Depuis trois ans, on l’attendait. Depuis trois ans, elle se baladait de Salon en Salon, sous la forme de concept plus ou moins proche du modèle de production finale. Suivant de près les urbaines Vitpilen 401 et Svartpilen 401, la «flèche blanche» 701 frappe enfin sa cible. Mais Husqvarna a-t-elle fait mouche pour autant?
Pour comprendre la genèse du projet Vitpilen, il convient de se pencher sur l’histoire d’Husqvarna. La production des motos de la marque suédoise débute en 1903. Durant la première moitié du 20e siècle, Husqvarna se concentre sur les compétitions motorisées sur routes et va connaitre ses heures de gloire sur de prestigieuses compétitions, comme par exemple le TT de l’île de Man. Avec le succès grandissant des sports moteur off-road dans les années 50, Husqvarna se lance alors dans la production de motos dédiées spécifiquement à cet exercice.
La réussite est à nouveau au rendez-vous, avec de nombreux titres de champion du monde au début des années 60 et l’aura de la marque suédoise prend de l’ampleur jusqu’aux années 80. Suivent alors trois décennies de turbulences qui voient Husqvarna, cédée par le géant suédois Electrolux, passer sous le giron de Cagiva MV Agusta, avant d’être acquise par BMW en 2007, sans plus de succès.
Ce n’est que depuis 2013, et le transfert sous drapeau KTM, que les «Huskies» reprennent du poil de la bête. Chaque année, Husqvarna bat ses records de vente et passe, en l’espace de quatre exercices complets, de 16.337 unités écoulées en douze mois à 36.883. La gamme Husqvarna, composée de modèles cross et enduro, va progressivement se développer. Avec les 701 Supermoto et 701 Enduro en 2015, les néo-autrichiens entament un premier mouvement de retour vers leurs premières amours. Une ambition ensuite confirmée par l’arrivée quasi simultanée de trois nouveaux modèles résolument «street»: les Vitpilen 401 et 701, ainsi que la Svartpilen 401.
Mais l’histoire ne s’écrit pas en six semaines, et la gestation se révèle plutôt longue. Il faudra attendre trois longues années, et digérer beaucoup de marketing sur les salons motos avant que les Vitpilen et Svartpilen ne passent du concept à la production en série.
Identité affirmée
Le premier contact avec la «véritable» Vitpilen 701 est du genre rugueux. La selle, culminant à 830mm, ne permettra pas à tout le monde de poser les deux pieds correctement au sol. Et il ne faudra clairement pas attendre la fin de la balade pour que votre fessier et vos poignets vous demandent ce qu’ils ont fait pour mériter un tel châtiment. Bref, les sangles abdominales vont devoir travailler! De ce point de vue, la Vitpilen ne renie pas son inspiration café-racer. Pas besoin de confort. Ce qu’on veut, c’est un look fort. Une identité unique. Et avouons qu’en termes de design, on est plutôt bien servi.
Groupe KTM oblige, sans surprise, la Vitpilen a été imaginée par les crayons créatifs de Kiska. Mais cette fois, les artistes n’ont pas proposé une énième déclinaison Duke ou Super Adventure. Non, la Vitpilen se veut unique en son genre et la moto de série répond parfaitement au souhait initial de son designer principal, Maxime Thouvenin: «un monocylindre puissant, avec un réservoir, une boucle arrière et une petite selle». Point à la ligne.
Avec la Vitpilen, Husqvarna souhaite donc revenir aux fondamentaux de la moto. Mais avec soin. Moteur et châssis exceptés – ils sont repris de la KTM 690 Duke, avec néanmoins une boîte de vitesses adaptée pour recevoir un quickshifter –, tout est nouveau sur cette machine et chaque pièce a été soigneusement travaillée.
Comme la superbe selle en cuir noble. Comme la signature lumineuse, qui distingue déjà la Vitpilen des autres productions, avec ce phare avant rond au pourtour LED et ce phare arrière incrusté dans la fine terminaison de la boucle arrière. Comme ce réservoir relevé et orné d’un très soigné capuchon où les insignes de la marque sont gravés. Ou comme ce porte-plaque accompagné des clignotants, monté sur le bras oscillant afin de libérer la boucle arrière. Cette attention soutenue au design explique le tarif, plutôt salé, ne nous voilons pas la face, de la Vitpilen. Car en partageant la plateforme de la 690 Duke, on aurait pu s’attendre à une Husqvarna moins chère que la KTM ou, à tout le moins, dans les mêmes prix. Erreur, 1.500€ séparent les deux machines.
Monotracteur
Pour ce tarif plutôt premium, Husqvarna nous propose un tableau de bord aussi rond que le phare avant: original et… presque complet, manquent uniquement à l’appel la température de l’air, le kilométrage parcouru sur la réserve une fois que celle-ci s’allume et, éventuellement, un témoin de conduite économique.
Par contre, mieux vaut bénéficier d’une bonne vue tellement l’affichage se révèle petit, et actionner les boutons poussoirs avec des gants n’est pas une sinécure. La Vitpilen 701 est également dotée d’une poignée de gaz ride-by-wire, d’un embrayage assisté, d’un contrôle de traction déconnectable, d’un quickshifter up & down ainsi que de suspensions avant et arrière réglables en compression et en détente.
Une fois lancée, la Vitpilen se montre bien plus agile que son rayon de braquage ne laissait présager. Avec moins de 170 kilos tous pleins faits, un châssis très étroit et des mensurations compactes, elle se faufile entre les voitures avec brio et change de cap comme pour rire.
Malheureusement, nous quittons immédiatement la ville et mettons le cap, aussi étrange que cela puisse paraître, sur l’autoroute. Cette portion d’asphalte nous permet cependant de nous rappeler à quel point ce vaillant mono de, «seulement», 75 chevaux est capable de tracter. Évitez cependant comme la peste de relancer à moins de 3.000 tours (ça cogne tellement que vous allez rester collé au tarmac) et profitez plutôt d’une vigueur surprenante à partir de 6.000 tours. Tandis qu’à 8.000 tours, en 6e, le compteur affichait déjà près de 180km/h, c’est dire la surprenante réserve encore à disposition! Bémol néanmoins d’un mono, sur les 2e et 3e rapports, le rupteur arrive rapidement si l’on n’y prend pas garde. Et dans le sinueux, cela peut surprendre.
Heureusement, le shifter se montre efficace dans les deux sens et on a tôt fait d’en abuser. Si le confort relatif de la Vitpilen ne vous donnera sans doute pas envie d’enchainer la vallée de la Semois et la vallée de l’Ourthe sur la même journée (de toute façon, avec 12l dans le réservoir, vous n’y arriverez pas), vous n’aurez nullement l’air de vous y trainer.
La Vitpilen dévoile en effet de surprenantes aptitudes d’avaleuse de lacets. A priori, la seule limite à un usage résolument sportif semble liée à son frein avant. Non pas que l’unique disque se montre avare en efficacité. Mais en cas de freinages appuyés, et surtout répétés, il finira par montrer ses limites et aura bien besoin du soutien de son frère arrière, quant à lui particulièrement efficace.
Quant aux amateurs de figures artistiques, ils apprendront avec plaisir que le contrôle de traction peut se désenclencher… et, surtout, se réarmer tout en roulant! Précisons également qu’un petit réglage en détente et compression sur l’avant ont permis de gommer efficacement un certain moment de flottement dans l’attaque du freinage.
Comme tout mono, la Vitpilen reste une machine nerveuse et il ne fait pas bon couper les gaz en entrée de courbe ou au milieu de celle-ci. Au lieu de se croire en MotoGP et essayer de passer le plus vite possible en virage, mieux vaut se concentrer sur la sortie de ceux-ci pour, précisément, apprécier les points positifs d’un monocylindre. Néanmoins, comme nous l’avons constaté, ces possibilités de réglages ne sont jamais inutiles et le confort de notre essai en fut sensiblement amélioré.
Conclusion
Avec la Vitpilen, Husqvarna a réussi un coup de maître, «à la Apple», avec ses iPhone. Soit parvenir à rendre désirable, et désiré, un objet vendu à un prix surfait. Un très bel objet même – à en juger par le nombre de personnes à s’être retournées sur notre passage ou à nous avoir carrément interpellés – dont, en définitive, le propriétaire se préoccupera peu des aptitudes mécaniques ou de la bonne adéquation de ces dernières avec ses besoins personnels.
Car le principal sera, tout simplement, de posséder cet objet. Pardon, cette moto. En ce sens, la Vitpilen succède à l’Aprilia 6.5 «Starck». Une moto «ovni» mais qui a marqué plusieurs générations de bikers! Souhaitons néanmoins à la Vitpilen un succès commercial plus retentissant…
Mais le plus important, à nos yeux, reste qu’un constructeur affiche tout haut que «less is more». Avec la «course à l’armement» qui règne actuellement dans le monde de la moto (mais jusque quand?), cette volonté a réellement de quoi rafraichir les esprits. Notons encore que les amateurs de look peaufiné aux petits oignons pourront se tourner vers le catalogue d’accessoires Husqvarna.
Un échappement Akrapovic est, naturellement, serions-nous tenté de dire, disponible. Tout comme un set de sacoches imperméables latérales, des rétroviseurs à monter en bout de guidon, un set de jantes à rayons, ainsi que des paires de repose-pieds offrant un meilleur grip.
Et signalons pour conclure que la Vitpilen 701 est disponible en version A2.
Les up
– Less is more
– Proposition unique
– Mono vigoureux
Les down
– Tarif salé
– Confort limité
– Frein avant parfois juste
Prix de base: 10.295€
Disponibilité: immédiate
Consommation: 4,8l/100km