Comparatif Bmw S1000 XR vs Ducati Multistrada 1200 S

Essais Motos Laurent Cortvrindt
Partager

Le refrain est désormais connu: les gros trails et les routières de haut de gamme débordent de puissance. Et quand ces deux types de moto fusionnent pour créer un genre hybride, celui du tourisme sportif, l'amateur de sensations n'est pas en reste. Mais attention, l'excès nuit gravement à la santé et le bilan ne se révèle pas toujours aussi flatteur que l'on pourrait a priori le croire…  

Pour innover, soit on stimule son département R&D, soit on fait preuve de rationalité créative et on assemble les meilleurs éléments de sa production. Pour sa S 1000 XR, BMW a choisi la seconde option. Une allure et une stature de petite (à peine moins) GS, le bloc quatre cylindres du roadster S 1000 R et zou, le tour est joué. BMW «invente» un nouveau segment: celui de l'Adventure Sport! Si, a priori, on peut émettre de grosses réserves face à une démarche aussi élémentaire pour lancer une «nouvelle» moto, l'essai dynamique va vite renvoyer les plus sceptiques au vestiaire. De son côté, Ducati aime présenter sa Multistrada comme une machine «multimodale» capable de passer d'un usage sport au tourisme, à la ville ou aux pistes en un seul clic, via une sélection de cartographie moteur. On l'aura vite compris, ces deux motos sont à la croisée des chemins. Et si la position de la Multistrada est bien affirmée au sein de la gamme Ducati (derrière le Scrambler, c'est tout simplement la meilleure vente), faire vivre la S 1000 XR dans l'ombre de la reine GS sera, sans doute, le pari le plus délicat à relever pour BMW…

 

Deux gros coffres

Dans le coin gauche, un quatre cylindres en ligne de 999cc développant 160ch à 11.000r/min pour 112Nm à 9.250tr/min. Poids de la BMW, 228kg tous pleins faits. Dans le coin droit, un bicylindre en L de 1.198,4cc fort de 160ch (lui aussi) à 9.500tr/min pour 136Nm à 7.500tr/min. Poids de la Ducati, 235kg en ordre de marche. Le combat s'annonçait donc pour le moins serré, sauf pour les tests de reprise qui devaient, en toute logique, tourner rapidement en faveur de l'italienne. Après l'essai, nous avons vérifié une seconde fois ces chiffres annoncés par les constructeurs… tant les résultats du terrain nous ont laissés sans voix. En 3e vitesse à 50kmh, en 4e et en 5e à 70km/h, la BMW reprend plus vite que la Ducati. En 6e à 120km/h, il n'y a même plus de match. Et pire encore, à 120km/h, si l'on redescend en 5e avec la Ducati, l'allemande parvient encore à lui coller au train… en 6e! Que retenir, dès lors, de ce véritable Waterloo? Même s'il est directement hérité d'une autre moto de la gamme BMW, le 4 pattes de la S 1000 XR est un moteur moderne et qui reste un must absolu à ce jour. Quand nous avions comparé la BMW S 1000 R aux Ducati Monster 1200 S, Kawasaki Z1000 et KTM 1290 Super Duke, il avait déjà fait fantasmer tous nos essayeurs. Pas de surprise donc à retrouver les mêmes sensations avec lui malgré un «habillage» différent. On pourrait de prime abord avoir un peu peur que ce bloc ne se montre pas trop cohérent dans une partie-cycle «trail sportif». Mais il n'en est rien, le mariage est une réussite! Souplesse, progressivité, puissance et rage dans les tours: un pur bonheur!

Autre gros point fort du 4 cylindres allemand, ce moteur se révèle extrêmement prévisible et il a le bon goût de mettre en confiance en cinq minutes, malgré la cavalerie! Concernant la Ducati, ni le couple ni la puissance annoncés ne semblent être au rendez-vous. Le très gros progrès enregistré par cette nouvelle Multistrada s'enregistre à basse vitesse, dans les évolutions urbaines, où le caractère du bicylindre en L fait preuve de beaucoup plus de rondeur et d'onctuosité que son prédécesseur. Mais côté chevaux, l'arrivée de la puissance se révèle bien plus chaotique. Et s'il n'est pas toujours évident de percevoir avec une précision extrême la différence d'arrivée de puissance d'une moto à l'autre, l'exercice de sensibilité suprême reste le… wheeling! Électronique coupée, avec la Ducati, quasi impossible de faire lever la roue avant tant la moto se cabre beaucoup trop violemment dans les 2 modes sportifs. Un exercice, par contre, tellement plus facile avec la BMW…

 

Autres caractères

Ralentissons à présent le tempo. Pour apprécier deux bocs souples et agréables plus bas dans les régimes et pour jouer un peu avec les cartographies. Outre son mode Enduro, plutôt là pour la déco vu sa monte d'origine, la Ducati dispose encore de trois autres cartographies. Sport et Touring, tout d'abord, en full power, qui se distinguent essentiellement par leurs paramétrages de la réponse des gaz, du contrôle de traction, de l'ABS et du contrôle de wheeling. Et enfin Urban, quant à lui, délivre 100ch dans une atmosphère plus chaloupée. Intéressant sur les pavés ou le mouillé, par exemple. Au niveau du caractère du moteur, la différence entre les deux seuls modes Rain et Road de la BMW est naturellement plus marquée. En option, on peut opter pour le mode Dynamique (option Mode de pilotage Pro) qui, comme son nom l'indique, tranche plus nettement en matière d'arrivée de puissance avec la douceur du mode Road.

L'admission variable est certainement responsable, en partie, du caractère moteur de la Ducati. Et cette arme marketing fait fausse route, selon nous, en voulant absolument tirer les chiffres vers le haut. On est désormais loin du «bi» supercarré. L'architecture moteur est-elle encore compatible avec de tels caractères? On voudrait bien voir la différence avec un V4… En attendant, heureusement que l'électronique veille au grain sur les deux machines mais surtout sur la Ducati! Sur l'angle, avec route grasse et sans traction control, nous n'aurions pas rigolé. Malgré un tableau de bord peu lisible pour ce qui concerne l'affichage des modes de conduite, BMW parvient à conserver une convivialité acceptable au niveau des réglages. Le conducteur s'armera, par contre, d'une sacrée patience et, surtout, d'une bonne logique «informatique» pour gérer la Ducati. Et quand on se dit que l'acheteur potentiel de ce style de moto parvient souvent à peine à gérer un Smartphone, on se dit qu'il n'utilisera pas le tiers du quart des possibilités quasi infinies qu'offre la Ducati. Pour Arnaud, par exemple, qui aime tant les wheelings et les dérapages, la BMW permet de tout débrancher en appuyant deux fois sur le même bouton!

 

Question d'équilibre

Puisque nous avions retenu la Multistrada 1200 S, nos deux motos étaient équipées de suspensions adaptatives électroniques. Ces systèmes, qui imposent d'allonger quelques billets de plus à l'achat, représentent néanmoins une véritable plus-value en utilisation routière. On ressent de réelles différences en passant d'un mode de conduite à un autre sur nos deux montures et, dans tous les cas de figure, celles-ci demeurent relativement confortables. Nous avons parcouru environ 600km en 2 jours, en gesticulant comme il le convient pour les sessions photos. Et à aucun moment nous n'avons ressenti d'ankylose dans les bras, les épaules, le bas du dos, le bassin ou encore les genoux. Malheureusement pour la Ducati, le constat reste le même qu'au niveau du moteur: la BMW s'est montrée plus équilibrée! Si l'on fait route sur la Ducati, et que l'ouvreur décide d'élever le ton sur la BMW, on abandonne en se disant que le gaillard devant connait la route comme sa poche et qu'il tient une pu**** de rythme. Mais avec une moto en théorie plus puissante et de plus grosse cylindrée, l'égo en prend un coup. Alors on se crache dans les mains et on se secoue pour accélérer tôt, freiner tard et éviter de perdre définitivement sa trace.

Et puis, quand on change de bécane et qu'on repasse par la même route, on comprend de suite pourquoi l'un s'envole et l'autre sue à grosses gouttes. Les chevaux de la BMW sont de vrais pur-sang, la maitrise de la puissance se révèle nettement meilleure mais surtout, le châssis va là où le pilote le décide. Même sur les freins, en entrant en courbe, la S 1000 XR va exactement à l'endroit où on décide de l'engager alors que la Ducati révèle une réelle tendance à «verrouiller» sa direction. Plonger à la corde devient, en Multistrada 1200 S, carrément physique! En bon pistard, Arnaud Brochier parviendra à trouver le bon équilibre en bossant un peu sur l'électronique car chaque mode se révèle paramétrable au niveau de l'hydraulique avant et arrière. Mais force est de constater que là où il faut bosser sur la Ducati et posséder au moins quelques notions de mécanique, la BMW brille par sa perfection élémentaire! Ceci s'avère d'autant plus problématique que le motard lambda n'osera sans doute jamais toucher à ces réglages s'il n'y connait pas grand-chose. Il est également étrange de constater qu'en passant en mode «avec bagage et passager» cela n'ait pas modifié le comportement de la Ducati de manière significative. D'où, encore une fois, l'intérêt de modifier chaque paramètre de la Multistrada pour que la moto puisse mieux répondre à ses envies. Une véritable usine à gaz… Rayon freinage, par contre, rien à dire d'un côté comme de l'autre. C'est efficace, endurant et sécurisant, avec naturellement l'ABS de série sur les deux machines.

 

Visa Master Gold Premium

La technologie et la puissance, ou inversement, ça coûte bonbon. La Multistrada 1200 S, avec ses suspensions semi-actives Skyhook (DSS), flirte avec la barre des 20.000€: 19.690€, très exactement! Par rapport à la Multistrada 1200 standard (17.390€), la S se distingue par son Ducati Multimedia System, son phare avant à LEDs avec phares adaptatifs et donc, son DSS. Le pack Urban à 664€ se compose d'un top-case et d'un sac réservoir avec fermeture et port USB. Ensuite, nous avons trois packs à 1.081€ chacun. Le Touring, qui propose les poignées chauffantes, les valises latérales et une béquille centrale. Le Sport, avec un silencieux Termignoni, un garde-boue avant en carbone ainsi que des réservoirs de liquide de frein et d'embrayage finition alu. Enfin, l'Enduro, avec des phares additionnels et divers accessoires signés Touratech. Ajoutez une taxe de mise en circulation de 1.239€ et le cap des 20.000€ sera allègrement franchi quand vous sortirez de votre concessionnaire Ducati avec le bon de commande.

Le prix de base de la BMW S 1000 XR est établi à 15.850€. Avec une taxe de mise en circulation identique à la Ducati, c'est donc 1.500€ de moins que la Multistrada 1200. Pour établir une comparaison correcte avec la 1200 S, il faudra puiser dans le catalogue d'options de BMW. À savoir: le pack Touring (ESA Dynamique, préparation navigation, poignées chauffantes, béquille centrale, porte-bagages, préparation valises latérales) à 1.570€, le pack Dynamique (contrôle de traction, quick-shifter pro, mode de conduite Pro, cruise control, clignotants LED blancs) à 1.070€ et les protège-mains à 90€. Soit un complément de 2.730€, pour une addition totale de 18.580€. Comme pour la Ducati, cette addition salée n'est clairement pas à portée de tous les motards. Mais même avec un niveau d'équipement finalement plus avantageux grâce au petit jeu des packs, notamment par la présence d'un excellent quick-shifter qui vous aide à monter comme à descendre les vitesses à la volée, des poignées chauffantes et d'une béquille centrale, la BMW conserve encore une avance de 1.110€. Rayon consommation, en vitesse stabilisée sur autoroute, nous avons enregistré une moyenne de 6,4l pour la Ducati et de 6,5l pour la BMW. En usage mixte, la S 1000 XR continue à se montrer un peu plus gourmande que la Multistrada, avec 6,77l/100km contre 6,16l/100km.

 

Conclusion

De retour de notre escapade, un grand moment de solitude s'empare de nous. Ce comparatif, c'était celui que toute la rédaction attendait depuis le début de l'année. L'affrontement de deux ténors. Et comme le «combat du siècle» qui opposa, il y a quelques mois, Floyd «Money» Mayweather à Manny Pacquiao au MGM Grand, l'affiche somptueuse n'a pas tenu son rang. Sur nos routes ardennaises comme sur le ring le plus célèbre de Las Vegas, le spectacle ne fut pas au rendez-vous. Mais ici, les deux stars de la route ne se sont pas marquées à la culotte, en retenant leurs coups du premier au dernier round. Non, après une très courte phase d'observation, la tenante du titre (la Multistrada s'était classée deuxième d’un cheveu dans notre grand comparatif trails, cf Moto 80 n°740) a reçu uppercut sur uppercut de la part de sa challenger. De la 1re à la 6e vitesse, des bas régimes aux vitesses supersoniques, la S 1000 R est un véritable régal de moteur, de châssis et de suspension. En compétiteurs, nous n'avons pas arrêté le match sur KO technique mais la victoire aux points va indiscutablement au coin allemand car en face, la Multistrada 1200 S s'impose uniquement dans les domaines du confort et du design. Si son agrément excellent à vitesse touristique se transforme en épreuve quand on accélère, en définitive, à quoi bon avancer 160ch sur la balance? Cela n'a aucun sens car, quand on termine en examinant le budget, on constate que la BMW coûte, à équipement similaire, largement plus de 1.000€ moins cher que la Ducati. Les chiffres et les grands discours marketing ne sont pas tout, c'est sur la route, qu'il faut assurer!