Avec un peu plus de 5.000 unités de production annuelle, la marque Sherco est encore peu connue du grand public. Très spécialisés et à fort contenu technologique, les produits sortant des usines de Nîsmes manquaient de maturité. Avec la nouvelle SE 300i Racing, il semble que Sherco ait franchi un nouveau palier.
Née de la passion du Français Marc Teissier pour le trial, Sherco a vu le jour en 1998. Plus de dix ans plus tard, la marque reste bien vaillante. Pour découvrir la nouvelle SE 300i Racing, Moto 80 fut convié sur un terrain privé du Hainaut. Une invitation que nous avons acceptée avec plaisir. Première constatation, à l’arrêt la moto dégage une impression de soin du détail et de qualité. Et effectivement, en parcourant la liste des composants, on ne peut qu’apprécier: WP pour les suspensions avec une fourche inversée de 48mm de diamètre pour l’avant et un mono-amortisseur sur biellettes à l’arrière, Brembo pour les freins et pour le maître-cylindre d’embrayage, Neken pour les tés réglables et taillés dans la masse, Excell pour les jantes, Michelin pour les pneus, Magnetti Marelli pour l’injection… tout cela respire le sérieux. L’habillage est tout nouveau et plus léger. Quant au garde-boue arrière, il intègre deux poignées de préhension bien pratiques.
La grosse nouveauté 2012 est, sans conteste, l’adoption d’un cadre semi-périmètrique en acier au chrome-molybdène. Les différentes parties de ce châssis ont une section variable suivant les contraintes qui leur sont appliquées. Tout profit pour la rigidité latérale qui a nettement progressé, permettant théoriquement plus de précision et de vivacité. Grâce à cette nouvelle architecture, les positions de l’amortisseur, de l’échappement et du réservoir ont été modifiées à l’avantage d’un net recentrage des masses. Le filtre à air dispose également de plus d’espace, ce qui favorise le flux d’air à l’admission. Les points de passage du faisceau électrique et la connectique d’injection (totalement étanche à présent) ont également été prises en compte lors de la conception de ce nouveau cadre.
Bond en avant
Une nouvelle culasse doublée d’une cartographie adaptée et d’un échappement repensé permettent au bloc Sherco de faire un bond en avant question puissance. Un nouveau piston, plus léger et plus résistant est dorénavant monté. Sa durée de vie est rallongée tout en autorisant des régimes plus élevés (jusqu’à 13.500tr/min). L’embrayage dispose désormais d’une nouvelle cloche apte à encaisser le surplus de puissance. Et l’inertie sur les bas régimes a été travaillée, elle aussi dans le but d’une plus grande douceur lors des évolutions à basse vitesse. Notre terrain d’essai du jour était situé dans une ancienne carrière avec un sol constitué d’un mélange de terre et de sable, pratiquement sans pierres… ou presque. Du technique en sous-bois, du rapide sur le dessus, agrémentés de quelques sauts… en d’autres mots, un parcours idéal pour prendre la mesure de la Sherco. D’entrée de jeu, celle-ci nous a marqués par son coté agile et joueur.
Aucun temps d’adaptation n’est nécessaire, la prise en main est directe. Le moteur est agréable, délivre sa puissance de manière linéaire et se révèle d’une grande facilité d’utilisation. Il est capable de faire évoluer la moto à basse vitesse, avec beaucoup de douceur et de progressivité, mais si on ouvre davantage la poignée de droite, il fait montre d’une belle santé et son caractère devient nettement plus agressif dans les hauts régimes où il y a tout ce qu’il faut question puissance. Une panoplie complète, bien maîtrisée et qui est sans doute due au savoir-faire de Sherco en matière d’injection puisque la marque fut pionnière en ce domaine.
Les suspensions sont réglées relativement souples mais ne déstabilisent pas la moto pour autant, preuve que l’ensemble est sain. Dans les sections défoncées, l’avant gigote un peu et semble assez léger. Cela peut pousser quelque peu à la méfiance au début mais ensuite on se rend compte que ce n’est jamais dangereux. Bien rigide, la Sherco taille sa trace et avale les obstacles avec aisance. En certaines occasions, il faut simplement tenir un peu plus fermement le guidon mais sans que cela ne nuise à l’efficacité. Car, compromis oblige, la SE 300 offre en échange une belle agilité. On change très facilement de direction et on s’amuse à trouver des appuis ici et là en toute sérénité. La machine française aime les petites portions étroites et techniques et se régale dans le trialisant. Rayon franchissement, avec son moteur facile et son excellente motricité, elle devrait y exceller.
Mise sur l’angle
A l’aise dans tous les compartiments de jeux, il n’y a guère qu’à la mise sur l’angle qu’on pourrait (et encore, en pinaillant) lui trouver un léger défaut. En fin de freinage, au moment où l’on choisit la trace précise de la roue avant, on sent un petit temps d’hésitation avant que la moto soit bien calée en appui. Mais c’est la particularité de beaucoup de machines qui privilégient la maniabilité et cela s’atténue par des réglages propres à chaque pilote en fonction de son style de pilotage. De leur coté, les freins donnent toute satisfaction et sont typiques des Brembo: puissants mais avec une attaque progressive. Enfin, le silencieux d’échappement joue son rôle et arrive à contenir les décibels dans des proportions raisonnables. Une qualité hélas encore trop rare et sur laquelle il faudrait plus insister.
Pour le reste, cette Sherco se veut une bonne surprise, une très bonne surprise même. Homogène, à l’aise dans tous les domaines, disposant d’un bloc moteur complet qui allie souplesse et rage, d’une partie-cycle qui marie efficacité et plaisir de conduite, on découvre une moto qui est aujourd’hui arrivée à maturité et soutient complètement la comparaison avec les produits de référence sur le marché. Malgré son prix de 8.950€, elle constitue une alternative intéressante et réellement crédible au moment du choix pour l’enduriste amateur. Qu’il soit soucieux de faire claquer le chrono ou simplement désireux de s’amuser, la SE 300, sérieuse et joueuse à la fois, est un beau produit gagnant à être connu.
