KTM 1290 Super Duke R: la bête aux deux visages!

Essais Motos Arnaud Brochier
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Avec cette troisième version de la 1290 Super Duke R, KTM nous livre un roadster aussi convivial que sportif. Étonnamment, le confort n’a pas été sacrifié sur l’hôtel de la performance: tout bénéfice pour le client potentiel. «La bête» peut s’avérer docile au quotidien mais il en faut peu pour réveiller le monstre qui sommeille en elle!

Derrière ce design «déjà vu», la KTM 1290 Super Duke R cache bien son jeu. En effet, cette version 2020 ressemble fortement à la précédente mais, à bien y regarder, nous faisons face à une tout autre moto. En effet, plus de 90% des composants ont été modifiés pour mettre à jour ce modèle phare de la gamme KTM.

Une page d'histoire se tourne donc pour la 1290 Super Duke R, née en 2005 (oui, déjà) et qui a toujours été considérée comme un roadster de caractère avec son bicylindre à forte personnalité. Née avec un 990cc, «the beast», comme l’appelle KTM, se voit alimentée par un moulin de 1.301cc depuis 2014. Cela ne changera pas pour 2020 même si le bloc a dû recevoir bon nombre d'améliorations pour gagner légèrement en couple et en puissance malgré le passage à la norme Euro 5. Il faut dire que la KTM 1290 Super Duke R était forte du statut de roadster le plus puissant du marché… jusqu'il y a peu! Et la montée en puissance (au propre comme au figuré) de la concurrence nécessitait une réaction de la part des Autrichiens.

Avec ses 180ch délivrés à 9.500tr/min et ses 140Nm disponibles à 8.000tr/min, on peut dire que la nouvelle 1290 Super Duke R avance des chiffres impressionnants. Oui, nous vivons dans un monde un peu fou où la concurrence a visiblement décidé de pousser encore plus loin la course à l’armement…

Zone rouge

Face à une telle offensive et pour rester fidèle à son bicylindre à 75°, KTM a décidé de répondre avec des arguments non négligeables. Ceux-ci n’apparaissent pas sur la fiche technique. Mais une fois au guidon, on peut apprécier leur valeur. Dans cet esprit, le moteur a été optimisé et allégé pour gagner en puissance et en couple sans perdre l'agrément d'utilisation qui fait son charme depuis toujours.

Les avancées technologiques de ces dernières années ont permis d'introduire une nouvelle injection directe qui a largement participé à la mise aux normes tout en gardant une courbe de couple toujours aussi généreuse à bas et moyens régimes. Une fois ces derniers dépassés, le moteur prend des tours jusqu’à la zone rouge et toute la cavalerie qui débarque. Les graphiques exposés lors de la conférence de presse sont assez clairs: il y en a partout et tout le temps!

Pour gaver la boite à air dans les hauts régimes, les conduits d'air ont été déplacés et une entrée centrale prend désormais place entre les deux phares. Selon les retours d'informations récoltés ces dernières années, KTM a estimé que le châssis devait évoluer de fond en comble pour améliorer l'agilité mais aussi la stabilité et le retour d'informations du train avant. Les ingénieurs sont donc partis d'une page blanche pour créer un cadre totalement inédit composé de tubes d'aciers de rigidités et de diamètres différents. Il faut dire que KTM travaille fort sur cette technologie en MotoGP et cela exerce une influence positive sur tous les modèles de production.

Ce nouveau cadre a donc pour but d'améliorer le ressenti sur toutes les phases de pilotage, bien aidé en cela par des suspensions WP de belle facture. Celles-ci font partie des 90% revus avec une fourche WP «apex» de gros diamètre (48mm) entièrement réglable et dont le système hydraulique plus volumineux apporterait un gain de progressivité. Dans le même esprit, l'amortisseur gagne 20mm et se voit relayé par un système de biellettes alors que le modèle précédent bénéficiait d’un amortisseur directement fixé sur le bras oscillant.

Toujours dans le but de gagner en maniabilité, l'assiette globale a été revue et le moteur a été déplacé de quelques millimètres vers le haut. Les jantes profitent d’un dessin inédit afin d’allier look et légèreté tandis que le bras oscillant voit sa rigidité sensiblement augmenter.

Niveau freinage, KTM a sélectionné ce qui se fait de mieux avec des étriers Brembo radiaux «stylema» plus efficaces et plus légers que les excellents M50 du modèle précédent. La chasse au poids a été menée partout et la 1290 Super Duke R 2020 gagne 6kg par rapport à sa devancière.

Enfin, pour terminer cette présentation technique, soulignons que le package électronique reçoit évidemment son lot d’améliorations avec l’apparition d'un boitier inertiel à 6 axes informant toutes les assistances possibles et imaginables de circonstance. Néanmoins, le staff technique insiste sur l'énorme travail accompli pour réaliser les courbes de couple et de puissance des différents modes de conduites.

Plus agile

Pour cet essai qui a lieu dans le sud du Portugal, KTM a décidé de nous faire découvrir son nouveau bijou sur route et sur circuit: excellente idée! Je m'équipe donc pour la partie routière servie immédiatement après le petit-déjeuner. Les conditions sont un peu mitigées avec beaucoup de brume et de très légères averses mais un ciel bleu nous attend en bordure de mer.

Je commence par me familiariser avec les commodos et les réglages électroniques vu que les conditions de roulage seront fort changeantes tout au long de la journée. Je trouve le nouvel écran couleur TFT de toute beauté. Naviguer dans les nombreux menus s’avère assez aisé grâce à des commodos nettement plus qualitatifs que précédemment ainsi que des boutons parfaitement positionnés. Les motos sont toutes équipées du «Tech Pack» (Track pack à 346,18€, quickshifter à 395,73€, Motor Slip Régulation à 143,99€ et Adaptative brake light à 197,41€: total 1.083,31€ mais proposé à 941,26€) et j'en profite pour actionner les poignées chauffantes alors qu'un timide 13°C s'affiche à l'écran.

Je mets la première et nous voilà partis pour une bonne centaine de kilomètres. Dès les premiers instants, les qualités moteur de la KTM se rappellent à mon bon souvenir et la souplesse du bicylindre étonne. Les commandes sont agréables et rien n'est agressif. J'enroule doucement en passant les rapports à bas régimes pour me familiariser avec la machine. Le quickshifter réagit parfaitement à la montée des rapports mais il se montre un poil «rugueux» à la descente.

Le moteur est un vrai élastique et on profite pleinement du gros couple délivré dès les plus bas régimes. Idem dans les mi-régimes ou la poussée se révèle encore plus franche mais toujours dans une douceur difficile à décrire. Une sorte de main de fer dans un gant de velours. Les premiers ronds-points sont passés et les petites routes menant vers la côte s'offrent à nous. Dans ces conditions, je perçois déjà le gain d'agilité de manière assez claire.

Le rythme augmente sensiblement et je remarque que la partie-cycle met très en confiance. La moto va là où le regard se porte. Nous passons d'un virage à l'autre sans effort et de manière très naturelle. Le freinage s’avère démoniaque et même difficile à doser dans un premier temps.

Haute volée

Je profite d'une ligne droite pour prendre des tours avec miss Duke qui vrombit et me catapulte jusqu'au virage suivant. La puissance est bel et bien au rendez-vous et le côté bestial vous saute à la figure quand la zone rouge approche. Incroyable. KTM a réussi à créer un moulin si souple et docile dans les bas régimes qui se transforme en usine à gaz vous arrachant les bras sur le reste de la plage d'exploitation. Les infos relayées sur le somptueux écran TFT sont très claires et je m'aventure dans les modes de conduite pour les différencier.

La réponse des gaz, l'arrivée de la puissance, l'anti-wheeling et le contrôle de traction sont entièrement paramétrables et vous pouvez donc parfaitement adapter la moto à votre style de pilotage. Sachant que j'aurai tout le loisir de cravacher la belle durant l'après-midi sur circuit, je roule sur le couple en profitant de la sonorité du bloc. Si cette moto a gagné en agilité, elle n'a rien perdu de son agrément moteur et c'est une excellente nouvelle.

L'après-midi sur circuit, l'ambiance change diamétralement et nous sommes tous prêts à défier «the beast». J'ai la chance de bien connaître le tracé de Portimao dont le dénivelé est réputé comme «phénoménal». Je monte sur la moto qui m'est attribuée et prends la piste avec le couteau entre les dents. La Super Duke R se jette d'un virage à l'autre et j'utilise toute la plage d'utilisation. Dans ces conditions, je dois m'accrocher comme un fou au guidon alors que les 180ch font parler la poudre. L'anti-wheeling veille au grain et c'est de bon augure au cas où la roue avant ne toucherait guère le sol.

De même, le contrôle de traction intervient incessamment en sortie de virage alors que l'énorme couple torture le pneu arrière. Ça pousse très fort et l'absence de protection rend le pilotage assez physique. Je prends plus de 270km/h en ligne droite et mes cervicales crient au secours et me supplient de prendre les freins. La moto se comporte de manière très saine et va exactement là où je le décide.

Le châssis (réglé pour l'occasion) brille par sa stabilité et les suspensions avalent les transferts de masse avec beaucoup de sérénité. La puissance de freinage prend tout son sens dans ces conditions et on enfile les tours en essayant toujours de repousser les limites de la machine. Objectivement, les prestations sur circuit sont de très haute volée pour un roadster et il y a déjà moyen de se faire vraiment plaisir.

Conclusion

La nouvelle KTM 1290 Super Duke R est bien née et son moteur reste un vrai chef-d’œuvre. Les améliorations par rapport au modèle précédent sont bien venues et le gain d'agilité s’avère réel. Ce qui est frappant avec cette machine, c’est son double visage… sa double personnalité!

Autant elle peut se faire douce, docile et conviviale pour une utilisation relax, autant elle peut devenir un monstre de puissance hyperefficace dès que vous mettez les gaz en grand. Il est rare de pouvoir bénéficier de ces deux comportements bien distincts sur une seule moto. Et je ne puis que féliciter KTM pour cet exploit technique!