Essai Triumph Speed Triple S – RS: retour en force!

Essais Motos Bernard Dorsimont
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La présentation de cette nouvelle version de la Speed Triple est un peu une surprise. Sortie en 1994 déjà, la native d’Hinkley avait pourtant subi une refonte complète en 2016. On ne s’attendait donc pas à la voir débouler si rapidement munie d’un surcroît de puissance et d’une électronique améliorée. À l’évidence, Triumph a revu sa copie afin de réagir face à une concurrence toujours plus affûtée. Et cette remise à niveau semble réussie.

Car pas moins de 105 nouveaux composants moteur font leur apparition avec, à la clé, un gain de 10ch. Le gros trois pattes de 1.050cc passe ainsi de 150ch à 10.500tr/min, contre 140ch à 9.500tr/min pour l’ancienne version. La valeur de couple progresse, elle aussi, avec 117Nm contre 112Nm auparavant.

Cette augmentation du régime moteur de 1.000tr/min est due à de nouvelles chemises de cylindre plaquées Nikasil plus légères, des pistons modifiés, de nouveaux ressorts de soupape et des profils de came inédits. Un nouveau tendeur de chaîne hydraulique fait également son apparition. La culasse comme l’arbre d'équilibrage de vilebrequin sont revus et gagnent, eux aussi, quelques grammes sur la balance.

Le carter d'huile se voit également repensé, le démarreur devient plus petit, la batterie et l’alternateur gagnent du poids et la boîte à air bénéficie d’un nouveau dessin. Enfin, le trajet du système d'huile et la révision du circuit d'alimentation contribuent tous deux à diminuer la consommation de carburant.

Pour le reste, signalons un échappement de nouvelle facture, une boîte de vitesses repensée et un embrayage antidribble pour compléter la liste des modifications principales. D’après Triumph, une enquête au sein de la clientèle a permis d’orienter le développement du nouveau modèle vers deux axes principaux: davantage de puissance et une électronique plus performante.

Un bel écran couleur de cinq pouces regroupe désormais l’ensemble des informations sous les yeux du conducteur. Réglable en inclinaison et proposant plusieurs formes d’affichage faisant varier les coloris, il se révèle ultracomplet et se commande depuis un mini joystick placé sur le commodo gauche, rétroéclairé qui plus est.

Quatre ou cinq modes de conduite sont disponibles suivant les versions et un de ces modes (Rider) permet de se configurer une moto entièrement à la carte. Le tout grâce à un menu intuitif et facile à suivre. Ces modes interviennent sur l’injection de façon à ajuster la réactivité de la réponse moteur mais également sur la sensibilité de l’antipatinage et de l’ABS. Notons encore la présence d’un régulateur de vitesse de même qu’une prise USB.

Enfin, pour parachever cet upgrade électronique, une inédite centrale inertielle Continental gère l’antipatinage et l’ABS en fonction de la position de la moto sur chacun de ses axes (vitesse, accélération, angle pris par la moto). Deux versions de la nouvelle Speed seront disponibles au catalogue. La S et la RS.

Cette dernière, parée des meilleurs composants, nous est proposée à l’essai aujourd’hui. En effet, si la version S reçoit du matériel Showa, la RS bénéficie de suspensions Ölhins mais aussi de la centrale inertielle à capteur d’angle ainsi qu’un démarrage sans clé. Avec 189kg à sec, elle revendique également trois kilos de moins sur la balance. Par contre, niveau moteur, S et RS sont identiques.

TT andalou

La veille, nos collègues plumitifs venus du continent américain ont dû, les pauvres, affronter une journée particulièrement pluvieuse. Heureusement, pour nous, il n’en est rien. Un soleil encore un peu timide mais franc illumine la route montagneuse de l’arrière-pays andalou. Notre ouvreur, un ancien pilote du TT, ne se montre pas particulièrement lent, ce qui met directement en valeur le caractère joueur et réactif de la Triple.

Chaque relance devient un plaisir tant le trois-cylindres se montre vif et doux à la fois. Dans un grondement propre, participant largement au plaisir de conduite, il monte allègrement dans les tours. Mais d’une façon très progressive et sans pic de puissance. La connexion poignée de gaz roue arrière, fine, permet de doser avec précision le régime moteur souhaité.

Comparée aux deux autres roadsters surpuissants que sont la KTM 1290 Super Duke et l’Aprilia Tuono, l’anglaise ne déborde, certes, pas de chevaux mais elle franchit ici un net palier par rapport à la version précédente, tout en restant très accessible. Car tant en termes d’usage moteur que de partie-cycle, la Speed reste facile et intuitive, ne nécessitant aucun mode d’emploi particulier.

Elle suit naturellement sa trajectoire et, même si l’on souhaite se rassurer et faire appel aux aides à la conduite, pas moins de cinq programmes d’utilisation sont disponibles: Rain, Road, Sport, Rider (à la carte) et Track, avec toujours une intervention finement dosée et difficilement détectable de l’électronique.

Ce moteur rond et puissant se voit bien servi par un châssis efficace et, surtout, très neutre. Bon mélange entre stabilité et agilité, la Speed invite à l’attaque et se montre joueuse tout en gardant une tenue de cap extrêmement saine. Ce fut particulièrement visible dans une partie de routes dégagées et très rapides où toutes les grandes courbes se prenaient sur le cinquième ou sixième rapport. Bien calé derrière mon ouvreur de luxe, j’étais comme sur circuit et avec un rythme si élevé, il ne devait pas y avoir moyen d’aller beaucoup plus vite.

Aidée par des Pirelli SuperCorsa accrocheurs, la Speed s’y est montrée vraiment rassurante, même poussée pas loin de ses derniers retranchements. Avec deux particularités à signaler toutefois: d’abord, on sent un peu de poids en tête. L’architecture moteur du trois cylindres n’autorise pas un centre de gravité placé particulièrement bas et, ceci expliquant sans doute cela, ensuite, la Speed n’apprécie pas trop que l’on tienne longtemps les freins en entrées de courbes. Elle a alors tendance à se relever et à élargir. Pas gênant mais simplement à assimiler.

Toucher de piste

Bien qu’elle ne soit a priori pas destinée au circuit, les responsables de Triumph ont tenu à nous faire apprécier le comportement de la Speed dernière version «en el circuito de Alméria».

Avant de partir et, étant donné les bonnes conditions météo, j’interviens dans le menu et je passe le mode «Track» qui autorise encore un léger antipatinage pour sélectionner directement le mode «Rider» et placer le contrôle de traction ainsi que l’ABS en position «off». «Adelente»! Notre Speed aura, ainsi, tout le loisir de s’exprimer pleinement!

Comme l’anglaise se voit maintenant équipée d’un système «keyless», je me demande, par contre, où je vais bien pouvoir glisser la clé de contact dans mon cuir. Mais une fois la moto démarrée, le mécano met l’objet dans sa poche et me fait signe que je peux y aller. Nul besoin que ladite clé m’accompagne!

Carl Fogarty, ambassadeur de la marque depuis quelques années, est de la partie et nous montre les bonnes trajectoires lors des deux tours de lancement. Désormais, cette dernière version RS affiche 189kg sur la balance, soit un gain de trois unités par rapport au modèle 2016. Ceci principalement grâce à l’adoption de nouveaux silencieux Arrow en titane avec embouts carbone.

Même si les progrès sont incontestables, il n’y a pas de miracle non plus. Et dans les grandes courbes, on sent les kilos si l’on compare à une vraie sportive. Mais force est de reconnaître que la Speed se montre très à l’aise sur circuit. Une fois calée sur la trajectoire, elle ne dévie pas d’un pouce et on a vite fait de racler le bitume avec les repose-pieds.

Il faut dire que la Speed ne fait pas dans le détail en matière de suspensions. Ölhins à l’avant et à l’arrière, avec une fourche inversée NIX30 et un monoamortisseur TTX36. Avec un tel équipement, le «toucher de piste», poids mis à part, serait presque comparable à celui d’une pistarde.

De son côté, la boîte se montre précise et rapide mais aussi un petit peu dure. Le shifter up and dow (en option) joue son rôle mais coupe quand même assez nettement quand on monte les rapports, ne permettant pas de garder le régime complètement à fond.

Par contre, le double disque avant est «d’enfer». Avec un levier ajustable au niveau de la garde et de l’attaque, les Brembo radiaux monoblocs font preuve d’une extrême puissance tout en restant parfaitement dosables.

Quelques sessions de piste plus tard, on constate qu’il est donc parfaitement possible de s’adonner à la pratique du circuit au guidon d’une Speed, tout en s’amusant sur la route à l’aller ou au retour. Vu sa tenue de route particulièrement convaincante, il est même permis de penser que la Speed supporterait sans problème un petit surcroît de puissance.

Conclusion

La Speed reste une valeur sûre et, tout en se bonifiant, elle continue de préserver ce caractère canaille, voire un peu hooligan, qui a fait sa réputation depuis sa venue sur le marché. Elle propose un très bel équilibre entre puissance, réactivité, facilité d’emploi, plaisir et sensations. Son bloc trois cylindres pêchu mais très progressif procure toujours autant de bonheur et délivre une des bandes-sons les plus jouissives du marché.

Par rapport à la version précédente, il a gagné 7% de puissance et 4% de couple. Mais s’il fallait mettre en avant une des qualités de cette version RS, ce serait sa tenue de route qui, grâce à un bon châssis doté d’excellentes suspensions, associe tenue de cap et maniabilité avec brio.

Évidente, la Speed se conduit du bout des doigts et va où le regard vous mène, quelle que soit l’allure. Désormais à la pointe du progrès en matière d’assistance électronique, elle offre une excellente finition tout comme une excellente réalisation, jusque dans les moindres détails. Reste le prix, car cette version RS, particulièrement bien équipée il est vrai, s’échange tout de même à 16.530€.

 

Les up

– Stabilité & maniabilité

– Bloc expressif et réactif

– Finition & équipement

Les down

– Tarif premium

– Poids en tête un peu sensible

– Rayon de braquage limité

 

Prix de base: 14.430€ – 16.530€

Disponibilité: Avril – Mai

Consommation annoncée: 5,2l/100km