Triumph Speed Triple 1050, tout sur l’avant.

Essais Motos Christophe Jardon
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A l'image de ses doubles optiques désormais anguleux, la Triumph Speed Triple 2011 évolue en profondeur. Des lignes plus agressives, des dimensions plus compactes, plus de puissance et de couple, moins de poids… Le tout pour un prix inchangé.

Si la catégorie des gros roadsters traverse période de calme relatif (sans réelle nouveauté depuis l'arrivée de la nouvelle Kawasaki Z 1000), Triumph a senti que le temps était venu de rajeunir sa célèbre Speed Triple, un modèle qui s'est écoulé à plus de 65.000 exemplaires depuis son introduction en 1994.

Réinventer l'icône

Quelle concurrence la Speed devait-elle redouter ? Les Kawa Z 1000, KTM Superduke, Ducati Streetfighter, Honda CB 1000 R, mais aussi une concurrente "familiale" beaucoup plus redoutable : la Street Triple 675cc, spécialement dans sa version R. Moins performante dans l'absolu, mais plus facile, plus amusante et nettement plus abordable pour un look quasi identique, la Street commençait sans doute à faire trop d'ombre à sa grande sœur au goût de ses concepteurs.

La Speed, c'est le modèle le plus vendu dans l'histoire moderne de Triumph. Un modèle à soigner de près. A Hinclkey, on a donc décidé de "réinventer l'icône". Les ingénieurs sont partis d'une feuille blanche, avec deux objectifs : atteindre le niveau de maniabilité et l'ergonomie de la Street Triple, mais aussi quelques contraintes. La nouvelle génération de Speed devait garder quelques traits directement associables au modèle : monobras oscillant, double optique frontale, cadre reconnaissable (mais modernisé)…

Les travaux de développement ont commencé dès octobre 2007. Il s'agissait de valider une nouvelle distribution du poids ainsi qu'une nouvelle géométrie du châssis. Les ingénieurs ont trouvé la bonne "balance" en déplaçant la batterie à l'avant de la moto, entre le réservoir et la colonne de direction. Cette nouvelle distribution du poids assurait une bonne stabilité naturelle, ce qui a permis de travailler ensuite sur l'amélioration de la maniabilité. De leur côté, les designers sont rapidement arrivés à une autre conclusion : oublions les phares circulaires qui caractérisent la Speed depuis 1997 et dessinons lui des phares polygonaux plus modernes.

Ces nouveaux phares tranchent avec les modèles originaux et soulignent le travail réalisé par l'équipe de Triumph, d'autant que toutes les lignes de la moto ont été redessinées, affinées et allégées. Le résultat est une Speed reconnaissable, mais actualisée. Une belle réussite esthétique, surtout avec le saute-vent disponible en option.

Châssis affiné et allégé

Retour sur le châssis, pour découvrir les changements apportés à l'ergonomie et à la position de conduite. La selle plus longue (+54mm) offre plus de possibilités de mouvement. La distance entre le pilote et le guidon est raccourcie (-26mm), ce qui rapproche le pilote de l'avant de la machine. Même chose pour la distance entre l'axe de roue avant et le poste de pilote (-44mm), alors que la selle est légèrement plus basse (-5mm). Avec le moteur avancé de 3mm dans le tout nouveau cadre, 50,9% du poids total est désormais réparti sur la roue avant, contre 49,1% sur le modèle 2010. Du coup, les ingénieurs se sont permis de rallonger le bras oscillant, ce qui a pour effet d'augmenter légèrement l'empattement (1.435mm contre 1.335 sur la version précédente) pour plus de motricité.

La plupart des ces éléments ont également été allégés : 1kg gagné sur le bras oscillant, 1,5 sur la roue arrière, 1,4 sur l'avant… La chasse au poids n'a quasiment rien épargné, même si le régime global n'a permis de perdre que trois kilos par rapport à la version précédente.

Plus légère, la roue arrière est également plus large (6" contre 5,5"). Elle est équipée d'un pneu de 190mm de section qui passe en 55 de hauteur pour conserver une bonne maniabilité. Du neuf aussi côté freins, avec l'apparition à l'avant d'un maître-cylindre radial Brembo, de disques flottant affinés (-0,5mm) et de l'ABS, disponible en option pour la première fois sur une Speed Triple. Enfin, le nouveau cadre, plus étroit, assure une garde au sol plus importante.

Du couple et des chevaux !

Le moteur trois cylindres puissant et coupleux fait partie des gènes de la Speed Triple depuis son lancement en 1994. C'est toujours le cas pour la version 2011, la plus performante de l'histoire de ce modèle avec 8% de couple (111Nm à 7.750tr/min) et 5 chevaux (135ch) supplémentaires. 

Des chiffres plus que respectables qui ont été atteints grâce  – notamment – à l'arrivée d'une nouvelle boîte à air, d'un nouvel échappement (plus léger), de meilleurs échanges entre les cylindres et d'une réduction significative des frictions grâce à de meilleurs traitements de surface. Des améliorations qui ont aussi un effet bénéfique sur la consommation, annoncée en baisse de 6%.

"Nous avons voulu conserver une courbe de couple la plus plate possible", explique Simon Warburton, product manager. "Le bloc 2011 gagne en performance principalement entre 6.000 et 8.000 tours tout en conservant la souplesse, la flexibilité et le caractère inimitable d'un trois cylindres."

Côté pratique, la Speed évolue aussi dans le bon sens, avec un tableau de bord qui intègre une jauge à essence (mais toujours pas d'indicateur de rapport engagé), une clé antivol codée – une première sur une Triumph – ou encore un espace de "rangement" plus volumineux sous la selle. Comme toujours, les possibilités de personnalisation sont nombreuses. On note par exemple l'option TPMS (type pressure monitoring system) qui indique la pression des pneus sur le tableau de bord.

Parmi les domaines dans lesquels la Speed 2011 devait progresser, il y en a un qui nous concerne directement : les performances sur route et sur circuit. Le programme de notre journée d'essai dans le sud de l'Espagne comprend les deux. On commence par le circuit sur la piste Ascari à Ronda. "La Speed Triple n'est pas une Supersport, mais nous voulions la rendre suffisamment performante pour satisfaire les pilotes qui s'offrent à l'occasion l'une ou l'autre journée sur circuit", continue le product manager de la firme anglaise. "C'est pourquoi nous l'avons équipée d'origine de pneus sport, les Metzeler Racetech K3 Interact. Mais des pneus plus routiers comme les Michelin Pilot Road 2 lui conviennent également très bien."

Pour l'heure, on préfère se réjouir de bénéficier des excellents Metzeler Racetech. Ils nous ont à nouveau séduit, au même titre que la Speed 2011. La position de conduite, plus sur l'avant et plus étroite, permet de mieux sentir la bête. Comme prévu, on se sent presque comme sur la Street Triple, une référence en matière de roadster. Le feeling des commandes est également en progrès, principalement grâce au frein avant Brembo 100% radial. La sonorité est toujours aussi plaisante, et les versions Arrow toujours aussi bruyantes. On attaque le circuit… et on butte quasi d'emblée sur le rupteur. Le trois pattes anglais est prompt dans ses montées en régime, mais il manque d'allonge. A 10.000 tours, c'est "arrêt-terminus". Il faut s'habituer à rouler un rapport au-dessus, ce que la force et le couple du bloc permettent sans problème. Sur circuit, la puissance n'impressionne pas vraiment, mais les performances sont bel et bien au rendez-vous si on en croit la vitesse à laquelle défile le paysage et les chiffres indiqués par le tableau de bord. Au premier freinage, on est surpris par l'attaque du frein avant, quasi brutale. Vous l'aurez compris, le moteur et le freinage de la nouvelle Speed demandent une petite adaptation. Sa boîte de vitesses aussi, qui manque de précision et qui se montre parfois difficile à verrouiller. Dans les virages par contre, tout est d'un naturel évident. Qu'ils soient serrés, en enfilade ou rapides, la Triumph rentre dedans et en ressort sans forcer, avec beaucoup de facilité. Elle se place avec précision, suit sa trajectoire avec fidélité et fait preuve d'une stabilité remarquable. Dans les cassures à plus de 180 km/h, elle est imperturbable, ce qui rassure sur son potentiel à aller vite sur circuit.

Et sur la route ? Nous avons pu y confronter l'ancienne et la nouvelle Speed. La différence entre les deux est sensible, avec un net avantage à la version 2011. On a déjà évoqué la position de conduite (qui pourrait néanmoins se montrer moins confortable à la longue). Il faut maintenant insister sur le travail des suspensions. L'ensemble amortisseur-biellettes de la 2011 ne laisse aucune chance à ses prédécesseurs, qui ont rapidement tendance à pomper sur les bosses et les compressions, influençant de manière négative la stabilité et la tenue de route de la 2010. Plus ferme, la nouvelle encaisse mieux les chocs. Elle est également plus facile à plus légère à balancer d'une courbe à l'autre, alors que son moteur répond avec plus de force à partir de 6.000 tours. Dommage cette boîte de vitesses un peu dure. A vérifier après le rodage d'usage.

Quoi qu'il en soit, pour un prix inchangé, la Speed Triple 2011 vaut le détour. Look plus modernes, moteur et suspensions plus performantes, équipement amélioré… Elle ne manque pas d'arguments pour poursuivre sur sa lancée. C'es tout le mal qu'on lui souhaite.