Husqvarna Svartpilen 701: Terrain de jeu sans limites!

Essais Motos Bruno Wouters
Partager

On ne va pas refaire l’histoire de la firme suédoise… qui ne l’est d'ailleurs plus vraiment: d’abord passée dans le giron italien avant un petit interlude allemand, la voici maintenant 100% autrichienne, avec à la clé un joli succès. Les ventes ont quasiment quadruplé depuis le rachat d’Husqvarna par le patron de KTM, et les routières ne sont pas les dernières à se vendre!

 

Ok, promis, je ne vous tartinerai pas (trop) sur l’histoire d’Husqvarna, déjà racontée dans nos colonnes à l’occasion des essais des Vitpilen et Svartpilen 401 et de la Vitpilen 701. Sachez toutefois que les premières motos marquées du «H» datent de 1903 et que les Huskys connurent leur âge d’or dans les années 70 en catégorie cross et enduro, l’image de Steve McQueen étant à jamais liée aux belles suédoises comme elle l’est à Triumph pour les années soixante. Après, eh bien après ça devient plus compliqué, et il faut attendre 2013 pour que l’histoire se stabilise avec le rachat par KTM, qui repart alors d’une page blanche. Non, orange en fait, parce que pour ce qui concerne la réintroduction d’une gamme routière, il n’a pas fallu aller chercher bien loin: les KTM ont été recyclées!

Avec brio, d’ailleurs… Dès 2015, l’Autrichien sonde le terrain avec la présentation de bien séduisants prototypes, les Svartpilen et Vitpilen 401, qui créent l’événement par leur design innovant, original et minimaliste. Leur nom suédois (flèche noire et flèche blanche) plonge dans le passé de la marque, s’inspirant de la Silverpilen de 1955 et rattachant les deux machines à une bien lâche, aujourd’hui, origine nordique. La Vitpilen 701 apparaît dans la foulée, la Svartpilen 701 fermant la marche dans un esprit plus flat-tracker. Et c’est la valse des salons, des protos qui évoluent, des modèles définitifs et enfin de la commercialisation. La Svartpilen 701 déboule sous forme de concept à Milan en automne 2017, connaît au printemps 2018 les honneurs du Corso d’Eleganza de la Villa d’Este, propriété de BMW qui a vendu Husqvarna à KTM en 2013, revient sous sa forme définitive en automne de la même année au salon de Milan, avant d’enfin fouler la route aujourd’hui.

Marquer sa différence

Pas besoin de vous faire un dessin, Husqvarna veut marquer sa différence, avec KTM, bien sûr, mais aussi vis-à-vis des autres marques, par un retour à une certaine forme de simplicité propice à un plaisir de conduite brut et authentique. Légèreté, compacité et agilité sont privilégiées, et se traduisent dans un design minimaliste mais soigné qui s’affranchit des canons habituellement en vigueur dans le petit monde de la moto. Minimalisme donc, mais aussi qualité des finitions et des composants, avec une foule de petits détails pensés, dessinés, et des composants premiums, comme les éléments choisis pour la suspension ou le freinage.

Ce merveilleux travail de design a été confié à un talentueux jeune Français, Maxime Thouvenin, au sein du studio Kiska. Pour ceux qui l’ignoreraient, Kiska est aux commandes du design KTM depuis une bonne vingtaine d’années, construisant scrupuleusement pour l’Autrichien une image puissante et décalée, immédiatement reconnaissable. Force est de reconnaître le tour de force de se détacher de cette image pour en créer une autre, aussi marquante si ce n’est plus, sur la base, identique, d’une KTM: un challenge brillamment réussi par le Français.

L’examen technique de la machine se résume à décrire une KTM 690: on retrouve le cadre en treillis tubulaire au chrome-molybdène et son splendide bras oscillant en aluminium, le bloc monocylindre de 692cc qui crache ses 75ch, un record faisant de ce monocylindre le plus puissant de la production actuelle! Supercarré, il autorise un régime maxi proche des 9.000tr/min et possède deux arbres d’équilibrage.

La commande de gaz, du type Ride-by-Wire n’apporte pas différents modes de conduite: on se contentera d’un contrôle de traction (déconnectable, tout comme l’ABS), d’un embrayage à glissement limité pour éviter d’intempestifs blocages de roue au rétrogradage, et d’un quickshifter up&down, ce qui, vous en conviendrez, n’est déjà pas si mal! Côté trains roulants, la suspension fait bien sûr appel à du WP, propriété du groupe, avec une fourche inversée réglable en compression et en détente, tout comme l’amortisseur arrière monoshock monté sur biellettes, réglable aussi en précontrainte. Le débattement offre 15mm de plus que sur la Vitpilen 701.

Valorisante

La Svartpilen se démarque encore de cette dernière par sa roue avant de 18’’, plus connotée flat-tracker, et par son large guidon monté sur pontets. Pas de surprise pour le freinage, c’est du Brembo, en ce compris la commande au guidon. Pour l’embrayage par contre, la commande hydraulique est confiée à Magura ; les deux leviers sont réglables, bien entendu.

Parmi les détails qui flattent la rétine, relevons encore l’éclairage full LEDs, les omniprésents logos Husqvarna, du bouchon d’essence aux carters moteur, en passant par les jantes ; nous avons même droit à de subtils «701» sur les leviers de changement de vitesses et de frein au pied, ainsi qu’un très recherché graphisme sur la plaque numéro latérale. Pour les 701, Husqvarna joue la même partition que pour les 401, avec sur une même base deux créneaux différents. Les Vitpilen se déclinent plutôt dans un esprit café-racer, avec une position de conduite radicalisée par des guidons bracelets, qui tiennent plus, pour les plus nombreux d’entre nous, de l’instrument de torture qu’autre chose. Lors de notre comparatif 401 (Moto 80 n°811), le constat fut vite établi, avec une Svartpilen autrement plus conciliante et polyvalente.

Nous retrouvons la même dualité pour les 701, avec une Vitpilen sportive et radicale et une Svartpilen qui se veut plus accueillante. Il suffit d’enfourcher la Svartpilen pour en prendre la mesure. Menue, étroite, courte, même avec cette poupe qui finit abruptement par la selle surplombant la moitié de la roue arrière, mais offrant une position sereine, le buste à peine incliné vers l’avant.

Parfait? Presque… La selle culmine à 835mm du sol, constituée d’une fine galette de mousse dont la largeur ne couvre pas les arêtes de l’habillage, au demeurant fort joli, qu’elle surplombe. Résultat, en ville où l’on pose pied à terre plus souvent qu’à notre tour, ça nous cisaille l’intérieur des cuisses. Dommage pour une moto à vocation entre autres urbaine. Les aptitudes citadines de l’autrichienne (oui, je sais, les Autrichiens nous rappellent ses origines suédoises à tout bout de champ, jusqu’au «smaklig måltid» (bon appétit) repris sur le menu du lunch, mais hormis un nom partagé avec des tondeuses et des machines à coudre, il faut arrêter de nous vendre de la Husky comme si c’était du Surströmming, une spécialité suédoise que je vous laisse le soin de découvrir!), les aptitudes urbaines, disais-je, sont encore trahies par l’absence incompréhensible d’un warning, voire même d’un appel de phare.

Et les rétroviseurs ne sauveront guère la mise, reflétant principalement vos coudes. Hormis ces réserves, son gabarit et son poids, dans les 170kg tous pleins faits, la rendent redoutablement efficace. Le monocylindre rechigne aux bas régimes, mais dès 3.000tr/min sur les premiers rapports, il envoie et permet de s’arracher vivement du flot des voitures.

Amusante

Nous sortons bien vite des embarras lisboètes pour filer sur la pointe la plus occidentale du continent européen, Cabo da Roca, par les petites routes de campagne. L’ergonomie reposante prouve encore sa justesse, je profite de l’expressivité du monocylindre, dont la plage exploitable démarre vers 4.000-4.500tr/min pour se ruer à l’assaut du compte-tours sans faiblir jusqu’au rupteur. Une merveille, avec ce qu’il faut de vibrations pour confirmer le caractère unique de ce genre de motorisation. Le charme d’un mono, mais avec une allonge ahurissante. Pas pour rien qu’il se revendique le plus puissant du marché!

Le shifter se montre ici bien plus convaincant qu’en ville, une caractéristique qui se vérifie à peu près sur chaque machine ainsi nantie. J’ai rapidement déconnecté l’antipatinage, histoire de profiter un peu plus des amorces de glisse qu’offrent les pneus mixtes. L’embrayage anti-dribble, bienvenu sur un mono, permet de jouer de la boîte en rétrogradant en entrée de virage sans arrière-pensée. Les suspensions aux débattements plus importants apportent leur dose de confort en n’entamant que très légèrement la précision de conduite: quoi de plus logique, pour une machine appelée à plus de polyvalence?

J’ai l’opportunité de le vérifier dans la portion d’essai qui m’a apporté le plus de plaisir : une petite route forestière, étroite et très vallonnée, au revêtement approximatif. Le terrain de jeu idéal pour cette Svartpilen: les suspensions absorbent toutes les inégalités, la moto bondit d’un virage à l’autre sans se désunir, un pur bonheur!

Le chemin du retour nous ramène à Lisbonne par l’autoroute, de quoi pousser la flèche noire à 185km/h compteur, et elle en voulait encore! Pour les 185, j’ai dû m’appliquer… Pas à les atteindre, mais à les lire sur ce que je me refuse à appeler un tableau de bord: une espèce de boîte à camembert en plastique, jetée au-dessus du phare, et abritant en son centre une pastille en cristaux liquides affichant son lot d’informations, uniquement visible avec une loupe, et encore, en plein soleil.

Si les infos ne manquent pas (compte-tours, compteur, odomètre, trips 1 et 2, temps écoulé, vitesse et consommation moyenne, autonomie restante, température moteur, jauge à essence, heure et vitesse engagée), l’ensemble ne mérite même pas de figurer sur un scooter chinois vendu chez Auto5. À croire que quand ils ont fini leur bécane, nos Austro-Suédois se sont rendu compte qu’ils avaient oublié le tableau de bord et qu’ils ont racheté un lot d’instruments à un marchand de vélos qui n’a pas osé les utiliser. Quelle pitié! Et ils se moquent de nous avec ce machin depuis les premières 401. Stop, les gars, au prix affiché, vous pourriez faire un effort!

Conclusion

Parce que oui, je me suis vraiment amusé avec cette petite machine au tempérament bien trempé et au comportement aussi joueur que facile et rassurant. Et si, oui, je ne suis pas toujours le plus grand amateur du Kiska de KTM, je suis complètement fan du Kiska Husqvarna que je trouve aussi innovant que réussi, à quelques réserves près, dont cet innommable support de plaque fixé au bras oscillant.

Originale et jolie donc, mais aussi valorisante dans sa finition et son accastillage, la Svartpilen enfonce le clou par son agrément de conduite, aussi efficace qu’amusant, et l’incroyable santé de son moteur. Elle a tout pour plaire en toutes circonstances, hormis son prix qui la place en concurrence avec d’autres machines, sacrément attractives elles aussi!

Les Up

– Design éblouissant

– Moteur jouissif

– Comportement très amusant

Les Down

– Tableau de bord affligeant

– Prix conséquent

– Aspects pratiques négligés

 

Prix de base: 10.295€

Consommation affichée: 4,2l/100km

Disponibilité: immédiate