Kawasaki Versys 1000 – Faciles, les vacances !

Essais Motos Bruno Wouters
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Amusant parfois, l'enchaînement des circonstances et des opportunités! Un coup de fil au pied levé: «Tu ne peux pas me remplacer? J’ai un empêchement!» Et me voici en train de boucler mes bagages, direction Gérone, pour un bain de moto!

Au menu, du travail, beaucoup de travail: un comparo avec trois motos, une présentation d'un nouveau modèle et la reprise en main de modèles estampillés 2015. Soit un paquet de kilomètres en perspective! Intéressant d’ailleurs, ces comparatifs. En sautant d'une moto sur l’autre, en alternant autoroute, ville et campagne, en profitant du soleil ou en composant avec le macadam détrempé par les averses, on en apprend beaucoup sur les machines à notre disposition, chacune tirant son épingle du jeu en fonction des circonstances. Mes petits camarades m’abandonnant après deux jours intenses pour essayer d'autres machines, me voici libre comme l’air pour découvrir la région à mon rythme. Et pas d’hésitation, je décide de parcourir les routes catalanes au guidon de la Kawasaki Versys 1000, une des actrices de notre comparatif.

Repoudrage bienvenu!

C’est peu dire que la première Versys 1000 a séduit par son physique. Bon sang, qu’elle était laide! C’était d'autant plus rageant qu’elle offrait, en contrepartie, un sacré agrément. Le message est bien passé et, lors du salon Intermot de l’automne dernier, le nouveau faciès du gros trail nippon fut dévoilé. Le résultat, vous l’avez sous les yeux, et vous conviendrez que le progrès est notable, particulièrement dans cette magnifique robe Candy Burnt Orange! De nombreuses évolutions ont été apportées dans la foulée à la machine, comme l’apport d’une béquille centrale ou d’un embrayage antidribble, des supports moteur sur silentblocs, une loi d’amortissement revue, des disques de freins un poil plus grands, une position de conduite discrètement retouchée et, surtout, une bagagerie notablement mieux intégrée qu’auparavant. Un travail déjà effectué sur la Z1000SX, de laquelle se sont inspirés les designers pour esquisser le nouveau regard de la Versys.

Prendre les eaux

Trêve de bavardage, profitons de notre quatre pattes pour quitter notre hôtel et marquer une première halte à un jet de pierres, aux sources de Vichy Catalan: Caldes de Malavella, un endroit déjà fréquenté du temps des Romains pour ses eaux miraculeuses. L’histoire s’accélère fin XIXe quand le docteur Furest y Roca acquiert les terres comprenant les sources d’eau thermale et monte une unité d’embouteillage, baptisée Vichy Catalan en hommage aux sources de Vichy, fréquentées alors par Napoléon III. Très vite suivront de spectaculaires thermes. Logique quand on sait que l’eau jaillit du sol à 60°C. Très kitch, l’hôtel Balneario Vichy Catalan a réussi à préserver son style néo-mozarabe et ses incroyables couleurs depuis 1898!

Après avoir pris les eaux (de pluie!), je pique très classiquement vers la côte, direction Tossa de Mar. Une cité balnéaire plutôt banale mais dominée par la vieille ville, encore abritée par ses remparts médiévaux ponctués de trois tours. Le photographe a eu raison de nous tirer hors du lit à pas d’heure pour y contempler la «madrugada»… Allez, Jon, sans rancune! La route du bord de mer vers Sant Feliu de Guixols compte dans la vie d’un motard! La GI-682 suit la côte, magnifiquement déchiquetée, découvrant à chaque virage des paysages embrassant mer et montagne. Un casque de moto sur une croix plantée au bord d’un virage incite toutefois à la prudence: pas le droit à l’erreur ici, tout excès d’enthousiasme se paiera cash!

Criques et tapas

Le meilleur côtoie le pire sur la Costa Brava mais quelques pépites restent préservées. Evitez Palamos et continuez quelques kilomètres plus au nord, vers Calella de Palafrugell. Les petites criques et villages quasiment préservés se succèdent du cap de Sant Sebastià au cap de Begur. Jolies routes, jolies plages, bars à tapas, l’Espagne ne manque pas d’arguments et le rythme alimentaire espagnol participe au plaisir! Déjà au déjeuner, vous rentrez dans ces lieux magiques, à mi-chemin entre bistro, pasteleria et bocadillera, où se côtoient machines à café et pompes à bière, pains au chocolat et pata negra! Prenez le temps de déguster jus d’orange frais, café, morceaux de pains grillés frottés d'ail et de tomates fraîches, un bout de queso manchego ou de jamon serrano, en observant l’animation autour de vous. À coup sûr, vous vous demanderez ce que vous pouvez bien «foutre» dans le Nord tout le reste de l’année! Veuillez m’excuser d’écourter votre délicieuse rêverie gustative mais il est temps de se mettre en jambes pour faire manger du kilomètre à une Versys qui n’attend que ça! Les lacets des routes de montagne font un peu regretter le relatif embonpoint de la 1000 et je ne peux m’empêcher de penser que le meilleur compromis plaisir-efficacité se situe sans doute quelques centimètres cubes et quelques kilos plus bas.

L’apaisement des cylindres

La Versys 1000 se fait malgré tout facilement pardonner par l’incroyable élasticité de son quatre cylindres. Quel que soit le virage, quelle que soit la vitesse, quel que soit le rapport engagé, c’est bien simple: c’est toujours bon! Corollaire immédiat, une conduite détendue, apaisée, qui ne mettra jamais le pilote ou sa machine en difficulté. Vous voulez de la «fight»? Il y a assez de roadsters énervés pour ça! Je vous parle ici de voyage, d’agrément et de facilité. Si cette Kawa est descendue bien au chaud dans un camion, je me serais bien proposé pour la remonter chez l’importateur, aux Pays-Bas, en alternant routes bucoliques et autoroutes pratiques, tant la Versys se montre partout à son affaire. Ses suspensions procurent un confort parfaitement en phase avec l’esprit Grand Tourisme auquel tend cet atypique trail quatre cylindres, une motorisation exclusive dans ce segment, hormis la nouvelle BMW S 1000 XR présentée l’automne dernier et attendue cette année sur les routes.

Bagagerie, chipirones, engraulidés

Ce confort n’oblitère pas le comportement routier. Il reste plaisant en quasiment toutes circonstances et accepte un tempo soutenu. Seule l’attaque couteau entre les dents révélera un poids malgré tout conséquent. Pas de miracle, les 250kg tous pleins faits mais sans bagagerie, n’échappent pas aux lois de la physique. À propos de bagagerie, la Versys bénéficie du travail effectué un an auparavant sur la Z1000SX. Les poignées de maintien passager, joliment dessinées, intègrent les fixations de la bagagerie qui se verrouille avec la clé de contact et qui avale un intégral sans sourciller. Nettement mieux intégrées et moins débordantes qu’auparavant, ces valises se déposent en deux coups de cuillère à pot, et fini de se taper la honte valises enlevées, style usine à gaz de supports after-market!

Pause tapas à nouveau, je vous recommande les chipirones, des petits calamars préparés de toutes les façons et toujours bons à se damner! Les bars à tapas authentiques ne manquent pas, mais dans ce cas, pas de traduction. Si vous ne maîtrisez pas la langue comme un «local», vous serez parfois surpris de ce que vous recevrez. Mais le plaisir de découvrir différentes saveurs à chaque nouvelle portion n’a pas de prix! L’expérience ultime? Les manger au bar, debout! Vous n'avez pas eu votre compte d’anchois? Je vous emmène à l’Escala, qui compte cinq usines et un musée dédiés aux engraulidés!

Décor de cinéma

Avant de risquer l’indigestion, je décide de piquer sur les contreforts des Pyrénées. Cap sur Besalu, un splendide village médiéval et son pont, vieux de plus de huit siècles! Dans le même registre, Peratallada, entre Gérone et la côte, se targue d’avoir servi de décor au tournage de Robin des Bois en 1991! De Besalu, cap sur Olot pour redescendre sur Gérone par la GI524: pas de gaspillage de virages! Un dernier regard sur les rives de la rivière Onyar et ses façades multicolores, bâties sur l’emplacement des anciens remparts endommagés en 1809 par les troupes françaises et il sera temps pour nous de rendre à son propriétaire notre compagne de voyage!

Le bilan? Très positif! Hormis une relative lourdeur sur les plus petites routes et quelques détails horripilants comme l’indicateur de rapport engagé (une option) manquant complètement de réactivité et éblouissant de nuit, difficile de reprocher quoi que ce soit à cette nouvelle mouture de la Versys. Le gros quatre pattes apporte un agrément de tous les instants avec une plage de régime exploitable quasiment infinie (de 1.000 à 10.000tr/min!). Les vibrations, correctement filtrées n’entament en rien le confort d’une machine apte au duo en toute aisance. La bagagerie, joliment intégrée, se montre généreusement logeable, et la consommation peut facilement se maintenir autour des six litres aux cent kilomètres. Une réussite, je vous dis!