Décider d’installer un ABS sur une routière – fût- elle sportive – découle généralement de deux réflexions : désir d’améliorer la sécurité et agrémenter la dotation d’origine. KTM propose un troisième argument: gagner en efficacité sportive.
Toute routière moderne qui se respecte se doit de proposer l’antiblocage de roues. Logique, les plus petites automobiles en usent depuis longtemps déjà et même des scooters 125cc en bénéficient! Pour KTM le pas était moins évident à franchir mais il en allait de sa légitimité à investir les rubans asphaltés. Modèle inaugural, le trail 990 Adventure fut la première katoche de l’histoire à le proposer. Depuis son arrivée sur le marché, la SM T semblait encore mieux indiquée pour s’en accommoder. Voilà chose faite.
Le «T» du succès
Avant tout c’est un plaisir que de retrouver la 990 SM T, une moto qui, en 1999, invente la catégorie des «Supermoto de tourisme». Plus dépouillées, les 950/990 Supermoto restent trop «sale gamin» pour séduire les quadras et quinquas plus posés. Un peu de protection, une selle confort et le tour est joué. Une vraie recette miracle et un coup commercial puisqu’à ce jour, 5100 SM T ont trouvé acquéreur en moins de 2 ans, un bon bol d’air après les difficultés ayant ébranlé KTM en 2010 (près de 350 emplois perdus au niveau mondial). A partir de 2011, l’usine de Mattighofen entend même accélérer la cadence à 3000 unités/an. Stylistiquement la version 2011 évolue subtilement. L’utilisation de peintures brillantes et de logos 3D témoignent de plus de soin, n’oublions pas que les cibles concurrentes (Multistrada 1200, R 1200 GS) imposent un certain standing. Signe qui ne trompe pas sur la qualité ambiante : les flancs de carénage ne plient pas sous la pression de la main. C’est costaud et bien assemblé. C’est germanique.
2 ans de gestation
Durant la présentation officielle de la 990 SM T ABS, porte-parole et ingénieurs martèlent religieusement qu’il ne s’agit pas d’une simple greffe de convenance. Pour Thomas Kuttruf, porte-parole de KTM, il s’agissait carrément de repenser la moto : «C’est évident, si une KTM doit porter l’ABS, c’est bien la SM-T. Cela dit, nous avons vu cela comme l’opportunité d’aiguiser encore les qualités routières de la moto. Dans l’esprit du motard, une machine dotée de l’ABS est une machine assagie. Ce n’est pas le cas de la SM T ABS ! Plus sûre, certainement, mais aussi plus fun et plus efficace en conduite sportive». Tant mieux, nous adhérons à la philosophie maison ! Mais pourquoi pas dès son lancement ? «Les impératifs économiques forment une série d’obstacles pour un petit constructeur. Acheter l’ABS au fournisseur est une chose, mais cela entraîne des besoins collatéraux : nouvelles plaquettes de frein, nouveaux réglages de suspensions et choix de pneus adaptés, tout cela a demandé près de deux années de recherches et développement, l’âge de la SM T», précise Thomas Kuttruf. Terrifiés à l’idée de tout prise de poids inutile, les ingénieurs ont donc tout fait pour limiter l’impact pondéral de l’ABS, heureusement bien aidés par la miniaturisation de la technologie. Dans l’opération, la moto ne grossit que d’un petit kilogramme. Le module centralisateur accuse à peine 580gr ! Ce système ABS élaboré par le spécialiste Bosch, est de toute dernière génération. Baptisée 9M+, la SMT serait d’ailleurs la première machine de série à en profiter. Voyons voir en conditions réelles…
Toujours sportive
Sur cette grande et légère moto (selle à 855mm, 197 kilos à sec) la confiance est immédiate. Son grand guidon vous emmène facilement entre les files de voitures, la vue est dominante, tout va bien sauf que le LC8 pêche toujours par un manque de souplesse sous 4.000 tr/m. Pas trop grave, il suffit de jouer de l’embrayage et du sélecteur pour trouver son rythme. En dehors de Marbella, théâtre de cet essai, les routes serpentent très vite vers le parc naturel de la Sierra de Las Nieves, on en prend plein les yeux et la séance de pilotage peut commencer. Au-delà de 4-5.000 tr/min et jusque 8.000 tr/m, le LC8 de 116ch distille de sérieuses poussées avec sa sonorité typique («grassement métallique»). Le châssis se révèle d’une redoutable neutralité, jamais d’hésitations ni de flou dans les trajectoires. Carrément addictive, difficile d’enquiller sagement les kilomètres car une KTM s’apprécie réellement couteau entre les dents, cravache en main. Aptitudes au tourisme ou pas, la SM T ABS reste une machine sportive. Néanmoins, et à condition de bien s’appliquer sur le sélecteur et l’embrayage, elle apprécie aussi la routine.
Discret mais présent
Mais attardons-nous sur cet ABS. Comme promis, il s’agit d’un ABS voulu sportif, comprenez par là que son action intervient à la limite du décrochage du pneu en condition normale. Tout sauf gênant, il est au contraire simplement là pour vous éviter la gamelle en cas de distance de freinage faussement estimée. Le plus surprenant vient de sa discrétion : pas de levier de frein spasmodique et quasi-impossibilité de déceler l’effet de «rallonge» de la distance de freinage. Possédant un circuit séparé avant/arrière, la pédale de frein semble plus sensible mais sans ternir le bilan. Un vrai ABS de sportive, du haut de gamme qui charmerait les plus réfractaires des détracteurs qui, de toute façon, n’auront plus le choix. A court terme la seule version disponible sera la SMT ABS mais, rassurons les fanatiques de «roue avant», il s’agit d’un antiblocage déconnectable.
Addictive
D’un point de vue global, cette supermoto se prête très volontiers aux grandes balades. Après 200 kilomètres d’essai pas le moindre stress musculaire à signaler, preuve d’une selle convaincante et d’une position de conduite irréprochable (jambes peu pliées et buste bien droit). Naturellement agile, on ne se bat pas avec la moto, or sans l’air d’y toucher, adopter un rythme «touristico-sportif» en KTM SM T ABS se traduit déjà par un dynamisme assez musclé. Seul point de critique, le pare-brise d’origine génère des remous au niveau de la tête pour peu que vous franchissiez le 1m80, un désagrément qui se solutionne dans la liste d’options (pare-brise haut conseillé). Côté pratique, la SM T ne propose toujours pas de béquille centrale d’origine mais fait un effort notoire en la présence de feux «warning», une fonction précieuse aux commuters maison-boulot.
ABS plaisir
Paradoxalement l’ABS fait parfois «peur», comprenez qu’on lui prête une influence néfaste sur le pilotage, ou qu’on l’accuse simplement d’égratigner le pedigree d’une vraie sportive. A tort car dans ce cas, l’ABS rend la 990 SM T meilleure ! Aussi efficace qu’une SM T normale mais plus sûre en cas de pluie, elle se révèle surtout plus facile à mener à ses limites du fait de la présence de l’ange gardien électronique. On ferait presque exprès d’arriver trop vite en courbe ! Et bien sûr, dans le cadre d’une utilisation quotidienne, jamais une KTM n’a été aussi polyvalente. KTM nous prouve que plus de sécurité ne tue pas forcément le plaisir. Cerise sur le gâteau, le surcoût n’est que de 100€, soit 12.690€.