KTM 690 SMC-R & 690 ENDURO R: arsouille et grands espaces

Essais Motos Bernard Dorsimont
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KTM remet au goût du jour son gros monocylindre LC4 de 690cc sur deux modèles au caractère bien trempé: l'un pour le Supermotard et le fun, l'autre destiné à l’Enduro et aux longues virées. Un habillage revu, des suspensions inédites mais surtout de nouvelles assistances électroniques remettent ces machines sur le devant de la scène pour le plus grand plaisir des amateurs du genre.

Si KTM s’est fait connaître à ses débuts par ses modèles enduro 2T, un moteur spécifique fait véritablement partie de son histoire au point d'en être même devenu emblématique: le fameux bloc LC4. Apparu en 1987 et en constante évolution depuis 32 ans, il a d’abord équipé les modèles tout-terrain avant de passer sur la première Duke, présentée à Cologne en 1992. Cubant 598cc au départ, il va ensuite gagner progressivement en cylindrée et se verra greffer, au passage, un démarreur électrique.

À partir de 2001, ses nombreuses victoires au Dakar achèveront de parfaire sa réputation. Il est aujourd’hui le plus gros monocylindre 4T disponible sur le marché et revendique 74ch pour 73,5Nm. Soit respectivement 7ch et 3,5Nm de mieux que l’ancienne version. Des chiffres évocateurs à eux seuls d’un moteur à tout le moins vigoureux. À une technique désormais sophistiquée, on adjoint maintenant l’aide de l’électronique: ride-by-wire et contrôle de traction (déconnectable) avec deux cartographies (Street et Sport ou Street et Off-road) suivant les modèles.

Mais surtout, une centrale IMU calcule l’inclinaison et adapte le contrôle de traction comme l’ABS en fonction de l’angle pris. C’est beau, le progrès! La boîte est pourvue d’un shifter bidirectionnel comme sur les 790 Duke et le freinage se voit confié à un ABS disposant d’une fonction Supermoto (le rendant inactif à l’arrière). Le réservoir gagne 1,5l de contenance et passe de 12l à 13,5l, tandis que la selle change de dessin en se voulant plus confortable et plus adhérente.

On note l'arrivée d'inédites suspensions WP venant assister une fourche inversée de 48mm et un monoamortisseur totalement réglables. Pour rappel, KTM a choisi de placer le réservoir de carburant de chaque côté de la boucle arrière du cadre. Il est aujourd’hui redessiné et aussi plus résistant. Visuellement, cela donne des caches latéraux assez volumineux mais plutôt bien intégrés à la ligne générale. Le but consistant à abaisser le centre de gravité pour obtenir davantage de maniabilité. Le dessus du moteur se trouve aussi dégagé pour la boîte à air et la selle peut se prolonger sans remonter.

Proches et différentes

Voilà pour la partie commune. Mais ces deux motos sont destinées à des usages bien différents. La SMC, qui vise la route sportive et le circuit, est équipée de jantes de 17 pouces montées par des Bridgestone S21. Son disque avant de 320mm de diamètre est pincé par un étrier Brembo à quatre pistons. Ses suspensions disposent de 215mm (AV) et 240mm (AR) de débattements. L’Enduro, prévue pour la randonnée en tout-terrain, est montée en 18 et 21 pouces, avec des Mitas E07. Elle se contente d’un disque avant de 300mm à deux pistons mais voit, en revanche, ses débattements portés à 250mm de course.

Dans les deux cas, les suspensions sont ajustables en hydraulique comme en précontrainte. La hauteur de selle s'avère bien évidement plus importante sur la version off-road où elle culmine à 910mm contre 890mm sur la version Supermotard. Il existe cependant un kit permettant d’abaisser la hauteur de cette dernière de 40mm. Les châssis tubulaires en acier au chrome molybdène avec des sections de différentes épaisseurs sont identiques mais avec un angle de chasse, un empattement et une garde au sol propres à chaque version. Un seul petit kilo de différence entre ces deux machines: 158,6 pour la mangeuse d’asphalte et 159,4 pour la grimpeuse de collines, poids tous pleins faits. Enfin, l’habillage est également revu et affiné sur chaque modèle.

Grands espaces et petits coins

Nous sommes à Portimao, en Algarve. Le soleil est présent et le ciel est bleu mais vu l’heure matinale, le givre demeure bien présent dans les campagnes et l’air froid nous… tonifie! Nous commençons par la version Enduro pour une petite balade d’une centaine de kilomètres qui doit nous mener jusqu’à la mer avant de revenir au point de départ. Comme à l’habitude sur les autrichiennes, la position de conduite est excellente.

Assis comme debout, les commandes tombent bien en main et les poignées comme les leviers sont agréables au toucher. Étant donné les pluies abondantes des derniers jours, nos machines sont pourvues de pneus Continental TKC plus performants dans ces conditions que les Mitas d’origine. Le début du parcours est fait de larges pistes roulantes taillées pour notre Enduro. Via le commodo gauche au guidon, on passe bien vite sur le mode «Deux» qui est le plus agressif.

Le moteur se montre vif et il y a de la puissance à revendre mais sans que cela devienne ingérable pour autant. Et cela, même avec le contrôle de traction débranché. En fait, quel que soit le régime, la réponse se fait immédiate, et c’est d’ailleurs là le charme de ce bouilleur. Mais c’est assez progressif et plus vous tournez la poignée, plus il y en a, sans que l'on se ramasse pour autant un brusque pic de déferlement de chevaux. Dans les hauts régimes, le paysage se met quand même à défiler très vite et je mesure à ce moment toute la virilité des 74 vigoureux canassons du LC4. En bref, c’est bien maîtrisé et l’Enduro R ne vous enverra pas faire demi-tour sur un simple coup de gaz trop impulsif.

À bas régimes, en mode promenade, je trouve d'ailleurs cette Enduro bien agréable, avec son couple généreux qui permet d’avaler tous les obstacles avec facilité. Mais si vous en voulez plus, il ne tient qu’à vous de tourner la poignée et là, questions sensations, vous ne serez pas déçus! Au niveau du châssis, cette KTM a fait preuve de stabilité sur les pistes rapides sans pour cela perdre une maniabilité très satisfaisante dans le serré, vu sa taille et sa cylindrée. Elle accepte particulièrement de changer de cap avec beaucoup de facilité. Une caractéristique due sans doute à son centre de gravité relativement bas grâce à l’emplacement du réservoir.

Les suspensions avalent trous et saignées avec brio. Surtout au niveau de la fourche, car j’ai trouvé l’arrière un peu sec et fatigant pour le dos à la longue. Vu les vitesses atteintes, il est rassurant de pouvoir compter sur un freinage de qualité et, qui plus est, assisté de l’ABS sur l’angle. C’est incontestablement un plus sur une machine de ce type. Le frein arrière manque toutefois un peu de feeling et on ne sent pas trop son attaque.

En résumé, aussi bien le moteur que la partie-cycle permettent une large plage d’utilisation à cette version Enduro. Vous pouvez partir le matin rejoindre votre zone de tout-terrain par les petites routes en profitant du paysage, trouver quelques portions plus techniques en milieu de journée et revenir au bercail à belles allures par des pistes roulantes. Un petit tour du monde chaque week-end en somme. À moins que vous ne l’envisagiez vraiment, le vrai, car cette 690 Enduro R s'en montrera aussi capable!

Pousse au crime!

Retour au camp de base pour prendre les commandes de la SMC. L’ouvreur de la marque nous emmène sur les petites routes environnantes et met la poignée dans le coin. Ça tombe bien car la moto est faite pour ça et c’est certainement ce qu’il a à cœur de nous démontrer. Par rapport à une sportive, le grand guidon permet beaucoup de fantaisies et d’improvisations. Trous, bosses, compressions et sommets sont avalés à un rythme endiablé sans que la moto ne bronche le moins du monde. Dans le sinueux, la légèreté et la maniabilité de la SMC en font une arme redoutable.

De plus, le moteur en redemande et fait preuve d’une copieuse allonge. On souhaiterait même un tirage plus court de la poignée de gaz pour le faire grimper plus vite haut dans les tours, là où il délivre toute sa puissance. Grâce à un travail interne sur les balanciers d’équilibrage, ses vibrations se font maintenant nettement plus discrètes. La boîte, par contre, me semble un peu revêche. Déjà le matin avec l’enduro, j’avais parfois manqué un rapport et m’étais retrouvé au point mort. J’avais mis cela sur le compte de ma maladresse mais je retrouve ce souci l’après-midi sur la version de route. Peut-être ce shifter particulièrement sensible… mais il faut en tout cas verrouiller fermement les rapports, et la boîte n’est pas du genre à aimer l’hésitation.

Avec ce tempo, nous voici bien vite arrivés sur le circuit de karting du Kartodrommo pour ce qui se révélera la partie la plus intéressante de cette journée. Le grand tracé a été retenu et plusieurs sessions vont nous permettre d’apprécier la stabilité et la facilité avec laquelle la moto se place en virage. Deux styles sont possibles en supermotard: jambe tendue et buste droit ou déhanchement et genoux par terre. Sur ce revêtement sec, la deuxième option semble plus appropriée et convient, en tous cas très bien, à la SMC.

Point important, la machine pardonne beaucoup. Vu le caractère de l’engin un peu «pousse au crime», freinages au panneau «trop tard» et entrée de virages en mode «suicide» sont légion. Malgré cela, nous n'évoluons jamais vraiment en catastrophe et je prends beaucoup de plaisir. À signaler quand même: un rattrapage miraculeux de l’avant qui me vaudra d’aller brûler un cierge à sainte Gamelle… mais qui prouvera aussi que, décidément, cette moto n’est pas vicieuse. Dernier point enfin: le freinage a brillé par sa constance inébranlable, jamais il n'a faibli sous la contrainte. En définitive, du fun encore et encore, avec la sécurité en prime.

Conclusion

Bien finies et parées d’équipement de qualité, ces sœurs jumelles se montrent redoutables d’efficacité, chacune dans leur genre. Véritable cœur de ces machines, leur gros monocylindre réussit, à force d’évolutions, à allier puissance, souplesse, disponibilité, rondeur et caractère. Comme pour la partie-cycle, il est assisté par l’électronique, ce qui permet de rendre ces KTM faciles d’emploi et très accessibles, même pour des conducteurs moins expérimentés. Enduro comme SMC se révèlent d’ailleurs disponibles en version A2.

Le modèle Enduro offre une large plage d'utilisation, allant de la petite balade tranquille à la virée nettement plus sportive en passant par la randonnée étalée sur une période plus longue. La SMC, sportive dans ses gènes, revendique clairement un tempérament de joueuse. Un peu déraisonnable au premier abord, elle peut toutefois compter sur une conception rigoureuse et des aides à la conduite sans failles pour ne pas tomber dans l’excès. Affichées toutes les deux à 10.699€ et disponibles immédiatement, ces deux motos s’adressent à des passionnés.

 

Les up – 690 SMC-R

– Moteur abouti alliant caractère et facilité

– Accessibilité grâce à l’électronique

– Maniabilité, agilité

Les down – 690 SMC-R

– Boîte perfectible

– Tableau de bord minimaliste

– Tirage de la poignée de gaz un peu long

Prix de base: 10.699€

Consommation annoncée: 3,87l/100km

Disponibilité: immédiate

 

Les up – 690 Enduro R

– Moteur abouti alliant caractère et facilité

– Large plage d’utilisation

– ABS sur l’angle

Les down

– Boîte perfectible

– Suspension arrière un peu sèche

– Monte pneumatique d’origine à vérifier en TT

Prix de base: 10.699€

Consommation annoncée: 3,96l/100km

Disponibilité: immédiate