Indian Scout Sixty – À la conquête de l’Est…

Essais Motos Philippe Borguet
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Version light de la Scout, la Sixty est le nouveau fer de lance d’Indian. L’éclaireur d’une cavalerie américaine qui ne cesse de gagner du terrain, au pays de l’oncle Sam mais désormais également en Europe. 

Les Espagnols du Sud sont des chançards. Alors que février apporte quelques frimas dans nos régions, les thermomètres à Malaga flirtent avec les 20°C. Des conditions idéales pour tester la nouvelle Indian Scout Sixty. On connaissait la Scout, découvrons à présent la Sixty… qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Les différences? Elles se situent surtout au niveau du décorum même si la cylindrée se trouve également réduite. L’objectif d’Indian consiste bien à donner à cette petite dernière des arguments financiers pour attirer une plus jeune clientèle et viser une homologation actuellement en cours pour le permis A2. Voyons d’abord cette différence d’aspect qui transforme tout ce qui brille, ou presque, en «éclipse». Entendez par là que bon nombre de pièces chromées ont disparu pour faire place à un noir brillant moins tape-à-l’œil mais tout aussi esthétique. C’est le cas du phare, toujours à l’ancienne, des ressorts d’amortisseurs arrière, du guidon et même des caches d’un moteur v-twin où seuls quelques traits d’alu nature soulignent le galbe imposant.

Si elles conservent leurs bâtons et leur joli dessin, les roues ont aussi oubliés de passer par le bain de chromage. Idem pour le châssis qui fait toujours appel à un ensemble en aluminium coulé particulièrement rigide. Pour réduire les coûts de fabrication et donc de vente, l’usine d’Osceola a également opté pour des clignotants plus basiques et oublié la belle selle de cuir pour une copie en skaï noir. Pour le reste, on retrouve le réservoir en grosse goutte d’eau se mariant à souhait avec deux garde-boues enveloppant une solide tôle du Wisconsin dont les fixations, à l’avant, servent à rigidifier la fourche et, à l’arrière, à accueillir une selle passager ou un porte-bagages, l’un ou l’autre étant en option (remarquez le «ou» car les deux éléments ne sont pas compatibles). N’allez cependant pas croire que la Sixty fait dans le «cheap» car si les chromes ont disparu, la qualité est restée. La plupart des pièces se voient d’ailleurs estampillées de cette emblématique tête d’Indien et la finition générale mérite d’être observée (et copiée) par certaines marques japonaises!

 

61 cubic inches

Comme souvent pour les produits américains, la dénomination fait référence à la puissance volumétrique. On ne se refait pas et la Sixty n’échappe pas à la règle puisque son nom se rapporte directement à sa cylindrée. En diminuant le diamètre des deux pistons de 6mm, les 1.133cc de la Scout originelle sont devenus 999cc, soit 61 cubic inches. CQFD. Avec l’absence du 6e rapport de boîte et une puissance passée de 100ch à 78ch, ce sont d’ailleurs les seules différences entre les deux modèles. Comme précédemment, ce v-twin a été conçu dans les environs de Zurich, par Swissauto, un bureau d’étude qui connut son heure de gloire en Grand Prix 500 grâce au Batave Van den Goorbergh et à l’éphémère résurrection de la marque MZ. Pauvre Brigitte Bardot, avec ce moulin, elle n’aurait vraiment pas eu besoin de quelqu’un pour atteindre l’orgasme de son phantasme motocycliste! Il faut vraiment chercher dans les hauts régimes (quand même au-delà des 5.000tr/min) pour découvrir quelques soupçons de trépidations. Excusez l’image mais ce moteur tourne comme un coucou suisse, y compris au ralenti, et la maison d’en face (vous voyez de laquelle je parle) doit se faire du mouron et se poser des questions. Dans le genre custom, c’est sans doute le moteur plus agréable que nous ayons eu à exploiter.

Enfourcher une Sixty est d’une facilité déconcertante vu que la selle monoplace culmine à moins de 65cm de hauteur. Étant donné que le bas moteur de la machine se révèle fin et compact, les pieds se posent au sol sans problème alors que les bras sont assez écartés pour attraper les deux bouts du guidon ainsi que des leviers malheureusement non réglables. Devant nos yeux, un tableau de bord tout simple avec un pavé digital dont on choisira les indications: soit température du refroidissement liquide, kilométrage, trip ou compte-tours, en plus du rapport engagé et de l’horloge, en actionnant simplement l’appel de phare. On est surpris par l’équilibre général de l’ensemble. Les 246kg à vide sont bien répartis et, même lors des manœuvres de parking, la moto n’a jamais semblé vraiment lourde à déplacer. Il faut naturellement s’habituer à la position des jambes très en avant, en appui sur de simples repose-pieds et non des planchettes. Une position très custom donc qui n’interfère cependant pas sur le maniement du sélecteur à branche unique. Celui-ci est bien positionné et précis malgré une course un peu longue mais somme toute normale vu son renvoi d’une cinquantaine de centimètres. Il commande des rapports échelonnés à propos, avec une 5e faisant office d’overdrive. Par contre, nous serons plus dubitatif face à la pédale de frein. Sa course courte en prise directe, sans renvoi sur le maître-cylindre, empêche un feeling adéquat.

 

Cap sur la montagne

La clef de contact, qui sert aussi à bloquer un cale-direction à l’ancienne (ce n’est pas ce qui se fait de mieux), se situe sous le genou gauche. Petite déception auditive au lancement du moteur. Le bruit est bien trop feutré et j’envie mes collègues français dont les machines sont dotées d’échappements Remus. Une autre chanson qui, non seulement reste dans les normes de bon voisinage mais donne aussi l’impression d’une plus grande liberté du moteur. La commande de gaz «ride by wire» et la gestion de l’injection s’annoncent d’emblée comme un régal. Pas d’à-coups, une souplesse qui permet de descendre à moins de 2.000tr/min et des réactions directes suivant votre demande dans une vraie douceur, y compris au niveau de la courroie de transmission. Pas d’hésitation, la Scout Sixty est à l’aise en ville et fait preuve d’une maniabilité qu’on n’attendait pas vu la dimension de son pneu avant presque aussi massif que l’arrière. On qualifiera les suspensions d’honnêtes. Le tarage de la fourche et des amortisseurs a été revu pour absorber les défauts des chaussées mais il encaisse moins bien les compressions des nationales, surtout à l’arrière. Il n’est pas rare, si on les aborde trop vite, de décoller de la selle avec obligation de rendre les gaz et de redéfinir la trajectoire. Une selle qui semble confortable au début mais qui, au fil des kilomètres, manque de longueur et impose ainsi une position de conduite unique et constante, sans possibilité de bouger. À signaler que cette selle, qui cache batterie, boîte à fusibles et relais de démarreur sans autre possibilité de rangement, est simplement clipsée, comme d’ailleurs sur la Scout précédente, et peut être «empruntée» en un tour de main! Pas malin.

Si le simple disque et l’étrier double piston du frein avant offrent un ralentissement satisfaisant à condition de faire preuve de vigueur sur le levier, nous n’avons pas apprécié son homologue arrière. Comme déjà signalé, on ne sent pas assez ses réactions. Difficile néanmoins de faire la part des choses car les pneus Kenda en monte d’origine et estampillés Indian ne brillent pas particulièrement sur sol humide, comme nous avons pu en faire l’expérience. Nous avons été surpris par leur interaction avec l’ABS dans une zone d’ombre légèrement humide abordée, il est vrai, un peu trop audacieusement. Sans conséquence mais nous craignons fort que sur nos célèbres pavés gras, le plaisir de la conduite se trouve limité par une constante appréhension. Pour les conducteurs un tant soit peu sportifs, la garde au sol constituera une autre limite. Le raclement des repose-pieds vous rappellera que vous êtes au guidon d’un custom qui impose une conduite cool et relax du genre 5e entre 2.000tr/min et 4.000tr/min. Un paradoxe, car le moteur, au contraire, vous incite à l’inverse. Avec un rupteur placé à 8.250tr/min, ses montées en régime semblent sans limites. L’unique seuil à sa puissance sera la force de vos bras et votre aptitude à résister à une prise au vent pour le moins conséquente.

 

En conclusion

Très belle dans sa simplicité, bénéficiant d’une finition exemplaire, disposant d’un moteur à l’allonge et au rendement particulièrement agréables, la Scout Sixty ne constitue pas une alternative aux H-D. Elle se positionne comme une véritable concurrente qui risque de faire très mal. Sa maniabilité en ville comme sur les routes de montagnes est blu fante. Et cerise sur le gâteau, pour 12.199€, vous béné cierez de 5 ans de garantie! Autant dire qu’Indian est sûr de son produit et de sa prochaine conquête de l’Est

 

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Une ascension fulgurante…

Les chiffres le prouvent à eux seuls: Polaris met le paquet pour se faire une place au soleil sur les marchés de la moto mais aussi des engins mécaniques les plus divers. Aujourd’hui, Polaris, ce sont 20 marques différentes qui commercialisent aussi bien des motos, des motos-neige, des quads agricoles ou sportifs, voire des engins militaires ou autres véhicules électriques. Toutes marques et styles confondus, ce ne sont pas moins 271 modèles différents qui se retrouvent au catalogue général! De quoi faire tourner 12 usines, donner du travail à 7.200 personnes et engendrer près de 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Après avoir créé Victory en 1998, voici 3 ans, le constructeur de Springfield relançait Indian, la doyenne des marques américaines, créée en 1901 (2 ans avant Harley-Davidson). Que de chemin parcouru en un laps de temps si court! En prenant le sentier de la guerre avec des modèles conçus d’abord pour les States et affichant entre 1.811cc et aujourd’hui 999cc, Indian (avec Victory) est en train de mettre à mal l’hégémonie Harley. Y compris aux États-Unis. C’est peu dire…