Kawasaki Versys 1000 – SE: repositionnement identitaire

Essais Motos Laurent Cortvrindt
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On connaissait la Versys 1000 comme un gros roadster en version carénée et plus confortable. C’est fini. Désormais, la Versys 1000 met résolument l’accent sur le confort afin de renforcer ses aptitudes au grand tourisme et sa propre image dans la gamme Kawasaki. Dans sa version SE que nous avons pu tester, elle se barde également de technologie.

 

C'est peu dire que la nouvelle Versys évolue par rapport au précédent modèle. Vous pouvez déjà d’entrée de jeu tenter de faire votre choix entre un modèle standard, la Versys 1000, ou un modèle plus richement équipé, la Versys 1000 SE. Ensuite pourra commencer le jeu de l’équipement avec, en réalité, un choix total à opérer entre 8 modèles différents (voir tableau).

Attention, pas moins de 5.000€ séparent l'entrée de gamme Versys 1000 de la «full option» Versys 1000 SE Grand Tourer. Mais cette dernière semble attirer le plus de clients puisqu'elle a monopolisé à elle seule 80% des commandes de Versys au Salon de Bruxelles! Cela se remarque immédiatement à sa face avant, cette nouvelle Versys a été revue de façon assez fondamentale au niveau du style. Plus affiné, celui-ci apporte une touche supplémentaire de modernité sans pour autant tirer de trop du côté manga, comme on a déjà pu le voir sur d’autres Kawasaki.

Même dans sa dotation «de base», la Versys monte en gamme avec l’arrivée de fonctionnalités modernes comme un éclairage LED et la fonction de gestion des virages (Cornering Management) qui régule freinage et puissance de l’entrée du virage à la sortie en passant par le point de corde afin de rendre la conduite plus fluide.

Rayon confort, on relève l’apparition du régulateur de vitesse électronique grâce à l’adoption de vannes à gaz à commande électronique, de l’embrayage assisté et d’un nouveau pare-brise réglable en continu sur environ quatre centimètres (même si, pratiquement, en Belgique la bulle large de la version SE équipera aussi la Versys standard).

Enfin, au niveau de la sécurité, on retrouve les étriers de frein de la Z1000 qui, montés de manière radiale, offrent un contrôle encore optimisé. En outre, ces derniers peuvent compter sur un système de freinage antibloquant déjà proposé sur les Ninja H2 et ZX-10R mais dont les paramètres ont été redéfinis pour la route et des suspensions à plus grands débattements.

En plus de tout ceci, la Versys 1000 SE se voit dotée de feux de virage à LED, d’un quickshifter à double direction, d’un écran TFT avec connectivité Smartphone, d’un pare-brise Touring plus grand, des poignées chauffantes, de protège-mains, d’un éclairage de virage et d’une palette de coloris unique avec une peinture «autoréparante», capable de résorber d’elle-même les petites griffes. Quatre modes de pilotage font également leur apparition mais la grosse nouveauté vient naturellement de sa suspension électronique KECS.

Basée sur le système semi-actif apparu en 2018 sur la ZX-10R SE, cette suspension s’adapte à la route et aux conditions de conduite en temps réel. Elle offre, en outre, une large palette de réglages personnalisés sur chaque mode de conduite mais elle peut aussi vous faire passer d’un coup de commodo à un préréglage «pilote seul» à un préréglage «pilote avec bagage» ou «pilote avec passager et bagages». De plus, le contrôle de la traction, les modes de pilotage et la suspension électronique de la Versys 1000 SE sont connectés afin que ces systèmes puissent fonctionner ensemble de manière optimale.

Enfin, la connectivité Bluetooth de la Versys 1000 SE offre la possibilité unique de connecter l’affichage TFT de la moto à un Smartphone. En conséquence, le pilote peut non seulement trouver une mine d'informations via l'application Kawasaki Rideology App (déjà sur iOS, prochainement sur Android) telle que la consommation lors d'un voyage précédent ou la maintenance à venir mais il peut également configurer lui-même la suspension électronique à distance.

Bloc connu

Après avoir ingurgité ce copieux dossier de nouveautés, le plus dur est derrière moi. Kawasaki nous a concocté un programme «Adventure is calling», pour mieux coller à l’usage réel que les propriétaires de Versys 1000 auront de leur moto. En clair, une Versys 1000 en version SE Grand Tourer, un sac pour embarquer notre nécessaire personnel, un GPS avec un roadbook pour le premier jour sur Lanzarote et un second roadbook pour le second jour d’aventure sur Fuerteventura. Seule consigne à respecter scrupuleusement: ne pas manquer le traversier à l’aller et au retour, sous peine de torpiller tout le programme…

Au lieu de prendre la route en groupes prédéfinis par l’organisation, voici que les journalistes s’éloignent tantôt en solo, tantôt par groupes plus conséquents. Grégaires et patriotes, nous attaquons à 5 Belges la première partie du voyage. Le bloc Kawasaki, inchangé pour ses valeurs de puissance et de couple, se rappelle immédiatement à nos souvenirs.

Au-dessus de 6.000 tours, il fait parler ses chevaux et offre suffisamment de vigueur pour reprendre rageusement en sortie de lacet ou pour planter n'importe quel touriste un peu trop lent à votre goût. Et sous 2.000 tours, il laisse son couple s’exprimer: même sur le sixième rapport, il ne cogne jamais. Toujours aussi impressionnant.

Le quick-shifter, que je découvre chez Kawasaki, est exempt de tout reproche, à la montée comme à la descente, sauf si – mais cela va de soi – vous espérez passer de 5e en 2e à 30km/h, ou inversement. Sur tous les mi- et hauts-régimes, on retrouve les vibrations déjà bien connues des anciennes Versys. Pas insupportables mais elles viennent quand même bien vous chatouiller l’intérieur des cuisses et vous invitent à monter d’un rapport pour les faire disparaitre.

Pour arrêter l’attelage, on peut donc désormais compter sur le matériel de la Z1000. Efficace, dosable et endurant, comme l’on pouvait s’y attendre. Avec sa selle à 840mm du sol (selle basse à 820mm disponible en option) et un centre de gravité relativement haut, comme sur tout trail, fût-il routier, la Versys 1000 ne s’offrira peut-être pas aux plus courtes pattes. Avec mon mètre quatre-vingts, je pose un seul pied à plat. Par contre, avec sa large et haute bulle, réglable sur 4cm qui plus est – à l’arrêt – la protection n’a jamais été aussi bonne sur une Versys.

Tapis roulant

Mais ce n’est rien comparé à la souplesse dont fait preuve ce nouvel attelage. On évolue littéralement sur un tapis roulant qui dissout chaque incommodité. Je ne suis pas fier de l’avouer mais j’ai passé des casse-vitesses (hors zone peuplée, je ne suis pas un débile non plus) à 80km/h compteur sans me ramasser. Sur 5km, le roadbook nous a également fait passer par un sentier bien défoncé. Aucun souci de suspensions à noter. Par contre, on sent immédiatement que la Versys était, et reste, un trail routier.

Certes, vous pourrez emprunter les sentiers. Mais à moins de la «toucher» méchamment en TT, de préférence lorsque ceux-ci seront secs et/ou d’une surface dure. Pour le sable, vous oubliez… Cette extrême souplesse se paie naturellement lorsque surviennent les premiers enchainements de virolos. Dès le premier freinage appuyé, la fourche avant plonge et vous perdez le nord. Un arrêt s’impose pour plonger dans le manuel de l’utilisateur et essayer de comprendre comment fonctionnent ces satanés commodos.

Car oui, on a déjà vu plus intuitif, il faut appuyer un peu partout, parfois brièvement, parfois plus longuement… Bref, sur le réglage sportif, et avec tous les curseurs poussés à +3 (sur une échelle de -5 à +5), je trouve mon bonheur. Nous profitons de la nuit noire et des 10km qui nous séparent de notre lunch du soir pour essayer ces fameux Cornering Lights.

Bon, ok, c'est amusant de voir ces 1, 2 ou 3 loupiottes (plus vous inclinez, plus l'éclairage des phares s'intensifie sur 3 niveaux) qui éclairent le côté intérieur ou extérieur du virage que vous attaquez. Mais en freinant, la fourche s'écrase toujours et l'éclairage ne porte pas vraiment là où on souhaiterait. Par contre, les antibrouillards avant à LED, eux, balayent une zone très intéressante car bien large tout autour de la moto. En résumé, s'il est évidemment plus intéressant de bénéficier des Cornering Lights que de s'en priver, s'il fallait choisir, je prendrais en priorité les antibrouillards…

Pilote automatique

Un aliment qui passe mal lors du souper et une belle présentation peut rapidement tourner au cauchemar. Quinze minutes après l’avoir intégré, je quitte déjà mon lit pour ma salle de bain où je passerai la quasi-totalité de ma (longue) nuit… Le lendemain, dans un état nettement plus proche du mort-vivant que de l’être humain, je prépare mes sacs et me rends rapidement compte que jamais je ne pourrai parcourir les 2h30 de roadbook prévus. Mais impossible de jouer à la diva, je dois ramener la Versys au traversier, dans un premier temps, et puis à notre hôtel de Lanzarote.

Heureusement, l’entraide n’est pas un vain mot entre motards et Thierry Dricot se sacrifie pour me suivre, «au cas où». En mode pilote automatique, je me cale derrière la bulle pour ne pas encaisser le vent qui s’est bien levé sur Fuerteventura. Je profite du contrôle de vitesse, du couple et de la souplesse du quatre cylindres pour économiser tout mouvement inutile et quand je dois impérativement changer de vitesse, le quick-shifter me permet encore de sauver quelques calories.

Certes, le trafic quasi inexistant et la relative linéarité des routes jusqu’au port m’ont bien aidé dans mon entreprise. Mais si la Versys ne s’était pas révélée aussi confortable, maniable et facile à conduire, je n’aurais peut-être jamais vu le traversier… Une petite heure avec Morphée le temps de passer d’une île à une autre me retape ce qu’il faut pour abattre les 30 kilomètres me séparant encore de notre QG. Je rends les clés aux mécanos, m’effondre sur mon lit… et me relèverai seulement 20 heures plus tard, juste à temps pour ne pas rater la navette qui nous ramène à l’aéroport!

Conclusion

Ces considérations médicales n’ont pas altéré ma perception de la Versys 1000 après cette première escapade à son guidon. Au contraire, elles m’ont conforté dans mon jugement ; la même mésaventure physique avec l’ancien modèle se serait soldée par un retour certainement moins fluide. Kawasaki a bien fait en orientant davantage sa Versys 1000 vers une philosophie nettement plus aventurière.

Ceux qui veulent davantage de sportivité ne sont de toute façon pas abandonnés, la Z1000SX reste au catalogue pour leur apporter satisfaction. Ne subsisteront alors que deux réelles questions pour les futurs clients Versys: quel pack tourisme vais-je choisir et surtout, ais-je réellement besoin de tout l’équipement de la version SE?

Prix de base: 13.599€

Consommation affichée: 6,1l/100km

Disponibilité: immédiate

Les up

– Identité renforcée dans la gamme

– Aptitudes au tourisme

– Confort de conduite

Les down

– Caractère très lisse

– Versions, packs & liste d’options à analyser

– Hauteur de selle

 

Une Versys 1000, huit modèles

Versys 1000 (avec bulle large de la version SE): 13.599€

Versys 1000 Tourer (valises latérales avec sacs, protèges-mains, protège-réservoir): +799€, soit 14.398€

Versys 1000 Tourer+ (idem Tourer avec antibrouillards avant LED): +1.199€, soit 14.798€

Versys 1000 Grand Tourer (idem Tourer+ avec prise 12V, top-case avec soutien pour le dos, fixation GPS): +1.599€, soit 15.198€

Versys 1000 SE: 16.999€

Versys 1000 SE Tourer (valises latérales avec sacs, protège-réservoir): +699€, soit 17.698€

Versys 1000 SE Tourer+ (idem Tourer avec antibrouillards avant LED): +1.099€, soit 18.098€

Versys 1000 SE Grand Tourer (idem Tourer+ avec prise 12V, top-case avec soutien pour le dos, fixation GPS): +1.499€, soit 18.498€