Avec sa – fondamentalement – nouvelle CB1000R, Honda siffle la fin de la filiation «RR» pour définir un nouveau style: celui du Néo Sports Café. Une signature pas vraiment aisée à cerner au premier abord pour le grand pulic. La démarche de Honda se révèle toutefois intéressante avec son objectif de redistribution des cartes.
Trop souvent, le terme «nouvelle» moto se voit galvaudé, du moins en partie, par les constructeurs. Pas cette fois avec la CB1000R, profondément transformée pour 2018, esthétiquement et mécaniquement. Si le bureau de recherche et développement n’est certainement pas parti d’une page blanche, le moins que l’on puisse dire, c’est que les ingénieurs ont fait table rase du passé.
Au niveau du style tout d’abord puisque la nouvelle CB1000R lorgne désormais vers l'univers des café-racers très à la mode depuis quelques mois. Honda a volontairement bousculé les codes esthétiques des gros roadsters sportifs en oubliant la filiation sportive dont ces derniers jouissaient jusqu’ici de façon, dirons-nous, quasiment instinctive.
Pour créer une nouvelle identité forte, celle d’un roadster urbain sportif, Honda a donc jeté l’inspiration RR aux orties pour proposer un nouveau créneau, celui des «Néo Sports Café». «Honda a toujours l’intention de regarder vers le futur et d'être prêt à défricher de nouvelles voies», explique M S. Uchida, responsable du développement de la CB1000R 2018. «Le segment des gros roadsters étant arrivé à maturité, nous savions que nous devions aller beaucoup plus loin que d'offrir une simple remise à niveau de ses performances. L'intérêt et les attentes des utilisateurs vont bien au-delà de la simple question de la vitesse de pointe d’une moto. Nous voulions que chaque sortie avec cette nouvelle CB1000R ne soit pas simplement excitante, son propriétaire doit aussi se sentir fier de la posséder et même de l'exposer comme il l'aurait fait avec une moto préparée.»
À en juger les réactions «post présentation Eicma 2017» sur les réseaux sociaux, on ne peut pas dire que le message soit clairement passé. C’est vrai que nous sommes loin du roadster qui roule des mécaniques, et une partie du public n’adhèrera sans doute pas au concept proposé par la nouvelle CB1000R. De notre côté, nous accueillons avec plaisir une Honda au design enfin osé. Un pari bien trop peu tenté ces dernières années dans la famille CB mais aussi du côté des Crossrunner/Crosstourer.
Et quand on considère le succès commercial qui a accompagné le superbe Forza 125 ou l'Africa Twin, derniers designs tranchants de Honda, on se dit que le premier constructeur mondial a sans doute tort de ne pas confier davantage de travail à son bureau de design italien!
Pas que de la gueule
Fait remarquable, la CB1000R privilégie les pièces de métal brossées ou peintes. Seuls six éléments – dont le plus grand est le garde-boue avant – font appel au plastique. La boucle arrière en aluminium, quant à elle, se voit réduite à sa plus simple expression car le support de plaque d’immatriculation et le lèche-roue arrière sont directement montés sur le bras oscillant. Un déjà vu chez de nombreux conducteurs… mais une première pour Honda.
Outre son look minimaliste et novateur, la CB1000R fait également peau neuve du côté mécanique. En commençant par un bon régime minceur. Affichant 12kg de moins sur la balance, dont 4,5kg gagnés uniquement sur le bloc et 2,5kg sur la structure du cadre grâce à des platines latérales en aluminium pour maintenir le long monobras oscillant, la CB1000R voit son rapport poids/puissance augmenter de 20%.
Autre rapport lié au poids, celui entre l'avant (49%) face à l'arrière (51%) de la moto. En résulte un train avant particulièrement léger. Plutôt agréable dans les petits virolos où cette Honda réagit avec grande dextérité «pour une 1000». On apprécie ici aussi toute l'onctuosité du bloc, capable de vous faire évoluer en 6e à moins de 2.000 tours sans la moindre souffrance. Un bon point car l'écartement du levier d'embrayage n'est pas réglable et mes petites mains peinent à l'agripper. Heureusement, nous avons droit à une version + équipée d'un quickshifter efficace… pour peu que le mouvement du pied soit bien franc à la descente des rapports et accompagné d'un bon filet de gaz à la montée.
La silhouette de la nouvelle CB1000R a gagné en compacité par rapport à sa devancière. Mais sans pénaliser le confort du conducteur à l’aide d’un triangle de position plus ouvert grâce à guidon plus large de 13mm et placé 12mm plus haut. Après 3 heures de route et 2 heures de circuit, nous allons rentrer sans ankyloses ni courbatures. Pourtant, il convient de fermement s'accrocher au guidon quand on joue de la poignée droite.
Le 4 cylindres a été retravaillé de manière à offrir une puissance maximale en hausse de 15% ainsi qu'un couple augmenté de 5% sur les mi-régimes. Soit la plage d'utilisation principale d'un roadster. Et effectivement, entre 6.000 tr/min et 8.000 tr/min, la CB jouit de franches reprises. Mais la transmission se révèle également 4% plus courte, ce qui procure des accélérations très tranchantes.
En réalité, sur les trois premiers rapports et jusqu'à 130km/h, la CB1000R 2018 accélère plus fort que la CBR1000RR dont son bloc est dérivé.
Les hauts régimes, 10.000-11.000 tours – sont accompagnés de légères vibrations, surtout dans le guidon. Par contre, la bande-son (sans échappement «after sales») fut unanimement appréciée. Avec 145 pur-sang en-dessous de nous, autant dire que sur route, lâcher toute la cavalerie est impossible. C'est d'ailleurs pour cela qu'Honda nous avait réservé quelques tours sur le tracé d'Ascari.
Malheureusement, la météo n'est pas avec nous. Il a plu, un vent à arracher les mâts s'abat sur la région, placée en état de préalerte, et notre ouvreur nous déconseille une prise d'angle et de vitesse trop importantes. Est-ce d'ailleurs dû aux rafales quasi incessantes mais le train avant léger, tellement agréable quand nous avons traversé les petits villages de la région de Malaga, m'a moins mis en confiance sur les courbes plus rapides d'Ascari. Sans doute une question d’appréhension due aux conditions piégeuses car la stabilité est bien au rendez-vous et dans les chicanes, la CB1000R balance de gauche à droite sans difficulté.
À la carte
Sur piste, par contre, le frein avant fait des merveilles. Il bénéficie d'un mordant acéré et vous envoie réellement le casque sur le guidon. D’ailleurs, pour éviter qu’on en vous «torpille» de l’arrière, les clignottants arrière s’allument sur les gros freinages. Sur route, humide qui plus est, un frein arrière un poil plus incisif n'aurait cependant pas été de refus.
N'ayant rien à redire, ni à souhaiter changer, sur la fourche avant réglable Showa qui abrite toutes les fonctions d'amortissement dans un seul bras, ni dans le monoamortisseur arrière Showa réglable en précharge, compression et détente, je profite du chemin du retour pour jouer un peu dans les menus.
La CB1000R dispose en effet de quatre modes de conduite: Rain, Standard, Sport et User. Les modes Rain, Standard et Sport proposent différentes combinaisons préprogrammées de la puissance, du frein moteur et du système d'accélérateur à contrôle électronique (throttle by wire).
En mode pluie, la puissance est limitée sur les trois premiers rapports (à 60%-80%-90% de la pleine puissance) tandis qu'en mode Standard, elle l'est légèrement sur les deux premières vitesses. Mais le plus intéressant du système provient de l'accès très aisé au mode User. Celui-ci permet en effet de bénéficier d'un réglage à la carte, selon son style de pilotage, sans crainte de couper toutes les assistances électroniques.
Par exemple, on peut choisir les caractéristiques du mode Sport (puissance disponible à 100% sur tous les rapports, intervention minimale du contrôleur de couple quelle que soit l'ouverture des gaz) mais préférer conserver un frein moteur important (souvent faible sur un mode Sport). Vraiment idéal pour rouler avec une moto correspondant à vos préférences.
Que reprocher alors à cette nouvelle CB1000R?
Honnêtement, pas grand-chose. J’aurais personnellement aimé davantage de sensations dans le train avant. Mais la discussion fut engagée avec mes collègues, il n’y avait pas unanimité sur ce point dans notre groupe. Ensuite… il faut vraiment aller chercher la petite bête, comme ce levier d’embrayage non réglable (étonnant et embêtant pour les petites mains) ou la béquille, bien cachée derrière le repose-pied et difficile à agripper du talon.
La consommation, annoncée à 5,8 litres dans notre documentation, sera sans doute également à prendre en compte. Nous avons, en effet, constaté des valeurs bien plus élevées. Soit 7,3 litres de moyenne sur une grosse centaine de kilomètres de routes rapides et avalées à bon rythme. Et puis 6,7 litres sur une portion très roulante, y compris d’autoroute, avec donc moins de changement de vitesse. Reste enfin le style, dont nous avons déjà parlé et qui risque de diviser, ainsi qu'un choix limité de coloris, par ailleurs peu sexys, version Candy Chromosphere Red exceptée. La CB1000R+ aurait, par exemple, mérité une livrée spécifique, à l’image d’une Speed Triple RS.
Conclusion
Avec la nouvelle CB1000R, Honda réussit un joli coup. Derrière son inédit look «rétro-café-minimaliste» se cache une belle bête de combat, richement équipée. Capable de vous emmener en balade sur un filet de gaz, en ronronnant, tout comme de vous mettre un fameux coup de pied «là où je pense» si l’envie d’un petit tour sur circuit vous prend.
Vous en voulez + ?
Pour les amateurs de versions bien équipées, Honda propose une CB1000R+. Soit une version richement dotée puisqu’elle reçoit un quickshifter up & down, des poignées chauffantes, un déflecteur d’instrumentation, un habillage de garde-boue aluminium, un couvre-selle, un passage de roue arrière aluminium, une prise 12V, des selles pilote et passager en Alcantara, des liserés de jantes, des protections de carters et de réservoir, ainsi que des sacoches réservoir et de selle. Dommage par contre, cette version + est uniquement disponible en Graphite Black. Son tarif: 14.999€.
Les up
– Style tranchant
– Modèle bien renouvelé
– Bloc époustouflant
Les down
– Train avant léger
– Légers détails de finition
– Consommation sévère
Prix de base: 13.499€
Consommation annoncée: 5,8l/100km
Disponibilité: immédiate