Ducati Monster 1200 S : un beau jouet !

Essais Motos Bruno Wouters
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Vingt-quatre ans! La Monster a déjà vingt-quatre ans! Et vous savez quoi? La passion, ça conserve! Elle n'a pas pris une ride cette «bella macchina», et il suffit de détailler la toute dernière 1200 S pour s'en convaincre!

Les plus anciens s'en souviennent, il y a eu un «avant» et un «après» la Monster, alors prénommée Mostro! Réinventant le segment «sport naked», la Monster a, dès le départ, eu pour ambition d'offrir un pur plaisir de conduite, rien de plus, rien de moins. La recette est simple: en allant à l'essentiel, la Monster ne s'embarrasse pas de superflu mais affiche une attitude sportive par un design dépouillé et technologique. La Monster est passée par toutes les cylindrées, a connu un nombre considérable de générations et d'évolutions, dont la très récente 1200 R. Il faut d'ailleurs commencer à sérieusement réfléchir pour s'y retrouver dans la gamme. La Monster 1200 a remplacé la 1100 il y a pile trois ans ; la variante R, qui chapeaute la gamme, marque sur celle-ci une solide évolution, et voilà que maintenant la 1200 et la 1200 S bénéficient de modifications conséquentes… mais pas réellement calquées sur la R, qui reste au catalogue. Vous suivez? Et pour ne pas vous embrouiller davantage, nous évoquerons simplement les Monster 797 et 821 qui élargissent encore l'offre.

L'hommage au passé

Mais voyons plus en détail ce qui différencie les nouvelles 1200 des précédentes. La 1200 2017 voit son design revisité, histoire d'accentuer son caractère, et sans doute de la rapprocher visuellement de sa glorieuse aïeule. Sa ligne est redessinée pour plus de fluidité et de compacité. Le réservoir a fait l'objet de toutes les attentions, pour se rapprocher du dessin inspiré de Miguel Galluzzi, le designer de la première «Mostro». On retrouve même avec plaisir le clip de fixation en aluminium du réservoir, niché près du contacteur. Un joli clin d'œil aux origines, et parfaitement fonctionnel, nous avons vérifié! La poupe aussi s'est affinée, et raccourcie dans la foulée: le support de plaque prolonge naturellement la selle, une disposition que nous avons toujours trouvée plus gracieuse, tandis que l'échappement s'inspire directement de celui de la 1200 R. Autre bonne nouvelle, les infâmes platines de repose-pieds monobloc, supportant à la fois ceux du pilote et de son passager, sont passées à la trappe pour de plus élégants éléments suspendus au treillis arrière pour le passager.

Autre élément emblématique de la macchina: son phare avant! Une fois encore, le voici revisité. Ses deux optiques sont séparées par un élément LED qui, sur la 1200 S, fait office de DRL (Day Time Running Light), phare de jour, via un bouton sur le commodo droit. Ce nouveau phare fait migrer les fixations du tableau de bord sur les «risers» du guidon, les clignotants étant fixés en haut des tubes de fourche. Les commodos sont nouveaux aussi, et plus… commodes à utiliser, nous le verrons à l'usage. Ça ne saute pas vraiment aux yeux, surtout sur le flanc droit de la machine mais les designers ont fait leur possible pour réduire et simplifier les caches en plastique. S'ils passaient un examen, je ne serais pas certain de leur accorder la moyenne sur ce coup-là… Le flanc gauche échappe heureusement à la plastification et exhibe un fatras de durites, pompes, carters, vis et raccords qui en feront peut-être hurler certains mais qui indiquent surtout «qu'il doit y en avoir, là derrière»! Et perso, je préfère ça au genre Fisher-Price qui règne en maître à tribord… Mais pour l'ensemble de la ligne, c'est malgré tout une grande dis': cette Monster à 100% est à la fois essentielle et sophistiquée, contemporaine et iconique.

150 chevaux

Le bloc Testastretta 11° DS de 1.198cc, élément structurel du châssis, répond maintenant aux normes Euro4. Dans la foulée, il délivre 150ch, tant sur la 1200 que sur la 1200 S, alors qu'auparavant celles-ci se contentaient (!!) de 135ch et 145ch respectivement. L'alimentation s'inspire de la 1200 R avec des corps d'injection ovales de 56mm. La Ducati Monster 1200 bénéficie des dernières évolutions électroniques développées par la marque, dépassant du coup la R en ce domaine. Le DSP (Ducati Safety Pack) est géré par une centrale inertielle (IMU) et intègre le Cornering ABS Bosch, le contrôle de traction DTC et le contrôle de wheelie DWC. L'ABS est réglable sur trois positions, le contrôle de traction compte huit niveaux, comme d'ailleurs l'anti-wheeling. À ce package technologique se greffent les trois modes de conduite habituels: Sport, Touring et Urban. Chacun de ces modes possède ses propres réglages pour les aides à la conduite. Ceux-ci peuvent encore se paramétrer suivant vos envies via le commodo gauche et l'écran TFT, un écran encore amélioré et plus complet qu'auparavant (et que sur la R!), puisqu'il compte enfin une jauge à essence. L'écran propose trois modes d'affichage différents, correspondant aux trois modes de conduite. Ici aussi, votre patience à naviguer dans les menus sera votre seule limite pour vous concocter votre affichage perso.

Pas de grosses évolutions côté châssis, hormis la boucle arrière et un nouveau bras oscillant qui réduit l'empattement de 26mm, à 1.485mm. Suspensions, freins et roues marquent la différence entre la 1200 et la 1200 S qui nous occupe aujourd'hui. La S se distingue par ses étriers monobloc Brembo M50 et ses disques de 330mm, ses suspensions entièrement réglables fournies par Öhlins et ses roues à trois bâtons en «Y». La S se caractérise encore par son quick-shifter up and down monté de série et son garde-boue en carbone. En détaillant nos machines impeccablement alignées et très classieuses dans ce ton «Liquid Concrete Grey» (un supplément de 200€, sapristi!) avec cadre noir, nous relevons malgré tout quelques détails qui fâchent, comme ce radiateur d'huile, placé bien bas pour ne pas se prendre un jour ou l'autre une bordure, ou cette béquille latérale en acier, bien «cheap» et guère facile à déplier sous le repose-pied. La qualité de l'écran du tableau de bord impressionne mais une zone d’affichage un poil plus grande n'aurait pas choqué. La position de conduite donne immédiatement le ton: il va y avoir du sport! Le guidon, bas et large, impose une position inclinée vers l'avant, avec un réel appui sur les poignets, ce qui pourra s'avérer fatigant en fin de journée. Petit bémol encore au niveau des pieds, dont le talon butera facilement sur les supports de repose-pieds arrière, voire sur l'échappement Rien de grave en ce qui me concerne mais certains collègues, qui vivent sur un grand pied, n'y ont pas tous trouvé leur compte.

Exigeante

Au vu de l'itinéraire proposé, le staff Ducati tient absolument à nous démontrer les progrès en maniabilité de leur Monster! Peille, le col de Braus, le col de Brouis: c'est clair, nous allons enfiler de l'épingle à cheveux jusqu'à plus soif! Ça commence doucement dans les embarras urbains de Monaco, avec une machine qui ne fera pas vraiment le bonheur des commuters. Rien à dire sur le mode Urban, limité à 100 ch, facile et prévenant, mais il ne rend pas pour autant le Testastretta conciliant à bas régime: sous 2.500tr/min, point de salut! Heureusement que l'embrayage hydraulique des Ducati a bien progressé, avec une commande nettement plus douce, parce que ce dernier se voit sérieusement sollicité. Oubliez, dans ce cas de figure, le quick-shifter pas vraiment adapté à la conduite en ville. Le rayon de braquage ne destine pas plus la Monster au gymkhana urbain. La route se dégage, le twin gronde joyeusement, et nous abordons l'autoroute pour un bref tronçon, de quoi valider ici la position de conduite sur les poignets, dans ce cas plus reposante pour lutter contre le vent.

Nous quittons bien vite l'autoroute pour monter à l'assaut de l'arrière-pays niçois, où la Monster dévoile tout son talent, avec ce twin toujours aussi généreux et expressif, copieusement rempli dès 3.000tr/min et merveilleusement secondé par le quick-shifter qui permet de monter ou descendre les rapports instantanément. L'équipage Brembo M50 reste une merveille de puissance et de mordant, avec une facilité de dosage réjouissante, tandis que les suspensions font preuve d'une extrême rigueur qui n'impacte le confort que sur une route vraiment dégradée. Bref, on se régale, jusqu'aux épingles les plus serrées. Tellement serrées, ces épingles, qu'elles obligent à rentrer la première et d'encore jouer du levier d'embrayage pour tenir le régime au-dessus des 2.500tr/min fatidiques. Et là, on s'amuse moins, d'autant que la masse de 200kg hors plein d'essence rend malgré tout la conduite de la belle exigeante! Ce sera le seul bémol de la journée, parce que la Monster 1200 S offre, en dehors de ce cas de figure bien précis, un réel plaisir de conduite, tout en gardant bien en mémoire qu'un twin Ducati, s'il apporte son lot de sensations et d'agrément, s'avérera toujours exigeant et réclamera dès lors un pilotage actif et volontaire. Le mapping Touring rend la bête certes un poil plus civilisée dans ses réactions mais pas suffisamment pour que la conduite devienne vraiment facile. Et, tant qu'à choisir une Ducati Monster 1200 S, autant l'exploiter comme elle le mérite, en mode Sport, avec cette expressivité qui vous filera la banane!

Conclusion

En ramenant la Ducati au parking à la fin de la journée, plusieurs réflexions m'assaillent. La première: que reste-t-il à la Monster 1200 R? Franchement, hormis 10ch de plus – et qui peut bien sentir une différence entre 150ch et 160ch sur route ouverte? – et quelques détails de finition (roues, amortisseur de direction, pneus…), pourquoi privilégier la R? Alors que la 1200 S peut se prévaloir du quick-shifter, d'une électronique embarquée plus sophistiquée et plus complète, d'un tableau de bord encore plus riche en informations… pour 1.700€ de moins! Seconde réflexion: à 16.990€ ou 17.190€ suivant la couleur, la Ducati réclame malgré tout un sérieux effort financier pour un jouet excitant, certes, mais moins exploitable au quotidien que d'autres, sans doute moins prestigieux… C'est vous qui voyez!

Découvrez cet essai illustré et détaillé dans le Moto 80 #793 de décembre 2016 !