Comparatif Benelli 502C vs Ducati Diavel S: sans complexe!

Essais Motos Julien Lahaye
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Benelli continue son offensive sur le marché A2 avec sa 502C. Un city-cruiser dont l’apparence se rapproche insidieusement d’une certaine Ducati Diavel. L’occasion rêvée de comparer l’incomparable et de tenter de répondre à cette question: le plaisir est-il une question de budget?

Il y a 35 ans, en 1984, apparaissait l’une des motos parmi les plus délurées que le marché ait connu: la Yamaha V-Max! Disparu du catalogue en 2007, le monstre japonais a désormais laissé libre cours à la concurrence. Présentée en 2010 à l’occasion de l’EICMA, la Ducati Diavel en a étonné plus d’un.

Que pouvait bien venir faire Ducati dans ce segment du power-cruiser? Enfin, ça, c’était avant les premiers essais! Car oui, la Diavel reste bel et bien une Ducati… et non des moindres.

Après 8 années de bons et loyaux services, la Diavel arbore aujourd’hui un nouveau style, moins pataud sans toutefois sacrifier à ce design si particulier reconnaissable entre tous grâce à sa selle caractéristique planant au-dessus de l’énorme gommard Pirelli de 240mm.

Mais comme vous le savez, une bonne idée ne reste jamais bien longtemps l’apanage de son créateur. Passés maîtres dans le domaine, les Chinois inondent les marchés occidentaux tous azimuts avec des copies plus ou moins réussies. Le monde de la moto ne fait pas exception à la règle et c’est ainsi que nous avons pu découvrir une étonnante Benelli 502C à l’occasion du salon Milanais 2018. Une vision qui a sans aucun doute dû faire parler beaucoup de monde dans les bureaux de design Ducati tant la source d’inspiration semble limpide…

Ma gueule

Si déjà en photo la ressemblance m’avait parue évidente, force est de constater que côte à côte, ces deux motos partagent un coup de crayon sensiblement similaire! Bien entendu, l’aspect le plus frappant se situe au niveau de la boucle arrière. La Benelli embarque sans complexe le même type de selle, allant jusqu’à reprendre la disposition des feux arrière de la Ducat’. En prime, nous retrouvons un porte-plaque identique, un cadre treillis, un gros réservoir bien trapu, un guidon large et des écrans de tableau de bord de tailles plutôt contenues.

Heureusement, pour le reste, ces machines n’ont absolument rien en commun.

Place à l’outsider, jetons un coup d’œil à cette Benelli. Ayant participé au lancement officiel de sa cousine Leoncino, je suis agréablement surpris de constater le niveau de finition de cette 502C.

Le progrès est net. Câbles et fiches se voient ici bien intégrés et ce n’est qu’en soulevant la selle que j’aperçois encore quelques «chinoiseries» bon marché. Rien de dramatique sans doute, car imaginant toujours le pire, je m’interroge sur la longévité de ces connectiques avant de voir surgir un souci électrique dû à l’humidité. Je continue le tour du propriétaire et mes yeux se posent sur le double échappement. Pas franchement réussi selon moi, ce type de silencieux serait bien plus approprié pour un roadster. Une question de goût sans doute.

Je m’approche à présent de la Diavel S et constate qu’une fois de plus, les ingénieurs italiens s’en sont donné à cœur joie. Le design est ce qu’il est et une partie du public n’y adhérera sans doute pas mais bon Dieu, quelle gueule! Matériaux nobles et finition soignée sont au rendez-vous, tout est parfaitement intégré et rien ne dépasse. Ah si, tout de même: en y regardant de plus près, je remarque une gaine disgracieuse chargée de protéger les fils électriques alimentant le porte-plaque, j’aurai au moins un reproche esthétique à formuler, me voici soulagé!

Power cruiser, vraiment?

Dans mon esprit, un cruiser désigne une moto à selle basse et à la garde au sol limitée, taillée pour les longues routes rectilignes avec une géométrie privilégiant la stabilité à la sportivité. Du côté de la Diavel S, je retrouve assurément l’aspect «power». Son gros twin cubant 1.262cc développe la bagatelle de 159ch pour un couple de 129Nm à 7.500tr/min. La sonorité caverneuse provenant des entrailles de la belle italienne lors de sa mise en route me donne immanquablement la banane sous mon casque.

Adepte de sensations fortes, je sélectionne le mode Sport. Ce dernier est conçu pour envoyer la sauce presque sans filtre. Il s’accompagne tout de même d’aides à la conduite paramétrées afin qu’elles se montrent le moins intrusives possibles (contrôle de traction DTC en position 3, ABS en 2 et anti-wheeling DWC en 3). Il reste toutefois possible de les régler à votre guise en passant par le menu pléthorique accessible par une pression continue de quelques secondes sur le commodo gauche, rétroéclairé en rouge.

Première enclenchée, la Diavel S s’élance telle un boulet de canon et réagit à la moindre rotation de la poignée. Bien calé par la selle, je pousse la belle italienne en passant les rapports à l’aide de son efficace quickshifter. Un sentiment jouissif s’empare immédiatement de moi. Les envolées lyriques du Testastretta en ajoutent une couche. Rooooh, que c’est bon! Les assauts du bloc moteur sont violents et avec les poings au vent, j’ai vraiment l’impression de sentir mes bras s’allonger tant la pression du vent se fait forte sur mon torse.

Afin d’éviter de devoir prendre rendez-vous chez un chiropracteur, je décide de ralentir le rythme afin de «cruiser». Enfin… cruiser est un bien grand mot! Sous 4.000tr/min, ce twin caractériel annonce clairement que la balade pépère ne fait pas partie de son répertoire: il claque allègrement, distillant bruits mécaniques et grosses vibrations. Pour les éviter, une seule solution: jouer du sélecteur… Pour l’aspect cruiser, il faudra repasser!

112ch en moins, et alors?

Afin de ménager mes petits bras, je décide de laisser refroidir le Testastretta en m’installant aux commandes de la Benelli 502C. Bien logé sur la selle, j’enclenche le contact et le petit bicylindre de 499cc se met gentiment en marche dans une sonorité assez quelconque. Le grand guidon tombe bien dans les mains et les pieds se portent vers l’avant à l’inverse de la Diavel S, où les pieds sont positionnés façon roadster. Pour une position plus typée cruiser il faudra porter votre dévolu sur la XDiavel, malheureusement indisponible pour notre comparatif.

J’entame mon premier trajet au guidon de la Benelli par une portion d’autoroute. Calé à 120km/h aux environs de 6.500tr/min, de nombreuses vibrations se font ressentir dans la selle et elles remontent jusque dans le bas du dos. Je profite tout de même de ce passage sur voie rapide afin de découvrir ce que ce bicylindre a dans le ventre. Même s’il n’avance que 47ch, le bloc moteur se montre volontaire pour plafonner assez rapidement à 160km/h compteur, soit la vitesse de la Diavel S… à fond de 3!

Je quitte à présent l’autoroute pour les petits chemins de campagne et découvre une agilité insoupçonnée: 80mm de largeur en moins sur le pneu arrière, ça se ressent! La 502C virevolte d’un virage à l’autre, bien aidée par son large guidon. Toujours partant, le bicylindre m’offre des belles reprises dans tous les cas de figure. Là où le bloc moteur de la Diavel m’imposait d’innombrables changements de rapports, je me surprends à rester la plupart du temps en 6e sur la Benelli et ce, même à 30km/h! Sympa pour une utilisation coulée au quotidien.

Les deux disques de 280mm suffisent largement à ralentir la machine. La prise de levier se révèle très progressive et offre assez de mordant tandis que le freinage arrière se montre, quant à lui, moins convaincant, avec une pédale bien trop spongieuse à mon goût.

Comparer l’incomparable

Déjà très bien dotée en équipement dans sa version standard, la Diavel monte encore d’un cran dans cette version S et justifie clairement son écart de tarif avec la Benelli. En plus des 3 modes de conduites paramétrables et des assistances électroniques (DTC, DWC, Cornering ABS, Launch Control), la Diavel S embarque une fourche Öhlins d’un diamètre de 48mm ainsi qu’un monoamortisseur fixé horizontalement sur le flanc gauche, le tout entièrement réglable cela va de soi.

En prime, la Diavel S se voit dotée d’un freinage digne des meilleures sportives puisqu’elle embarque des étriers Brembo M50 pinçant des disques de 320mm à l’aide de 4 pistons. Le tout offre un feeling au levier frôlant la perfection mais il pourrait certainement surprendre les non-initiés.

Du côté de la Benelli, la dotation de série se montre bien plus spartiate. Ici, pas d’aides électroniques ni de suspensions réglables. On navigue à l’ancienne. Seule concession à la modernité: l’ABS! Même constat pour l’écran TFT où figurent uniquement les trips A et B, la température moteur, la jauge à essence et l’horloge, là où la Ducati propose une multitude de renseignements et de réglages, allant même jusqu’à offrir la possibilité de choisir le type d’affichage souhaité.

Dès lors, pas facile de comparer ces deux machines… Toutefois, avec une différence tarifaire allant du simple au quadruple, il y a tout de même de quoi pousser à la réflexion. Cette différence de prix exerce-t-elle réellement un impact sur le plaisir de conduite? Pas si sûr…

Au quotidien

De retour au guidon du monstre italien, je me dirige vers une destination bien connue des motards: les barrages de l’Eau d’Heure. Située non loin de mon domicile, cette route constitue en quelque sorte mon juge de paix lors des essais, entre virages et courbes rapides. La montée de Silenrieux est l’occasion pour moi de vérifier la tenue de cap impeccable de la Ducati. Les virages me sautent à la gueule tant le rythme s’élève facilement lorsque l’on ne modère pas assez la rotation du poignet droit. Malgré le gommard de 240mm, la mise sur l’angle se fait naturellement mais une fois basculée et en cas d’optimisme prononcé, mieux vaut ne pas hésiter à s’engager physiquement afin de ramener les 244kg de la bête à la corde.

Ma route se poursuit en direction de Chimay et je profite pleinement du train avant chirurgical de cette Ducati. Je ressens toutefois quelques sautillements de l’arrière sur route dégradée. Un arrêt rapide me permettant d’assouplir l’amortisseur via une petite molette bien placée solutionnera en partie le problème.

De retour par les petits villages, la Diavel S me fait sentir qu’elle n’est pas dans son élément, les nombreux changements d’angles à 90° dans ces petites rues étroites révèlent en effet un aspect plutôt pataud. Décidément, cette Diavel S a besoin de grands espaces pour exprimer pleinement son potentiel!

Afin d’être équitable, je décide d’emprunter le même itinéraire avec la Benelli. Son moteur très souple associé à un embrayage et à une boîte vraiment douce me permettent d’évoluer sereinement. Bien entendu, le rythme adopté n’est pas le même, mais je me sens bien plus en confiance tant les changements d’angle s’opèrent avec aisance. En toute circonstance, la Benelli se montre prévenante et pardonne les erreurs.

Cependant, mieux vaut adopter une allure plus modérée lorsque le revêtement de la chaussée laisse à désirer car ici, pas de réglage d’amortissement possible. Mon dos s’en souvient encore, je peux vous l’assurer. Une météo clémente m’accompagne sur le retour et je constate que, tout comme sur la Ducati, le petit écran TFT devient totalement illisible, voire aveuglant, dès que le soleil se trouve dans mon dos. Je roule déjà depuis 295km et la jauge m’indique que le réservoir est à peine en dessous de la moitié! Un passage à la pompe me permettra de vérifier une consommation de 4,53l, soit une autonomie approchant les 450km!

Conclusion

Machine sensationnelle, la Ducati Diavel 1260 S se veut exclusive et jouissive pour un usage récréatif.  Une moto de pur plaisir mais à ne certainement pas mettre en toutes les mains.

La Benelli 502C se montre, quant à elle, exploitable au quotidien, sans avoir à pâlir de ses prestations. Certes prioritairement destinée aux permis A2, elle n’en reste pas moins plaisante pour les motards plus expérimentés pour qui 159ch ne représentent qu’une colossale taxe de mise en circulation à payer.

Plus qu’un écart de tarif abyssal, ces deux motos offrent une philosophie diamétralement opposée. Choix du cœur ou choix de raison, si vous ne parvenez pas à vous décider, votre banquier aura certainement son avis sur la question…

Le duo

Autant vous avertir dès le départ, si vous cherchez une moto pour emmener votre passagère, passez votre chemin sous peine de demande de divorce instantanée! Bien qu’hésitant à me prêter au jeu du duo, j’ai tout de même tenté l’expérience par souci professionnel. Sensiblement plus accueillante avec un selle plus large et plus longue, la Diavel S me semble «la moins pire». De plus, cette dernière se voit dotée d’une poignée passager rétractable astucieusement cachée sous la selle. Du côté de la Benelli, il semble que les repose-pieds passager soient uniquement présents par souci d’homologation. Loin d’être gros, j’ai du mal à caser mes fesses sur ce petit bout de selle triangulaire. Et comme si cela ne suffisait pas à ma peine, aucune poignée n’est à disposition! Ajoutons à cela un amortisseur arrière manquant cruellement de souplesse et je m’imagine déjà éjecté de la moto sans que le pilote ne s’en aperçoive…

L’avis de Bernard

Pilote essayeur pour Moto 80

Lorsque Julien me demande de l’accompagner pour une session photos, les motos qu’il m’explique avoir retenues m’interpellent quelque peu. Une Ducati Diavel (la version S en plus!) contre… une Benelli 502. Diable! J’ai déjà participé à des essais originaux mais celui-ci va valoir son pesant de cacahuètes! Mais lorsqu’il m’explique la philosophie de ce comparatif où l’une des deux machines fait quatre fois le prix de l’autre, je comprends mieux sa démarche, étant moi-même depuis longtemps persuadé que le plaisir procuré au guidon d’une machine n’est pas nécessairement en rapport avec son prix d’achat. Déjà, lorsque l’on détaille les deux machines garées côte à côte sur le parking, on ne peut manquer d’être surpris par leur ressemblance. Certes, la petite asiatique fait un peu jouet en comparaison de la grosse matrone italienne mais nos amis chinois y vont quand même fort dans le domaine de la copie. On se demande d’ailleurs pourquoi le service juridique de Ducati ne leur est pas tombé sur le dos! Et comme il fallait s’y attendre, en prenant successivement le guidon de nos montures du jour, on passe vraiment d’un monde à l’autre. D’un côté, une vraie balle rouge qui accélère comme un dragster dans un vacarme qui vous prend aux tripes. De l’autre, une petite moto maniable et légère qui vous emmène tranquillement au rythme de son moteur extrêmement doux. Le bloc de la Benelli constitue d’ailleurs une agréable surprise par sa régularité cyclique de premier plan. En somme de duel, nous avons donc la diablesse envoûtante et sexy contre la gentille fille un peu timide. Vu comme ça, le choix sera vite fait me direz-vous. Peut-être. Mais si l’une s’avère un bel objet très agréable à détailler et bien fini (si j’ose dire!), elle le fait payer cher: une fois que vous aurez ouvert en grand trois ou quatre fois et que vous vous serez retrouvé pendu au guidon à résister à la force du vent, vous en aurez vite fait le tour. À part cela, j’ai trouvé la Diavel peu pratique, pas très confortable et, surtout, assez pataude à emmener avec son énorme pneu chargé de faire passer au sol sa grosse cavalerie. La petite Benelli, elle, risque finalement de devenir attachante grâce à son caractère affable et bienveillant. Pour le prix, elle fait le job très convenablement. Finalement, la fille facile n’est pas celle que l’on croit!

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Benelli 502C

Les up

– Accessible aux permis A2

– Facilité d’utilisation

– Tarif léger

Les down

– Amortisseur non réglable

– Frein arrière spongieux

– Duo compromis

Prix de base: 6.299€

Prix de la moto essayée: 6.299€

Consommation mesurée : 4,53l/100km

 

Ducati Diavel S

Les up

– Équipement haut de gamme

– Sonorité envoûtante

– Moteur rageur…

Les down

– …à ne pas mettre entre toutes les mains

– Repose-pieds en pointe

– Tarif prohibitif

Prix de base: 23.490€

Prix de la moto essayée: 23.490€

Consommation mesurée : 6,14l