Piaggio MP3 – Il n’a pas dit son dernier mot

Essais Scooters Bruno Wouters
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Paris, mai 2014, espace Pierre Cardin, neuf heures du matin. Pas besoin de connaître les chiffres de production et de vente du MP3 depuis son lancement en 2007 pour mesurer l’enjeu industriel qu’il représente pour le groupe Piaggio. Toute la direction du groupe a effectué le voyage et monopolise les premiers rangs de la salle de presse. Nous sommes aussi impatients qu’eux.

Parlons-en, de ces chiffres. Lorsqu’en 2006 le groupe Piaggio invente le MP3, il prend un sacré risque industriel: comment un produit aussi innovant, puisque jamais vu jusqu’ici, sera-t-il perçu par le public? Huit ans après, la réponse est là: plus de 150.000 MP3 produits, dont près de la moitié écoulés sur le marché français. On comprend mieux le choix de Paris comme décor pour la présentation du petit nouveau! Piaggio agit comme BMW avec sa GS. Le constructeur allemand n’a pas attendu de se voir rattrapé par la concurrence pour recreuser l’écart avec un dernier modèle qui renvoie ses malheureux outsiders dans les cordes. Si le MP3 a joui pendant longtemps d’une exclusivité de fait, la concurrence a fini par s’organiser avec Quadro, Peugeot, Adiva et même, dans un autre registre, Yamaha avec un prometteur Tricity. Pas question donc de s’endormir sur ses lauriers et de se réveiller avec un MP3 à la traîne. Voici donc le MP3 «deux point zéro», renouvelé à plus de 80%.

Révolution sur trois roues

Le développement de ce nouveau MP3 s’est articulé autour de quatre axes: le style, la sécurité, les aspects pratiques et la technologie embarquée. Piaggio démontre ainsi sa volonté de compter parmi les acteurs majeurs de la mobilité de demain en prouvant sa capacité d’innovation. Le MP3 illustre à merveille cette volonté. Avant lui, le concept même du scooter à trois roues n’existait pas. Son succès rapide valida rapidement le pari osé de Piaggio.

Si le MP3 «cartonne» en France, il connaît aussi le succès en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni, en Espagne et aux Pays-Bas. Sa part de marché sur le segment des scooters GT est passée de 7% à 18% entre 2007 et 2013! En Europe, Piaggio ramasse le jackpot: le groupe revendique 26% des parts du marché scooter, se classant premier en Allemagne avec 36%, en Italie (32%), en Hollande (27%), en Belgique (24%), en France (23%) et en Espagne (21%). Avec le sentiment de sécurité induit par ses trois roues et son accessibilité aux détenteurs du permis B, le MP3 révolutionne la mobilité, un peu comme le fit la Vespa dans l’immédiat après-guerre.

Le grand patron du groupe, Monsieur Colaninno, prend d’ailleurs le micro lors de cette présentation en affirmant que la mobilité changera fondamentalement ces prochaines années. De nouveaux besoins apparaîtront, liés à la croissance des grandes métropoles, non seulement Paris, Londres ou New York mais aussi Le Caire, Sao Paulo, Dehli ou Shanghai. Pour comprendre et répondre à ces nouveaux besoins, il faudra imaginer ce qui n’existe pas, de nouvelles solutions en complète rupture avec ce que nous connaissons. C’est ainsi que son groupe travaille en étroite collaboration avec Harvard ou le MIT à Boston, pour imaginer les formes de mobilité de demain. Dont acte.

Evolutions stylistiques

Le faciès caractéristique du MP3 se transforme avec discrétion. Bien sûr, les blocs optiques évoluent subtilement, l’inévitable éclairage de jour à technologie LED vient se ficher à la base d’un pare-brise redessiné et plus protecteur grâce à une largeur accrue. La «calandre» perd sa barrette verticale, les roues affichent fièrement un nouveau dessin très réussi et un diamètre augmenté d’un pouce, soit treize dorénavant, ce qui autorise la monte de plus grands disques de frein (258mm au lieu de 240 auparavant). Plus radicale, l’évolution de la poupe abandonne le massif coffre accessible par un hayon. Résultat: une partie arrière effilée qui n’est pas sans rappeler celle du Piaggio X10, avec de fins feux arrières à LED’s et une généreuse poignée de maintien se prolongeant par un petit porte-paquets. En soulevant la selle, on accède à un espace de rangement capable d’accueillir deux casques intégraux mais aussi un ordinateur portable.

La selle profite du nouveau design pour s’allonger, passant de 630mm à 690mm de long: de quoi ménager un accueil bien plus généreux qu’auparavant à ses occupants. Notons au passage l’apparition de repose-pieds repliables pour le passager. Sous les yeux du conducteur, un nouveau tableau de bord reprenant le principe du précédent: deux cadrans circulaires encadrant un pavé numérique généreux en informations diverses (consommations moyenne et instantanée, vitesse moyenne, vitesse maximale, jauge à carburant, totalisateur partiel, température extérieure avec alarme verglas). Au-dessus de celui-ci, un espace de rangement avec prise USB. Ce travail esthétique a nécessité l’usage d’un nouveau cadre, 35% plus rigide qu’auparavant.

Electronique embarquée

Techniquement, le MP3 hérite de nouvelles technologies déjà présentes sur d’autres modèles du groupe. Le freinage reçoit un ABS à trois voies mais aussi un antipatinage (ASR) visiblement très utile, puisqu’il intervenait régulièrement sur les pavés (secs!) de Paris lors de notre essai. La présence de cet ASR est rendue possible par la commande de gaz «ride by wire» qui autorise par la même occasion deux cartographies moteur. Le bloc monocylindre évolue aussi, avec une nouvelle distribution montée sur rouleaux, un travail sur l’admission et l’échappement, avec pour objectif plus d’onctuosité, un bruit plus contenu mais plus flatteur et une consommation réduite de 15%. Le mode «eco» devrait encore baisser les chiffres de 10%. Le MP3 reste relativement intimidant lors de la prise en main, avec son avant massif et une selle qui reste assez large: les plus petits d’entre nous auront peine à poser les pieds à terre, bien à plat. Le moteur, puissant, perd naturellement un peu de sa superbe en mode éco, mais pas de quoi se sentir malheureux. Par contre, côté vibrations ou bruit, pas de progrès notable. Et quand on a goûté au bicylindre onctueux d’un TMAX, on reste un peu sur sa faim.

Permis B

Le gros mono emmène pourtant avec vivacité le MP3, bien assez pour «avionner» sur les voies rapides. Sa stabilité ne peut-être prise en défaut et rassurera celui qui n’est pas habitué à un deux roues classique. La maniabilité est tout à fait correcte, permettant de se faufiler dans la circulation parisienne mais la lourdeur du train avant désenchantera toutefois celui qui utilise régulièrement un scooter traditionnel. Le freinage aussi se veut rassurant. Poignée gauche, frein arrière ; poignée droite, frein avant ; pédale au pied, freinage combiné: aucun souci pour s’arrêter. Durant le petit tour d’essai, l’ensemble a manqué de mordant. Mais notre MP3 n’affichait pas encore 350km au compteur! Le MP3 offre toujours aux possesseurs du permis B une formidable alternative aux embarras de la circulation urbaine avec ses réelles qualités dynamiques et un volet «sécurité» qui devrait rassurer les moins hardis. Convaincre les motards et les scootéristes assidus sera plus difficile, la faute à la sensation de lourdeur qu’engendre sa conduite…


Sport ou Business?

Le MP3 est proposé en deux finitions, l’une sobre et élégante, baptisée «Business», l’autre plus sportive et dynamique. Le MP3 Business possède une selle marron, et une finition «gunmetal» de divers éléments. Sans surprise, le «Sport» voit de nombreux éléments se couvrir de noir, comme la selle, les roues, la protection de l’échappement, les poignées de maintien, le guidon, le tunnel central. Les rétroviseurs, distincts sur les deux modèles, et des badges spécifiques achèvent de différencier les deux finitions.


Un essai signé Bruno Wouters et publié dans le Moto 80 n°764 de juillet 2014.