Triumph Street Triple RS: Sport et flegme britannique

Essais Motos Bernard Dorsimont
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Triumph revoit la copie de son roadster moyenne cylindrée afin de satisfaire aux normes Euro 5. Un peu plus de couple dans les mi-régimes pour le moteur, une nouvelle carrosserie aux coloris inédits et une électronique encore plus poussée sont les principales modifications de la bombinette anglaise.

Il y a déjà plus de dix ans, Triumph sortait sa «Street» qui, à l’époque, cubait 675cc. Nous étions en 2007 et, seule trois cylindres dans son segment, la Street Triple avait bousculé les références du marché lors de sa commercialisation. Forte de plus de 50.000 exemplaires écoulés à travers le monde, soit sans conteste la meilleure vente de la firme de Hinckley, cette machine entend encore aujourd’hui perpétuer le caractère dynamique qui a fait sa réputation, sans mettre de côté ses autres qualités: sa légèreté, son côté amusant, sa rapidité et son élégance.

Car oui, la Street Triple est une moto déjà extrêmement aboutie. Aussi, la rendre encore meilleure malgré le passage aux normes Euro 5 ne s’annonçait pas comme une tâche élémentaire pour la marque anglaise.

Avec ce nouveau millésime, Triumph revendique la moto la plus légère de sa catégorie et le meilleur rapport poids/puissance. Avec 166kg à sec sur la balance et 123ch à 11.750tr/min, le roadster britannique se place, en effet, en tête des moyennes cylindrées au caractère bien trempé.

Le trois-pattes développé par l’équipe Moto2, celle-là même qui officie en Championnat du monde, bénéficie d’une sérieuse remise à jour et gagne 9% de couple à mi-régime. Sa puissance reste inchangée mais elle se voit désormais disponible plus tôt. Son accélérateur se montre plus réactif (7% de moins pour l’inertie de rotation) et le nouveau silencieux à finition en fibre de carbone est plus libre, offrant un son plus net et plus distinctif.

Tout nouveaux, les phares jumelés à LED continuent d’imprimer à la Street cette signature visuelle particulière. Ils gagnent aujourd’hui en blancheur et en brillance. Les feux de circulation diurnes présentent un nouveau design plus distinctif afin d’améliorer leur visibilité. La carrosserie évolue quant à elle en douceur mais tout en conservant cet aspect anguleux et sportif.

La nouvelle petite tête de fourche voit son entrée d’air plus prononcée tandis que les panneaux latéraux, la boucle arrière, le capot de selle et la bulle de pare-brise ont été redessinés. Naturellement, la RS conserve une certaine «classe». Pas de couleur flashy au catalogue, les nuances – soit en noir mat avec décalcomanies argent aluminium et jaune, soit un argent sobre avec décalcomanies diablo red et aluminium silver – restent privilégiées.

Placés désormais en bout de guidon, les rétroviseurs sont revus, eux aussi, comme de nombreux autres petits détails sur cette machine à la finition particulièrement soignée.

Rayon électronique, les cinq modes de conduite (route, pluie, sport, piste et réglage pilote) sont améliorés et le système de connectivité MyTriumph offre à présent une interaction GoPro, la navigation turn by turn ainsi que l’emploi de la musique et du téléphone. L’écran TFT voit ses fonctionnalités peaufinées et se pare d’un nouveau graphisme. Enfin, le nouveau Shit Assist Quickshifter permet désormais de passer les vitesses à la montée comme à la descente sans débrayer.

Intuitive et facile

Triumph nous a donné rendez-vous sur le circuit de Cartagène, en Espagne, pour la prise en main de sa dernière nouveauté. Mais l’exercice de la piste est réservé à l’après-midi. Avant cela, nous effectuerons une petite boucle dans les montagnes avoisinantes.

Je m’installe aux commandes et constate que malgré mon mètre quatre-vingt-trois, je suis à l’aise avec les jambes pas trop repliées. Le guidon tombe juste où il faut, ni trop loin ni trop bas. Les rétros sont placés aux extrémités, ce qui surprend un peu au début puisqu’il faut les chercher à un endroit inhabituel mais on s’y fait très vite.

Contact mis, l’écran TFT s’anime. J’ai le choix entre quatre affichages différents qui mettent en valeur telles ou telles données. Quatre couleurs sont aussi disponibles. Je passe dans le menu et, à l’aide du curseur placé au commodo gauche, je sélectionne le mode Sport. C’est intuitif et assez facile. 

J’en profite également pour régler la garde du levier de frein. D’origine, ce dernier est assez écarté et il faut de grandes mains pour l’attraper convenablement. Il y a un petit raffinement qu’on ne voit pas souvent: une mollette munie d’un excentrique permet de modifier la position d’attaque du levier vers le piston commandant le maître-cylindre. Un choix suivant que vous privilégiez une attaque plus directe ou une pression plus ou moins forte. Du bel ouvrage. Ces petits ajustements terminés, un coup de démarreur et le trois-pattes s’anime.

La sonorité s’avère toujours aussi réjouissante. Notre petit groupe emboîte le pas de l’ouvreur du jour et nous quittons le circuit pour traverser la proche banlieue. Dès les premiers mètres, je suis séduit par le côté agile et facile de la Street. Aucune résistance, pas la moindre petite gêne à chacune vos injonctions, elle va exactement où vous voulez. Le grand guidon permet un excellent contrôle et on est d’emblée très en confiance. Pas mal de motos offrent ce genre de sensations mais la Street reste encore un cran au-dessus.

Dans la circulation, le trois-cylindre se montre plaisant et efficace. Pas d’à-coup, une disponibilité immédiate en cas de besoin et une souplesse de tous les instants. On enroule tranquillement et la RS prouve qu’elle est parfaitement à son aise en ville.

Reine de la montagne

J’attends cependant avec impatience que la route s’ouvre un peu pour pouvoir augmenter le rythme. Et dès les premiers contreforts, le trois-cylindre hurle sa joie d’être enfin libéré! Les montées en régimes se font vives, la poussée brille par sa continuité et le son est envoûtant.

Notre ouvreur roule vite mais assez sagement ce qui me laisse un peu sur ma faim tant la RS semble se jouer du ruban d’asphalte tournoyant qui déboule sous ses roues. On aimerait passer en mode «grande attaque» car la tenue de route est excellente, avec des Pirelli très accrocheurs, les freins sont au top (bien que l’arrière manque un peu de mordant sous l’action de l’ABS) et les rapports s’enchaînent sans hésitation grâce au shifter. Bref, on a vraiment l’impression qu’on peut tout se permettre aux commandes de la Street.

Un petit arrêt café permet de reparamétrer l’électronique et dans le mode «rider», que l’on peut personnaliser à souhait, je garde l’ABS «road» mais enlève le contrôle de traction. Pourquoi? Mais pour les wheelings, bien sûr! La Street en raffole et se prête particulièrement bien à l’exercice. En sortie d’épingle, un petit coup d’embrayage et hop, vous montez les vitesses sur la roue arrière, bercé par la mélodie du triple. Il y a de pires moments dans la vie d’un motard…

«Track Triple»?

De retour au circuit et après un petit lunch rapide, nous voici d’attaque pour quelques sessions sur le tourniquet de Cartagena. Pneus neufs, couvertures chauffantes, un tour derrière un des pilotes invités pour l’occasion – soit Garry Johnson, pilote du TT, ou Luke Stapleford, qui officie en British Superbike – et c’est parti!

J’ai sélectionné le mode «track» qui réduit les assistances électroniques mais les laisse malgré tout actives en cas de besoin. Et comme pour la partie routière, la RS se laisse immédiatement apprivoiser et ne nécessite pas de temps d’adaptation. Intuitive, facile en moteur comme en partie-cycle, elle se fait en quelque sorte oublier et vous permet de vous concentrer à loisir sur votre pilotage. Un beau compliment.

L’ensemble châssis, suspensions et pneumatiques se révèle de haut niveau et concilie rigueur et facilité d’emploi. On rentre de plus en plus fort dans les courbes grâce à un train avant particulièrement stable. À l’accélération, bien calé sur le bord du pneu, on sent travailler l’amortisseur sur les petites imperfections du revêtement tandis que les aides électroniques veillent au grain tout en ne se montrant pas trop intrusives. Tout cela est tellement rassurant que même avec un gros rythme, on sent qu’il y a toujours de la marge et on se demande où se trouve la limite.

Les freins sont parfaits, puissants, sensibles et endurants. Par deux fois je rentre trop fort dans le premier droit au bout de la ligne droite, un virage en légère montée et dont on ne voit pas la sortie sur un deuxième droite qui se referme assez fort. Les deux fois je me dis que je suis bon pour un petit tour dans les graviers qui se rapprochent à toute vitesse mais pourtant, je m’en tire en relevant la moto un bref instant et en freinant très fort sur quelques mètres avant de replonger juste avant la fin de l’asphalte. Facile et naturelle, on vous dit!

L’embrayage à glissement limité est parfaitement réglé lui aussi, autorisant juste ce qu’il faut de glisse quand vous rempilez les rapports. Les repose-pieds viennent vite frotter le bitume mais sans que cela ne soit vraiment gênant.

Le toucher de piste s’avère vraiment exceptionnel et je ne peux que voir en ce roadster une sportive déguisée. Le sport avec un flegme tout britannique, en somme! À ses commandes, on ne réfléchit pas un instant et on profite à fond de son équilibre de premier ordre. Plutôt que de «Street» Triple, on devrait presque parler de «Track Triple»!

Conclusion

Les sessions sont malheureusement un peu courtes et pas assez nombreuses car on tournerait bien à l’infini sur ce petit circuit, tant la RS se révèle agréable dans ces conditions. Et en plus, elle fatigue très peu car on ne lutte jamais avec elle. Au sortir de chaque run, on est frais comme un gardon et prêt à recommencer immédiatement.

Son trois-cylindres désormais plus coupleux à mi-régimes, sa large plage d’utilisation, sa partie-cycle intuitive et évidente, ses freins irréprochables et son électronique au point font de la RS une machine bien plaisante sur laquelle il est difficile de trouver des défauts. On peut juste signaler que malgré les divers affichages possibles, le compte-tours reste illisible et que, dès lors, on attaque de temps en temps le rupteur.

Et pour ce qui est du look, on aime ou on n’aime pas, mais il y aurait peut-être eu moyen de faire un peu mieux pour la ligne générale ou à la présence de quelques durites un peu trop visibles. Le frein arrière est aussi un peu trop assisté au niveau de l’ABS à mon goût mais à part ça, il faut bien chercher… L’équipement et la finition sont de qualité et le prix se veut particulièrement bien placé.

Et si on veut on veut s’offrir sa grande sœur, la Speed Triple, il faut quand même débourser 5.000€ de plus. Pas vraiment nécessaire aux regards des sérieuses qualités qu’offre la «petite»…

Les up

– Équilibre général de haut niveau

– Partie-cycle exceptionnelle

– Moteur charmeur au son envoûtant

Les down

– Compte-tours difficilement lisible

– Frein arrière trop assisté par l’ABS

– Béquille latérale difficile à atteindre en étant sur la moto

 

Disponibilité: immédiate

Tarif de base: NC

Consommation annoncée: 5,2l/100km