Kawasaki Ninja ZX-6R: Kawa fait de la résistance!

Essais Motos Arnaud Brochier
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C'est un peu dubitatif mais agréablement surpris que je reçois l'invitation de Kawasaki  conviant les journalistes «Benelux» sur le circuit d'Assen, aux Pays-Bas, pour essayer la nouvelle Ninja ZX-6R. Rares sont les constructeurs qui continuent à développer cette cylindrée et c'est bien dommage!

 

Les Supersport 600 n'ont plus vraiment la cote depuis quelques années et elles se raréfient de manière inquiétante. Un fossé se creuse d'ailleurs sensiblement entre les dernières sportives «routières» de moyennes cylindrées (qui dépassent rarement 100ch) et les impressionnantes Superbike de 1.000cc qui deviennent de vraies motos de course homologuées en revendiquant des puissances affolantes (+ de 200ch).

Il n'y a pas si longtemps, les sportives de 600cc représentaient une alternative intéressante pour les amateurs de sport qui voulaient se faire plaisir (sur route ou sur circuit) sans devoir dompter un monstre de puissance. C'était la grande époque du WSSP (Championnat du monde supersport) où tous les constructeurs étaient présents pour le plus grand bonheur des amateurs de la catégorie. Aujourd'hui, ce championnat existe toujours mais il se voit clairement menacé alors que Honda, Suzuki et Triumph n'ont plus de modèles homologués. Heureusement que Kawasaki et MV Agusta font de la résistance et nous évitent d'assister à une véritable coupe Yamaha!

Pour la route et le circuit

Historiquement, et depuis 2002, Kawasaki va plus loin dans sa démarche puisque le modèle routier cube 636cc alors qu'une version 600cc reste disponible pour les compétiteurs. Les 36cc supplémentaires de la version routière sont là pour offrir un agrément moteur supérieur dans les bas et moyens régimes qui s'avèrent davantage sollicités sur route. Le modèle dévoilé à Assen est bien la 636 et la présentation presse commence par une introduction au message plutôt clair: la Ninja ZX-6R a été développée pour la route et pour le circuit!

La position du pilote a donc été étudiée en conséquence, tout comme le moteur qui revendique quand même 130ch et un couple très respectable – vu la cylindrée -, de 70,8Nm. Au niveau du châssis, on découvre une base tout à fait traditionnelle avec un cadre double poutre en aluminium et un bras oscillant du même acabit. Une fourche inversée Showa entièrement réglable de 41mm de diamètre s'occupe de suspendre une roue avant en aluminium équipée de disques pétales de 310mm. Le freinage se voit confié à Nissin avec des étriers radiaux à 4 pistons. Pour l'arrière, l'amortisseur est aussi entièrement réglable et l'étrier simple piston qui vient pincer un disque de 220mm complète un ensemble tout à fait conventionnel.

Identité Kawa

Niveau look, l'habillage ne laisse jamais indifférent chez Kawasaki. Et si les formes torturées du carénage et les coloris font débat, on ne peut nier que l'identité Kawa est bien présente! On note d'ailleurs à ce propos l'apparition d'un éclairage complet à LEDs. Outre l'effet visuel garanti, celui-ci aide à affirmer un visage nouveau pour la ZX-6R.

Le nouveau tableau de bord semi-digital affiche toutes les infos nécessaires et on note l'apparition d'un contrôle de traction réglable sur 3 niveaux, de même que la possibilité de choisir entre 2 modes de puissance. Un ABS de dernière génération équipe également la bête mais ce dernier n'est malheureusement pas déconnectable. Le quickshifter, au contraire, peut être mis hors service mais, une fois activé, il permet uniquement de monter les rapports. Mais puisqu'il faudra débrayer pour descendre les vitesses, un embrayage anti-dribble fait son apparition pour éviter les dérives de l'arrière lors des gros freinages.

L'essai du jour est un peu particulier puisque nous ne sommes que 7 journalistes belges et hollandais. Chacun de nous reçoit une machine qu'il utilisera durant tout l'après-midi. Une aubaine pour moi qui apprécie de «chipoter» et essayer de multiples réglages. Toutes les motos son équipées du pack Performance et elles chauffent doucement au doux ronronnement des échappements Akrapovic.

Une fois équipé, je m'adresse au responsable des suspensions pour lui demander si la moto est configurée «sortie d'usine»? Si la moto a réellement été développée pour un usage routier, il est évident que les suspensions se révèleront trop souples pour un essai sur circuit. Mais le staff Kawa a bien anticipé la chose et les motos sont effectivement réglées pour l'occasion (réglage «Sport» détaillé dans le manuel d'utilisation).

Observation

Je grimpe sur ma belle du jour et m'élance sur le fabuleux tracé d'Assen… aussi plat que jouissif et rapide. Un circuit néanmoins difficile à appréhender mais que j'ai la chance de connaître par cœur. Détail non négligeable: il fait superbe à Assen, une chance en cette fin d'hiver. La position sur la machine se révèle assez agréable et pas trop sur les poignets.

Je juge l'ergonomie générale excellente sur cette 600 qui se montre à peine plus petite qu'une 1000 de dernière génération. Assez valorisante, la sonorité du bloc accompagne les franches montées en régime jusqu'au rupteur qui intervient à 15.500tr/min. Sur cette piste encore froide, je reste prudent même si les excellents Bridgestone R11 (montés pour l'occasion) ont été mis à température grâce à des couvertures chauffantes.

La première session se résume en une bonne prise en main qui fait office d'échauffement et de rappel du tracé batave si particulier. La moto se comporte parfaitement, avec un réglage des suspensions tout à fait cohérent. La puissance est au rendez-vous et le gain de couple des 36cc apporte ses bienfaits à la sortie de la chicane. Le quickshifter brille par sa précision et on peut lâcher sèchement l'embrayage au rétrogradage grâce à l'anti-dribble.

Comme toujours, les sessions se suivent et le rythme augmente. À force de repousser ses propres limites et celles de la moto, des petites contrariétés apparaissent: voici le temps d'opérer quelques adaptations. La moto ne se montre pas assez vive dans les changements d'angles. Aussi, j'ouvre légèrement la détente de l'amortisseur pour gagner en agilité. Les freins dégustent et l'ABS se rappelle à notre bon souvenir dans des situations parfois délicates.

Lors des gros freinages, il intervient et donne la sensation de perdre l'avant tout en allongeant la distance de freinage. Un peu déroutant mais il suffit de changer son style de pilotage pour atténuer le phénomène: il faut freiner plus doucement à la prise des freins, puis augmenter au fur et à mesure la pression sur le levier. Rien d'étonnant néanmoins: c'est une constatation faite régulièrement sur nombre de sportives alors que l'ABS n'est pas prévu pour les freinages «de trappeur».

Course sprint

Le rythme augmente encore d'un cran et je m'amuse énormément. Cravacher une 600 exige nettement moins de physique que secouer une 1000 mais la vitesse de passage en courbe s'avère égale, voire supérieure. Je commence à examiner tous les points de freinage de même que les rapports engagés. J'en conclus que la démultiplication d'origine est un peu longue alors que je peux faire le tour du circuit sans passer la 6! Certes, je «rupte» à fond de 5e à 230km/h dans la grande cassure rapide de l'arrière du circuit mais je ne gagne que 2km/h si je passe la 6e au même endroit. Vu que je commence à freiner de plus en plus fort, je demande un dernier ajustement des suspensions en augmentant un peu la compression de la fourche qui a tendance à plonger trop rapidement à la prise des freins.

Je m'élance pour une dernière session et j'ai la banane. J'ai tous mes repères, j'utilise toute la piste et même les vibreurs en tirant chaque rapport à son maximum avant de passer à la vitesse supérieure. Dans deux virages, j'ai mon coude à quelques millimètres du sol et je peux remettre gaz en grand très tôt tout en restant en confiance avec le contrôle de traction qui veille au grain. J

'ai roulé tout l'après-midi avec un niveau maximal de contrôle de traction et je ne l'ai jamais senti me «freiner» en limitant la puissance. Il est intervenu régulièrement mais toujours au bon moment, et jamais de manière intrusive. J'ai fini par apprivoiser l'ABS qui ne pose plus de problèmes et je cravache avec beaucoup de plaisir. Pour une moto sortie d'usine et développée pour un usage mixte (route/piste), je suis vraiment étonné par son niveau de performance. On se tire un peu la bourre avec les collègues et la session prend des allures de course «sprint»!

Conclusion

Si cette 636 ne réinvente finalement pas le segment, elle a le mérite d'exister et d'apporter beaucoup de plaisir à son pilote. Avec une puissance de 130ch, elle a parfaitement sa place sur route comme sur circuit et les futurs propriétaires pourront en profiter en toutes circonstances. Ses concurrentes directes proposent une orientation beaucoup plus sportive et en réalité, cette 636 est peut-être bien la dernière «sportive 600 polyvalente» du marché. Une espèce malheureusement en voie de disparition, au grand dam des jeunes sportifs et des nostalgiques dont je fais partie…

600 & Performance

Pour les amateurs de compétition, une ZX-6R version 600cc est disponible au même prix que la 636. Un «pack performance» est également proposé pour les 2 modèles au prix de 999€. Celui-ci comprend un échappement Akrapovic en carbone, un dosseret de selle aux couleurs de la machine et des protections latérales de réservoir.

Les up

– Sportive exploitable

– Agrément moteur

– Tarif très concurrentiel

Les down

– Quickshifter «up» uniquement

– Quelques kilos de trop

– ABS non déconnectable sur circuit

Prix de base: 11.799€

Consommation annoncée: 5,5l/100km

Disponibilité: immédiate

L'humeur du jour

Le bruit…. encore le bruit! Les circuits appliquent des normes de plus en plus strictes en termes de bruit et on arrive à des situations aussi ridicules que désagréables! Nous étions sept journalistes à Assen, et les motos se voyaient équipées d'un simple échappement Akrapovic «homologué». Nous avons commencé à rouler à 12h et nous avons été stoppés net à… 15h30 pour avoir dépassé le niveau de décibels autorisé sur une demi-journée! Certes, nous avons beaucoup roulé pendant 3h30 mais nous n'étions «que» 7, alors que la piste peut accueillir jusqu’à 55 motos! Moi qui me faisais une fête d'essayer la fameuse ZX-10RR pour la dernière session prévue, c'est bien déçu que j'ai quitté Assen! Même les circuits nous poussent à rouler en électrique…