importantes chez la Kawasaki.

Néanmoins, cet écart ne devrait pas atteindre une telle proportion. Et le style de pilotage ne doit pas servir d'alibi puisque très régulièrement, nous avons échangé nos montures.

Conclusion

Bon. À présent, oublions la mauvaise foi… Ces deux machines nous ont prouvé plus qu'il ne fallait que le bonheur se révèle parfaitement accessible à moins de 10.000€, en véhicule neuf. Et c'est bien là l'essentiel! À force de rouler toute l'année sur les Replica Marquez, des motos-SUV ou des concurrentes directes de l'Orient-Express, nous pourrions perdre le sens des réalités.

Un petit retour les pieds sur terre fait donc parfois du bien.

La Kawasaki W800 plaira à ceux qui, malgré un prix d'attaque sous la barre psychologique des 10 briques, ne souhaitent pas voir la finition bâclée. Belle comme une rétro, elle sacrifie toutefois les puristes sur l'autel de certaines technologies modernes. Dommage? Pas pour ceux qui aiment le passé mais vivent avec leur temps.

Les nostalgiques purs et durs pourront se tourner vers la Royal Enfield Continental GT 650, au tempérament plus (café)racé et, surtout, au tarif incroyablement compétitif. Inutile, dès lors, de pester sur certains détails de finition. À ce prix-là, on ne peut pas tout avoir. D'ailleurs, la CGT en offre déjà beaucoup!

L’avis d’Arnaud, pilote-essayeur pour Moto 80

«Back to basics» dirons certains à juste titre avec le retour de machines à taille (puissance) humaine, dans une circulation toujours plus dense doublée d'une répression devenue dictatoriale.

Si nos deux machines font partie de la même famille, j’estime que nous sommes tout de même face à deux motos dont l'ADN diffère fortement. La Royal Enfield s'apparente plus à un café-racer avec ses guidons bracelets et sa ligne plate alors que la Kawasaki propose une position proche d'un choper avec son guidon haut et ses repose-pieds en avant.

La CGT étonne par la qualité de son amortissement et la position est parfaitement étudiée pour ne pas trop charger les poignets. Revendiquant 10kg de moins que la Kawa, son déficit de cylindrée n'a aucune influence sur les performances qui se révèlent parfaitement égales. Elle tire un poil plus court mais ne cède pas le moindre mètre a la W800 lors des tests comparatifs.

Le très léger avantage du frein avant pour la Kawa se voit compensé par un excellent frein arrière pour la Royal. Dès lors, comment les départager? Question de look et de position sans doute.

Mon cœur me guide naturellement vers la Royal Enfield dont la ligne réellement vintage en fait une des néo-rétros les plus réussies du moment. Ses racines «plus nobles» participent aussi à la joie de piloter une machine mythique qui correspond également à une forme d'art de vivre dans un monde trop standardisé.

Côté W800, j’apprécie moins la position, sans parler des feux et clignotants à LEDs qui, d'après moi, n'ont absolument rien à faire sur une moto néo-rétro, aussi actuelle soit-elle! Mais toutes considérations de goûts mises de côté, le coup final vient de la tarification avec une Royal Enfield qui se négocie 3.000€ de moins que la Kawasaki…

KAWASAKI W800 STREET

Les up

– Deux versions, deux caractères

– Freinage amélioré

– Sonorité peaufinée

Les down

– Vibrations toujours présentes

– Garde au sol limitée

– Placement tarifaire

Prix de base: 9.999€

Consommation mesurée: 6,36l/100km

Prix du modèle essayé: 6.890€

 

ROYAL ENFIELD CONTINENTAL GT 650

Les up

– Authenticité du Café Racer

– Tarif avenant

– Souplesse et caractère du twin

Les down

– Accord de suspension si on la bouscule de trop

– Finition parfois perfectible

– ABS sensible

Prix de base: 6.690€

Consommation mesurée: 4,51l/100km

Prix du modèle essayé: 6.890€