BMW R 1200 R – Retour en grâce

Essais Motos Laurent Blairon
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Dans le sillage de la R Nine T qui a fortement redoré l’image du roadster à la munichoise, la nouvelle R 1200 R cultive toujours un esprit de pureté dans les lignes mais, cette fois, avec le boxer liquide des GS/RT. Une sportivité mise en avant sans sacrifier le confort et la polyvalence. Le roadster parfait?

BMW n’en fait pas un secret. La R 1200 R actuelle – qui s’est pourtant vendue à 50.000 exemplaires depuis sa commercialisation en 2006 – vivait une fin de carrière difficile. On ne peut pas lui reprocher un manque de qualités et de dynamisme, au contraire, mais son image devenue trop lisse et discrète l’écartait de plus en plus d’une tendance actuelle privilégiant les roadsters à «grandes gueules ou pour gros bras». Et rajoutez à cela le fait qu’une partie non négligeable des ex-partisans des roadsters Boxer BMW a aussi cédé au charme et aux performances de la nouvelle R 1200 GS… Après réflexion et analyse, il ne fait donc aucun doute que la clientèle roadster des années 2010 veut des machines de caractère. Cela tombe bien, le boxer liquide n’en manque pas…

Boxeur et haltère

Esthétiquement, le challenge des designers a tenu dans le souhait de conserver une ligne assez classique mais en rénovant complètement l’identité du roadster boxer. Pour ce faire, la R 1200 R reprend les traits dévoilés par le «Concept Roadster» et, par conséquent, l’inspiration est très «streetfighter». Le premier étonnement vient de l’abandon du phare rond au profit d’un élément à surfaces complexes et doté de feux diurnes à diodes (en option). À la façon d’une Ducati Monster, ce phare est plaqué contre la fourche, une formule stylistique éprouvée qui confère à la face de la moto la virilité d’un boxeur au nez aplati par les coups. En option, l’optique reçoit un éclairage diurne à diodes qui dessinent alors une forme d’haltère (on reste dans un domaine très musclé)… Le second choc visuel concerne bien sûr la fourche inversée, un retour à la simplicité après plus de 20 ans de roadsters à Telelever (une technologie apparue en1993, sur la R 1100 RS). Image plus jeune, coût moindre, économie d’échelle, tous les prétextes sont bons pour valider et assumer ce choix. Si les tubes «anodisés or» vous dérangent, la version de base (proposée en bleu) dispose d’une fourche à tubes gris… et certainement pas moins jolis. Troisième élément distinctif: le tableau de bord en forme de serrure couchée, tout en finesse et en modernité. Celui-ci comprend, de série, une dizaine d’informations de base (kilométrage total, kilométrage journalier Trip 1 et Trip 2, calcul d’autonomie, température extérieure, température moteur, consommation moyenne, contrôle de la pression des pneus), tandis que  l’ordinateur de bord Pro, en option, étoffe les données (18 au total) avec, par exemple, l’activation de l’alarme (option), la commande de phares diurnes automatiques, les relevés de consommation, les dates de révisions, etc. L’affichage est compact mais il est possible de choisir les données que l’on souhaite mettre en avant. Pour le reste, le roadster adopte un nouveau cadre tubulaire (décliné en rouge), de nouvelles jantes et un arrière plus fin. Plus petite, plus basse et plus étroite, la BMW a été voulue très compacte, ce qui fait ressortir plus que jamais les deux gros cylindres à plat, créant une sorte de dualité, un paradoxe esthétique qui crée toute la singularité d’une BMW boxer. Bref, le roadster R 1200 R 2015 a de l’allure et un charme universel que – enfin – même les jeunes devraient apprécier. Seul bémol: le radiateur se coiffe de caches en plastique un peu disgracieux dans un ensemble où le métal est dominant.

4 selles

Avant de nous installer, les responsables allemands nous demandent de choisir l’une des quatre selles disponibles. D’origine, l’assise est de 790mm mais en option, il est possible de passer à 820mm, voire 840mm, ou de retomber à 760mm. Votre serviteur conseille aux grands d’opter directement pour la 840 qui, de toute façon, leur pliera quand même bien les jambes, mais sans fatigue. Ramassée vers l’avant, la position est nettement plus active, on se sent bien faire corps avec la moto, une impression accentuée par la finesse de la selle et du bâtit en tubes d’acier. L’ergonomie est parfaite, tout tombe bien en main, le dos est bien droit. Qu’il s’agisse du pilote ou du passager (qui a droit à deux selles différentes, lui) le moelleux reste très généreux. En somme, si la R 1200 R radicalise son image, elle demeure une BMW très accueillante et prête, si besoin, à partir loin. Le désir d’allumer le moteur nous laisse découvrir une autre nouveauté: le système mains libres. La clé reste dans votre poche et le Neiman cède place à un bouton servant aussi de cale-direction (électromécanique). Une solution très agréable au quotidien. Le moteur boxer animant la nouvelle R 1200 R est évidemment le même que celui déjà à l’œuvre sur la R 1200 GS ainsi que sur la R 1200 RT. Il développe 125ch à 7.750tr/min et atteint son couple maximal de 125Nm à 6.500tr/min. Déjà supérieures à celles de la génération précédente, ces valeurs se confirment dès les premières centaines de mètres. Forcément, les sensations étant plus pures (pas de protections, suspension rigoureuse), la R 1200 R tire sur les bras et le compteur s’affole très vite. Bref, ça pousse, et pas qu’un peu. Rien de frénétique mais un couple velu et puissant. Le bicylindre reprend facilement à tous les régimes et la boîte à 6 rapports se révèle tout simplement impeccable: directe, précise, rapide. La démultiplication finale a été souhaitée juste entre celles de la 1200 GS et de la 1200 RT. Pour nous amuser encore un peu plus, nos motos d’essai étaient équipées du Shifter Pro. Par rapport aux shifters mis en œuvre sur d’autres BMW, le nouveau shifter Pro permet de monter et de descendre les rapports sans actionner l’embrayage ni couper les gaz. Les passages de rapports peuvent donc pour l’essentiel s’effectuer via le shifter, sauf, par exemple, au démarrage. Lorsque le pilote ralentit et engage un rapport inférieur (papillon des gaz fermé), le régime est automatiquement adapté grâce à un petit coup de gaz. Les motoristes insistent: il ne s’agit pas d’un élément de confort assimilé à de la conduite automatique mais bien un système lié aux performances de la moto et qui, après notre ce premier essai, donne effectivement plus de saveur à cet excellent moteur.

Vivante!

Dans le superbe arrière-pays de Bénidorm, la R 1200 R dévoile vite une vivacité surprenante pour un bestiau de pourtant 231kg. La répartition des masses avant/arrière de 50/50, le choix de débattements de 140mm à l’avant et à l’arrière ainsi que le levier offert par un guidon large mais pas trop mettent immédiatement en confiance. Evidemment, par rapport au Telelever, qui empêche le train avant de plonger, la fourche de la nouvelle R 1200 R distille des sensations plus vivantes et n’a donc plus le côté imperturbable (qui ne plonge pas) de la génération précédente. Précisions, stabilité, garde au sol confortable, cette BMW adore l’attaque. D’origine, la R 1200 R propose deux modes de réactivité mécanique – Rain et Road – ainsi que l’antipatinage et l’ABS (déconnectable) venant au secours des étriers avant radiaux à quatre pistons. De quoi s’y donner à cœur joie sans trop d’appréhension, d’autant que les durites métalliques entretiennent plus longuement la consistance des décélérations. La liste des options perfectionnera l’efficacité sportive grâce notamment à l’option «modes de pilotage Pro», qui enrichit la moto du contrôle de traction dynamique DTC (cette fois le contrôle de traction est réglable sur quatre modes) avec détecteur de prise d’angle ainsi que deux modes de pilotage supplémentaires «Dynamic» et «User». Le Dynamic exprime bien ce qu’il veut dire: la moto gagne en nervosité ; quant au mode «User» il permet de personnaliser ses choix et d’élaborer ses réglages en fonction des préférences. Et ce n’est pas tout, la R 1200 R propose aussi la suspension pilotée dynamique ESA (Electronic Suspension Adjustment) de la toute dernière génération. Avec les deux lois d’amortissement «Road» et «Dynamic» et ses programmes de charge (à deux, avec ou sans bagages), l’amortissement s’adapte automatiquement aux conditions du moment, en fonction de l’état de la route et des manœuvres du pilote. En conduite «balade», la protection reste celle d’un roadster, c’est-à-dire inexistante. Par contre, le petit plexi de tête de fourche apporte un réel soulagement.

13.490€

La satisfaction vécue pour cette première prise en main a donc été grande mais influencée par l’équipement full option de nos exemplaires d’essai. En Belgique, la R 1200 R coûtera 13.490€ en version Basic, c’est à dire avec l’ABS et le contrôle de stabilité. Mais c’est tout. En option, tout est prévu: des pièces esthétiques à la bagagerie complète en passant par un pare-brise, les modes de pilotages Pro, la fonction keyless, etc. Quelques packs tentants feront facilement grimper la note à 16.000€-17.000€. Rien de bien nouveau venant de BMW, une marque pratiquant avec adresse la politique du «piège à options». Et là, par rapport au public des jeunes, ce n’est pas gagné d’avance. Pour le lancement, la R 1200 R se décline en trois versions: Basic (bleue, cadre noir, fourche grise), Style 1 (blanche à cadre rouge) et Style 2 (noire, fourche anodisée).

Conclusion

Le constat est simple: les béhèmistes qui rêvaient d’une R 1200 R plus passionnante et expressive seront ravis par la nouvelle génération. Forcément, les adeptes de l’ancien R 1200 R, plus posés, déploreront ce recours à la sportivité devenu systématique chez BMW. Dans l’absolu, nous avons découvert un excellent roadster, sans aucun doute, mais qui ne peut prétendre à la perfection en raison d’un tarif élevé (avec options). Rajeunir la clientèle ne sera donc pas chose aisée. Par contre, les motards mûrs qui céderont à ses charmes adoreront sa vigueur rafraîchissante.

Un essai signé Laurent Blairon et publié dans le Moto 80 n°770 de janvier 2015.