Ducati 848 Evo, en émoi pour l’Evo

Essais Motos Christophe Jardon
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Pas toujours facile de s'y retrouver parmi les différentes versions de modèles superbike Ducati. Il y a (ou il y a eu) des S, des R, des SP, même des SPS… Il y a aujourd'hui les Evo, comme la nouvelle 848 Evo que nous avons évaluée pour vous à Imola.

Il est rare que Ducati présente un nouveau modèle sur le circuit d'Imola. Le célèbre tracé italien fait pourtant partie de l'histoire de la marque.

Chez Ducati, on parle du circuit maison, puisqu'il est situé à moins d'une heure de route de l'usine, même s'il porte le nom de circuit "Enzo e Dino Ferrari". C'est comme si les Italiens nous recevaient chez eux. L'émotion est palpable. On nous parle d'héritage de la compétition, des derniers résultats enregistrés ici même quelques semaines plus tôt à l'occasion de la manche de superbike (5 Ducati sur les 6 places du podium)… Même Carlos Checa est là, sans oublier les amis de chez Pirelli.

Version 2.0

En attendant que le soleil réchauffe la piste, Francesco Rapisarda, directeur de la communication, nous présente les deux vedettes du jour. Car il y en a deux. Aux côtés de la 848 Evo, le staff Ducati présente la version SP de sa 1198 pour une rapide prise de contact (à lire en page 33).

D'abord une clarification. La 848 Evo est la nouvelle 848, pas une version upgradée destinée à renforcer l'offre du constructeur dans ce segment. Une sorte de version 2.0.

Ensuite un petit retour en arrière. C'est en 1994 que Ducati lançait sa première superbike "mid-size" (de cylindrée moyenne), la 748, qui allait devenir 749. La première 848 apparaît en 2007 et devient rapidement la superbike "mid-size" la plus vendue dans l'histoire de la marque, avec un profil de client rêvé. Les acheteurs de 848 sont jeunes (comme ceux de la Monster 696), mais ils sont surtout (pour 80% d'entre eux) des nouveaux Ducatistes. Une véritable mine d'or pour un constructeur.

Ce succès s'explique notamment la ressemblance esthétique entre la "petite" 848 et sa grande sœur la 1198. Mais d'autres facteurs sont avancés : l'héritage de la compétition, les performances (la 848 bénéficie du v-twin à la puissance au litre la plus élevée du marché), la légèreté… Pour la version Evo, certains points devaient néanmoins être améliorés. C'est pourquoi les ingénieurs ont travaillé dans deux directions : l'accroissement des performances du moteur et du système de freinage ainsi que l'amélioration de la tenue de route. Car chez Ducati, on n'est pas du genre à s'endormir sur ses lauriers.

Moteur et châssis

Le bicylindre en V voit sa puissance passer à 140ch à 10.500tr/min et son couple à 10kgm à 9.750tr/min. Comment ? Par un gros travail réalisé sur le haut moteur avec des chambres de combustion revues, de nouveaux pistons, un taux de compression qui passe de 12:1 à 13,2:1, des ports d'admission redessinés, de nouveaux arbres à cames, un timing de levée de soupapes adapté et des corps d'admission de plus gros diamètre (ø60mm au lieu de 56). Sur papier, cela donne six chevaux supplémentaires, principalement gagnés à hauts régimes (entre 9.000 et 11.000 tours).

Côté châssis, le freinage est amélioré par l'arrivée d'étriers Brembo radiaux monoblocs qui, toujours sur papier, augmentent de 20% la puissance de décélération. Un amortisseur de direction fait également son apparition, alors que les pneumatiques d'origine sont désormais les Pirelli Diablo Supercorsa SP. Ni plus ni moins que le plus sportif des pneus homologués du marché, directement dérivés des gommards utilisés en championnat du monde supersport et superbike.

Pour cette présentation internationale, le manufacturier a poussé le vice jusqu'à équiper les motos d'essais de gommes encore plus tendres (spécifications : SC2 à l'avant, SC1 à l'arrière). "Il faudra juste faire attention dans la 'curva Acque Minerali' lors des sessions matinales à cause de l'humidité", tempère Carlos Checa. "Quand la piste sera sèche, vous pourrez y aller franco…"

Inutile de préciser que l'ensemble des journalistes a suivi à la lettre les recommandations du champion espagnol en ce qui concerne la prudence matinale mais aussi pour le reste… On a donc mis du gros gaz !  

Emotions

S'approcher d'une supersport religieusement rangée sous le soleil, s'installer à son guidon, démarrer son moteur, s'élancer dans la voie des stands pour monter sur un circuit prestigieux… Autant de petits moments forts en émotions, mais qui gagnent encore en intensité lorsqu'il s'agit d'une Ducati. Monter sur une Ducati sera toujours plus intense que sur une japonaise ou une autre européenne. Probablement à cause de cet héritage de la compétition. Avoir Carlos Checa comme guide pour découvrir le circuit y est aussi pour quelque chose. Dès la première ligne droite, le moteur montre qu'il a changé. Plus de force, de souplesse, de puissance et de caractère. Au premier freinage appuyé, ce sont les étriers Brembo qui dévoilent leur nouveau visage. Une puissance impressionnante, mais une progressivité qui l'est tout autant… L'essai serait-il déjà fini ? Non, car tout au long de la journée, la 848 Evo va nous en apprendre un peu plus sur son nouveau potentiel.

Ça bouge !

Dès la fin de la première session, les journalistes les plus rapides se plaignent des gros mouvements des suspensions et d'importants transferts de masses qui nuisent à la stabilité comme à la tenue de route, notamment dans les changements d'angles rapides et les accélérations en sortie de courbe. Des mouvements que nous ressentons également, mais sans en être gênés. Au contraire même : pour une fois qu'une Ducati n'est pas rigide comme un morceau de bois, on ne va pas se plaindre. D'autant que même si elle bouge, la 848 Evo reste saine et sécurisante, et offre un excellent feeling de la piste (fortement bosselée par endroits). Elle est également d'une grande précision et rentre dans les courbes avec une évidente facilité.

Ça cause entre essayeurs et techniciens. Les premiers incriminent des suspensions réglées trop souples. Les seconds rejettent la faute sur le pneu arrière, trop tendre pour les conditions du jour. Depuis le matin, la température n'a cessé de monter, perturbant autant les settings de suspensions que le comportement des pneus. "Hier et les jours précédents, il faisait plus froid", explique un responsable. "Les réglages d'origine et les pneus tendres convenaient mieux qu'aujourd'hui."

Pour nous, c'est surtout lors de la dernière session, quand la température aura encore monté de quelques degrés, que ces problèmes vont apparaître. Dans les gros freinages, la souplesse des suspensions commence à déstabiliser l'ensemble. Plus de compression et de détente à la fourche permettra de réduire le phénomène, mais des réglages plus fins n'auraient pas été inutiles. Rien d'alarmant en soi, ni même d'étonnant : des réglages de suspensions d'origine sont rarement adaptés à une utilisation 100% circuit.

En outre, ils n'occultent pas le plaisir qu'on éprouve à profiter de la précision du châssis et du moteur, qui donne le meilleur de lui à partir de 7.000 tours et jusque 10.500 tours. Pour bien sortir des chicanes les plus lentes et ne pas tomber dans un léger creux aux alentours de 6.000tr/min, mieux vaut redescendre en première. Et ne pas tarder à passer le rapport supérieur, sous peine de buter sur le rupteur, qui intervient à 11.300 tours. Une plage de régime typiquement v-twin et une puissance maîtrisable qui permet de se concentrer sur le pilotage et les trajectoires sans se fatiguer. Avec une belle efficacité à la clé.

Enjeu majeur pour Ducati, la nouvelle 848 voit son comportement amélioré dans tous les domaines pour un prix qui n'évolue quasi pas. Encore une bonne nouvelle…