Il arrive que la raison puisse se conjuguer avec la passion. KTM leur a trouvé un dénominateur commun. Il s’appelle RC 390. Une vraie sportive, très raisonnable sur le papier mais au pouvoir de séduction inégalé dans son segment.
C’est Thomas Kuttruf, en charge de la communication chez KTM, qui nous l’annonce: «La KTM RC 390 marque une étape importante de l’histoire de KTM». La firme autrichienne possède pourtant dans sa – désormais vaste – gamme routière des modèles bien plus marquants que cette sportive aux lignes, certes, très séduisantes mais aux performances forcément limitées en comparaison avec les gros cubes hyperperformants qui sortent chaque jour des chaînes de montage de Mattighofen.
C’est que les ambitions de KTM par rapport à sa RC 390 sont grandes. La dernière arrivée dans la gamme routière de la marque orange combine les atouts qui devraient en faire un succès commercial à l’échelle mondiale. Chez nous, elle séduira les détenteurs du permis A2 qui trouveront dans la nouvelle KT un machine plus exclusive que ses concurrentes directes sur ce segment. Mais c’est dans les pays émergents, où KTM et son allié indien Bajaj profitent d’un marché du 2 roues bien plus dynamique que le nôtre, que la RC 390 devrait stimuler de façon spectaculaire les chiffres de vente de la marque. En alliant un prix contenu à des performances de premier ordre pour la catégorie et un design soigné, la petite sportive a toutes les cartes en main pour offrir à KTM de prendre une place très enviable sur les marchés asiatiques, indiens ou encore sud-américains.
Elle ne devrait finalement qu’accélérer encore la tendance amorcée par les succès des Duke 125 et 390 et, plus récemment, par la sportive RC 125. La hausse des ventes de près de 30% et le mois de juin record annoncés par la firme de Mattighofen passent par la conquête de nouveaux marchés et de nouveaux segments. Et force est de constater qu’en la matière, KTM sait faire preuve de dynamisme et de créativité.
Une Duke en tenue sportive?
Il est facile de penser que, la RC 390 partageant la base technique de la Duke 390, la dernière arrivée dans la gamme KTM ne puisse être qu’un roadster savamment habillé d’un carénage et équipé de bracelets. Il est vrai que bon nombre des ingrédients de la Duke se retrouvent dans la recette de la RC 390. A commencer par le monocylindre de 375cm3 développant 44 chevaux à 9.500tr/min pour un couple de 35Nm à 7.250tr/min. Des performances raisonnables qui en font néanmoins le bloc le plus performant dans sa catégorie. Il est logé dans le très beau cadre treillis orange cher à KTM. Le frein avant est équipé d’un étrier radial à 4 pistons mordant un disque de 300mm, le tout frappé du logo de la marque «Bybre», à la technologie Brembo. Pour contrôler la petite autrichienne en toutes circonstances, vous pourrez ici aussi faire confiance à un ABS Bosch, lequel peut être facilement désactivé à partir du tableau de bord. Niveau suspensions, on retrouve enfin l’amortisseur réglable uniquement en précontrainte et la fourche de 43mm signée White Power, dépourvue elle aussi de réglages mais raffermie pour compenser le fait que le train avant de la RC 390 soit sensiblement plus chargé que celui de sa cousine Duke.
Car non, la RC 390 n’est pas une simple Duke déguisée en machine sportive. Des repose-pieds positionnés plus haut, un empattement qui perd 27mm pour passer à 1.340mm et un angle de chasse qui perd un 1,5° ont pour effet de chambouler complètement la répartition des masses. La RC 390 affirme sa vocation sportive en chargeant sensiblement plus le train avant. D’où la nécessité de revoir les settings de suspension. D’autant qu’avec 147kg sur la balance, elle accuse aussi 8kg de plus que la Duke.
Un tableau alléchant qui est complété par un look que jalouseront sans doute pas mal de propriétaires de grosses sportives. Le coup de crayon des designers du studio Kiska est pour le moins inspiré. La ligne que la RC 390 partage avec la RC 125 est sans compromis. C’est racé, sportif et épuré à la fois. Les concessions aux équipements «street legal» sont rares. «Nous sommes partis de la ligne imaginée par les designers», explique-t-on chez KTM, «puis nous avons cherché les solutions pour intégrer les équipement nécessaires en faisant en sorte que ceux-ci aient le moins d’impact possible sur la ligne de la machine». C’est ainsi que l’on trouve sur la RC 390 des rétroviseurs qui intègrent les clignoteurs tout en restant particulièrement discrets ou des feux LED à l’avant et à l’arrière eux aussi très bien intégrés. Comme sur la 125cc, c’est au niveau de la selle que l’on s’attarde inévitablement. Ce bloc de mousse d’une seule pièce agit comme un véritable trompe-l’œil, faisant croire au dosseret d’une monoplace. On y installe pourtant bien un passager. Toujours dans l’esprit racing, le cadre acier de type treillis composé de tubes de sections rondes et ovales de couleur orange est lui aussi du plus bel effet.
En ville…
Ce côté très «racing» nous ferait presque oublier que la RC 390 est avant tout destinée à la route. Avant de rejoindre le circuit de Modène où la petite KTM nous fera étalage de ses performances, nous nous faufilons donc dans le trafic urbain avant de laisser les qualités dynamiques de la RC 390 s’exprimer sur les routes sinueuses de la jolie vallée du Pô.
Au guidon de la KTM, on a vite fait de trouver ses repères. Tout tombe bien sous la main et la position de pilotage est finalement moins sportive qu’attendu. On est positionné sur l’avant, c’est évident, mais l’appui sur les poignets est modéré et ne s’est d’ailleurs jamais montré fatigant au cours d’une journée de roulage pourtant longue. Même constat au niveau des jambes, pliées mais pas trop. Niveau confort, on apprécie rapidement la souplesse relative des suspensions. Bien que plus fermes que sur la Duke, elles amortissent parfaitement les irrégularités de la route. La selle est en revanche plutôt ferme et devenait inconfortable à l’entame de la deuxième heure de roulage. L’ergonomie générale est excellente et la protection offerte par le carénage suffisante en usage «normal». Le tableau de bord digital est lisible et particulièrement complet. Seul bémol: les rétroviseurs, dont la principale qualité est indiscutablement d’être esthétiques. Pour vérifier ce qui se passe derrière vous, mieux vaut jeter un rapide regard en arrière car il y a de fortes chances que vous ne puissiez pas y voir grand-chose d’autre que vos coudes. Notons enfin que le bruit émis par l’échappement est très feutré.
… comme à la montagne
Une fois la ville derrière nous, sur le réseau secondaire, dans les collines qui surplombent Modène et Maranello, on apprécie la vivacité du châssis de la RC 390 comme le surprenant dynamisme de son monocylindre. Comme attendu, la KTM s’appuie sur son petit gabarit ainsi que son poids et son empattement réduits pour se montrer particulièrement joueuse. Un comportement que vient accentuer le bloc autrichien. Le mono de 375cm3 répond présent dès les bas régimes et se montre ensuite très linéaire. On a naturellement tendance à exploiter la plage située entre 3.500 et 6.000 tours/minute, la vitesse de croisière de la machine se situant aux environs de 130km/h. A l’approche de la zone rouge, et pratiquement jusqu’au rupteur, qui entre en action une fois passé les 10.000tr/min, le moteur autrichien montre un autre visage, poussant de façon surprenante sans jamais s’essouffler. Si l’on veut tirer le meilleur parti de la RC 390, il ne faut évidemment pas hésiter à jongler avec les rapports mais, cela tombe bien, la sélection est facile et précise. Rayon freinage, si ce n’est sur les freinages très appuyés, l’ABS se fait presqu’oublier, et la puissance des étriers est correcte, même si l’on aimerait parfois un peu plus de mordant de la part du frein avant.
En piste!
La RC 390 est-elle vraiment à l’aise partout? Sur le circuit de Modène, il semble que cette machine aux qualités routières indiscutables, ait fait l’unanimité auprès des essayeurs présents. Une fois en piste, on comprend mieux pourquoi KTM compte développer en Europe plusieurs coupes «RC 390» réservées aux jeunes pilotes, comme cela a déjà été le cas en Allemagne cette année. C’est que cette RC 390 est sans doute la machine idéale pour faire ses premières armes sur la piste. Si les pilotes expérimentés prennent plaisir à la balancer d’un virage à l’autre avec une facilité inégalée tout en ayant la satisfaction d’exploiter la totalité de la cavalerie disponible, les autres profitent d’une machine très conciliante, performante sans jamais être excessive.
Tout en pardonnant beaucoup d’erreurs, la RC 390 oblige, si l’on veut gagner en vitesse, à soigner ses trajectoires, à retarder ses freinages, à garder un maximum de vitesse en entrée de courbe pour accélérer le plus tôt possible tout en restant en permanence sur le bon rapport. Ici, la puissance ne permet que rarement de compenser une erreur d’appréciation. Un redoutable outil d’apprentissage!
Vous l’aurez compris, la KTM 390 est une vraie machine sportive. Bien plus qu’une RC 125 sur-vitaminée ou qu’une Duke 390 carénée, il s’agit d’une moto à la personnalité bien trempée, comme on sait les faire chez KTM. Design, finition, performances et polyvalence sont au rendez-vous sur une machine qui a de plus le mérite d’être proposée à un prix pour le moins raisonnable au vu de la qualité du produit. Dès la mi-octobre, vous repartirez de chez votre concessionnaire KTM au guidon de la RC 390 contre 5.699€.
Un essai signé Olivier Evrard et publié dans le Moto 80 n°767 d'octobre 2014.