Ducati Sixty2, le gentil scrambler!

Essais Motos Bruno Wouters
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Ducati joue sur du velours avec ses Scramblers. Le pari pouvait sembler osé mais il n'a pas fait peur aux Italiens qui avec succès, ont également investi de nouveaux marchés ces dernières années, comme celui des trails ou des powercruisers.

Alors, vous pensez, une machine accessible, vaguement néo-rétro et s'appuyant sur la légitimité d'un beau passé, ça valait d'autant plus de tenter le coup qu'il commence à être grand temps pour le petit monde de la moto d'engranger de nouveaux clients, appelés à renouveler tous ceux qui commencent doucement à se faire vieux! Soigneusement «marketé», le lancement du Scrambler établit une marque dans la marque mais surtout le «way of life» qui l’accompagne. Rien ne manque dans ce discours précieusement formaté, ni la pièce pour personnaliser la machine ni le morceau de vêtement pour se sentir membre à part entière de cette belle grande famille, fan de BMW, de surf, de roller ou de street art!

Et le succès n'a guère tardé! Ducati finit 2015 en progression de 22%, avec près de 55.000 machines vendues. Parmi celles-ci, 16.000 Scramblers! Ducati rentre pour la première fois dans le très disputé top dix des motos les plus vendues au monde, plaçant son Scrambler à la dixième place! Le Scrambler ratisse large: des possesseurs de Ducati, bien sûr, pas mal de conquêtes aussi avec des clients qui achètent ici leur première moto de Bologne mais aussi des débutants et de nombreuses femmes. Le concept de la Sixty2 s'est donc rapidement imposé. Plus qu'une moto, la Sixty2 devient une stratégie qui confirme les immenses ambitions d'une marque qui peut s'appuyer sur son prestige actuel et la légitimité d'un riche passé. La Sixty2 constitue le ticket d'entrée à la marque, une proposition plus accessible et moins chère que le Scrambler 800cc.

 

Pop Icon

La présentation à Barcelone donne immédiatement le ton: les quelques rares journalistes de la presse spécialisée, dont je suis, se sentent un peu perdus (mais néanmoins charmés!) au milieu d'un aéropage de jeunes femmes d'une presse lifestyle qu'ils n'ont guère l'occasion de fréquenter habituellement! Le programme de la journée les laissera d'ailleurs sur leur faim jusque dans l’après midi, où ils pourront enfin monter à l'assaut des montagnes bordant le nord de Barcelone au guidon de la petite dernière de Borgo Panigale. Auparavant, le staff leur aura bien fait comprendre à qui était destinée la cadette de la famille: les «djeunes», urbains et branchés. Nous nous sommes donc coltinés des kilomètres de boulevards dans Barcelone, histoire sans doute de mesurer qu'une Sixty2 valait bien n'importe quel scoot ou 125cc dans cet exercice! Et pour justifier le discours marketing d'une Sixty2 «pop icon», héritière de la culture surf-skate-BMW, et sans doute aussi pour nous permettre d'entrevoir les merveilleuses possibilités de personnalisation de la bête en puisant dans le généreux catalogue de pièces plus ou moins inutiles (je me demande bien combien ils vont vendre de supports de rollerskate…), nous voici dans un magasin de Barcelonetta à démonter les roues et les essieux d'un roller! Qui dit jeune, urbain et branchouille, dit aussi street art. Nouvel arrêt à Palo Alto Market, histoire de libérer nos talents artistiques à coups de marqueurs et de pochoirs vantant la gloire du Scrambler et de Bart & Betty, les deux héros d'une bédé dédiée à notre moto. Au fait, Bart, un singe, pourquoi? Mystère… Étape obligée encore, le rollerpark. Moyenne d'âge des pratiquants: entre six et vingt ans… Pas certain qu'ils recrutent le gros de leur clientèle ici!

 

Accessible mais premium

15h30: je commence vraiment à me demander quel intérêt de me faire chauffer les jambes dans les embouteillages depuis notre départ de l'hôtel ce matin à 8h30 quand, finalement, vient le moment de la récompense! Nous sortons enfin de la ville pour parcourir les petites routes qui serpentent à l'assaut des collines. Mais revenons à la présentation de la Sixty2, que Ducati se garde bien de considérer comme un Scrambler au rabais, ce qu'on a bien compris en regardant le tarif: 7.790€, soit seulement 900€ de moins que l'Icon! Espérons pour eux que le pari soit réussi! Pas au rabais, donc, avec une ligne parfaitement réussie, à notre avis la plus équilibrée de la bande avec celle de la Classic. Et parmi les différences, toutes vont dans le sens de plus d'authenticité et de sobriété. La fourche conventionnelle lui va comme un gant, et personne ne déplorera la disparition du hideux bras oscillant en alu au profit d'un plus élégant élément en acier, ni le passage à la trappe de l'hypertrophié pneu arrière de 180, remplacé par un 160, tout profit pour le coup d'œil comme pour la maniabilité.

Le réservoir perd ses inserts latéraux en alu, un moindre mal, et un demi-litre gagné en contenance dans la foulée. Le disque avant perd 10mm en diamètre et son étrier radial à quatre pistons pour une pince flottante à deux pistons, logique avec des performances en retrait. Le pot d'échappement est conservé mais passe au noir, tandis que le collecteur se simplifie, histoire de moins dégager de chaleur. Le bloc 400 fait l'impasse sur le radiateur d'huile, la selle se veut plus conciliante pour les fessiers fragiles mais culmine toujours à seulement 790mm (en accessoires, 770mm et 810mm disponibles). Sous la selle, par contre, plus de port USB: il a disparu, tous comme les rétros stylés, remplacés par de basiques éléments ronds en acier. Beaucoup de petites économies donc mais qui ne se répercutent guère sur la facture finale. Notons encore des suspensions tarées légèrement plus souples et près de 3kg de gagnés sur la balance par rapport à l'Icon.

 

Sage mais amusante

Pour le reste, même accastillage, dont le phare et son pourtour LED caractéristique et le tableau de bord minimaliste. Pas de surprise côté moteur, facilité et convivialité sont privilégiées, avec une courbe de couple très plate, rendant le moteur facile et conciliant. En ville, la Sixty2 tire élégamment son épingle du jeu. Position de conduite idéale, buste bien droit, jambes raisonnablement repliées, selle et suspensions accommodantes, la Sixty2 est validée apte au commuting, malgré son rayon de braquage perfectible et quelques remontées de chaleur du moteur à l'arrêt, ce qui pourrait devenir gênant en plein cagnard. Elle se rattrape par son relatif confort, en progrès par rapport à la 800, et son petit bloc, facile à vivre. Ce dernier accepte de reprendre sans réelle mauvaise volonté dès 2.500tr/min. Il se montre, on s'en doute, tout sauf violent, ce qui mettra nos essayeurs et essayeuses du jour, pas forcément aguerris, immédiatement en confiance. Objectif atteint. Personnellement, j'apprécie aussi cette facilité qui permet de rouler sans arrière pensée, celle qui vous fait stresser au franchissement d'un passage clouté ou d'une taque d'égout glissants, celle quand vous vous rendez compte que vous arrivez comme un boulet au prochain carrefour parce que vous avez un peu trop caressé la poignée de gaz qui libère les 160 ou 180 ch de votre surpuissant et haut perché trail de dernière génération! Vous savez quoi? Ça repose… En ville, le freinage ne mérite que des éloges: assez puissant, progressif et facile à doser, un (presque) sans faute, auquel on ne reprochera que l'absence de leviers réglables, un petit plus qu'auraient sans doute apprécié les mains les plus menues. La fourche plonge, bien sûr, rien de plus normal avec un débattement de 150mm. Mais ici non plus, rien de rédhibitoire. La garde au sol, non mesurée, m'a par contre un peu laissé sur ma faim: attention en descendant les bordures un peu hautes!

 

Conclusion

Après avoir scrupuleusement subi au fil de la journée les joyeuses activités de nos gentils organisateurs vient donc enfin la récompense: quelques dizaines de kilomètres sur la BV1468 qui mène à Sant Bartomeu de la Quadra, dans les collines bordant le nord-ouest de la capitale catalane. Confrontée à l'épreuve de la route, la Sixty2 nous gratifie d'un excellent comportement. Aussi joueuse que précise, elle se jette avec gourmandise d'un virage à l'autre. Les suspensions, pourtant tarées plus souples que sur les 800, ne grèvent en rien ses capacités. La Ducati se place avec toute la précision voulue. Les freins offrent ici aussi un mordant largement suffisant pour l'exercice. Les performances? Correctes! Il ne faut pas hésiter à monter dans les tours, et jouer de la boîte à qui mieux mieux pour tenir un rythme soutenu, mais ce petit Scrambler fait mieux que de la figuration! Toujours aussi facile et amusant à mener, il permettra aux débutants de progresser sans arrière-pensée, et aux «moustachus» de retrouver les sensations de leur lointaine jeunesse, celle où ils faisaient leur miel des moyennes cylindrées. Au bilan, une sacrée bonne moto, de celles qu'on a envie de posséder dans le garage, de celles qu'on prendra avec autant de plaisir pour éviter les embouteillages de la semaine que pour une petite balade dominicale, de celles qui vous donneront envie d'initier votre douce moitié et votre grand ado aux joies simples et toniques de la pratique de la motocyclette. Cette Sixty2 nous renvoie clairement à l'époque de son aïeule, ces golden sixties où le grand public pratiquait, peu ou prou, la moto, alors omniprésente jusque dans les publicités. Rien que pour ça, on l'aime déjà!