Kawasaki 1400GTR 2015: La même, mais (un peu) différente

Essais Motos Vincent Marique
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Depuis le lancement de la 1400GTR en 2008, la GT de Kawasaki a bénéficié d’un seul grand remodelage. Et celui-ci remonte déjà à 2010. La marque a estimé que l’heure était venue de lui offrir un nouveau lifting.

L’expression est peut-être un peu exagérée. En 2008, Kawasaki a présenté une machine assez révolutionnaire. Notamment parce que la GTR disposait d’un contacteur sans clé, de l’antipatinage, de l’ABS combiné et de poignées chauffantes à réglage d’intensité en continu. Avec la GTR, Kawasaki se positionnait dans le peloton de tête des aficionados de l’électronique. Et si la GTR 1400 ne reçoit pour son millésime 2015 aucun autre artifice, c’est parce que Kawasaki estime que l’antipatinage et l’ABS demeurent les fonctions essentielles mais aussi parce que l’ajout de nouveaux systèmes entraînerait une hausse du prix. Et du haut de ses 17.699€, le vaisseau amiral des Verts ne figure déjà pas parmi les GT les moins chères du marché. La positionner à un niveau du prix supérieur serait une mauvaise idée…

Les détails font la différence

Revoir en profondeur la GTR ne se révèlerait pas pour autant plus judicieux. Kawasaki a donc opté pour des évolutions subtiles. Quelques détails qui l’améliorent et renforcent son attractivité. Du moins, c’était l’objectif. Sur les routes espagnoles, pour une fois pas vraiment baignées par le soleil, nous avons pu découvrir cette version 2015 de la grande routière de la marque aux ninjas. Pour distinguer la GTR 2015 de la version 2014, il faut être fin connaisseur. Au jeu des «10 différences», l’évolution la plus marquante concerne l’adoption d’un déflecteur ajustable en bas de la bulle. Nous avons eu la chance (façon de parler…) de conduire cette 1400GTR également sous la pluie et l’effet de ce déflecteur est manifeste: moins de turbulences, moins de bruit et, sous la pluie, moins de projections sur la visière. Cette nouveauté simple et purement mécanique démontre, une fois encore, qu’il ne faut pas nécessairement passer par l’électronique pour innover. Autre nouveauté: la selle a été remodelée. Si elle se révèle plus confortable, l’arrière-train commencera quand même à se sentir un peu «chose» après quelques heures de route. Plus confortable donc, mais pas nécessairement meilleure pour les très longs trajets.

PNF

Les autres modifications apportées à la 1400GTR touchent l’amortisseur arrière, un peu plus ferme pour offrir un meilleur confort au passager, et un premier rapport plus court, qui doit garantir des démarrages plus vifs. Mais honnêtement, nous n’avions jamais déploré un manque de vivacité au démarrage sur la version précédente. Nous continuons aussi à apprécier le «positive neutral finder» de Kawasaki. Un dispositif que l’on trouvait déjà sur de nombreux modèles de la marque dans les années 90 et qui était passé pourtant un peu inaperçu. Quand vous vous arrêtez, ce système empêche de passer de 1re en 2e. Ainsi, plus besoin de chercher désespérément le point mort. Lorsque les roues tournent, même à faible vitesse, vous pouvez par contre passer la deuxième. Les bonnes idées sont indémodables! Enfin, la dernière modification importante concerne le rapport d’équilibre entre les freins avant et arrière en mode de freinage combiné. Le frein avant intervient un peu moins si vous n’utilisez que le frein arrière. Ce système de freinage combiné nous a totalement convaincu sur les routes de montagne espagnoles, avalées sous la pluie à un rythme assez soutenu… en utilisant avant tout le frein arrière pour ne pas avoir à craindre de perte d’adhérence de la roue avant en entrée de virage. Lorsque les routes se firent plus sèches, nous avons davantage mis de pression sur le frein avant et alors apprécié la neutralité du système de freinage, l’équilibre étant assuré, vous l’aurez déjà compris, également par une légère intervention du frein arrière.

Agilité étonnante

Sur les petites routes de montagne, et malgré ses mensurations, cette grande routière se laisse glisser. En ajustant la bulle dans sa position la plus basse et en déplaçant parfois le corps dans les virages, jamais vous n’aurez l’impression d’être au guidon d’une moto de 268kg. Si la GTR exige d’être inscrite dans les courbes avec énergie, elle suit ensuite la trajectoire sans dévier d’un millimètre et demeure particulièrement stable. Sur ce genre de route, la Kawa se comporte d’ailleurs davantage comme une sport-tourer plutôt qu’une tourer. Pour les manœuvres, l’histoire est différente. Là, vous ressentez vraiment la carcasse de la bête. En utilisant bien le poids du corps, c’est évidemment plus facile mais il n’y a pas de formule miracle pour déplacer une machine d’environ 300kg. Et avec quelques bagages, on atteint facilement ce «cap». Mais c’est malheureusement le cas de beaucoup de motos de tourisme. Et dans cette catégorie de poids, cela dit, la 1400GTR affiche une maniabilité plus qu’acceptable.

Cruiser

Une simple pression du pouce gauche sur le bouton de réglage, histoire de placer la bulle dans sa position la plus haute, et nous voilà prêt à avaler les bornes sur l’autoroute. À 120km/h, le bloc tourne à seulement 3.000tr/min. Quasiment au ralenti donc. À 160, l’aiguille dépasse à peine les 4.000 tours. Avec une zone rouge débutant à 10.500tr/min, la GTR peut donc franchir théoriquement la barre des 300. Maintenant, avec ce pare-brise, les valises latérales et un poids dépassant les 300kg, avec pilote à bord, y parvenir est une autre histoire. Par ailleurs, un an après la sortie de l’Hayabusa, tous les constructeurs japonais ont signé un gentlemen’s agreement, s’engageant à brider leurs motos à 300km/h. Le calcul était donc inutile. Mais même à des vitesses indécentes, le bloc de la GTR n’atteint jamais la moitié de son régime maximal. Pas besoin de forcer, donc.

Conclusion

Menée en souplesse ou conduite de façon plutôt sportive, la 1400GTR permet d’adopter différents styles. Et, dans la limite du possible, elle s’adapte parfaitement à toutes les situations. Vous avez envie de descendre en duo dans le sud de la France? Pas de problème. Vous aimeriez un peu vous amuser en route sur quelques départementales bien sinueuses? Pas de souci. La GTR est un peu une bonne à tout faire. Et à l’heure où l’on constate une popularité grandissante pour les motos de tourisme hautes sur pattes, elle reste un peu sur la touche. Comme ses concurrentes Yamaha FJR1300 ou BMW R 1200 RT, en fait. Et c’est dommage car la Kawasaki GTR est encore cette fois parvenue à nous séduire. Comme la première fois en 2008 d’ailleurs…

Un essai signé Peter Parker.

Photos Jonathan Godin.

Publié dans le Moto 80 #778 de septembre 2015.