Elle est toujours la seule à représenter la catégorie des Supersports de 750cc. Un isolement qu’on a du mal à comprendre tant elle regorge de qualités. Pour 2011, la Suzuki GSX-R 750 a perdu du poids, mais elle a aussi pris du prix…
Près de 14.200€ pour la nouvelle GSX-R 750 contre 13.770 pour la version précédente et 12.970 pour sa petite sœur de 600cc. Une augmentation «logique» compte tenu de la crise, du cours du yen, mais aussi de son développement technique. D’un point de vue esthétique pourtant, la «Gex» 2011 n’est pas franchement différente du modèle précédent. Comme souvent, c’est à l’intérieur que ça se passe. Mais pas seulement. La plus grande partie du poids gagné l’a été sur l’ensemble carénage – phares : 3,4kg ! En tout, pas moins de 8kg ont été gagnés, avec un empattement réduit de 15mm.
Impressions
La dernière évolution de la GSX-R 750 remonte à 2008. Quasi une éternité dans un segment aussi compétitif et concurrentiel que celui des Supersports. Mais comme on sait, la Suzuki est la seule représentante dans cette cylindrée des 750cc. Pour elle, pas de concurrence directe, sauf peut-être du côté des constructeurs européens. La Ducati 848 et la Triumph Daytona 675 font également bande à part entre les «classiques» 600 et 1000cc. Des modèles atypiques, mais largement plébiscités par les amateurs. En 2011, elles arrivent chacune dans des versions plus affûtées : la 848 Evo chez Ducati (13.600€ dans sa version Dark) et la Daytona 675 R chez Triumph (13.490€, mais seulement 11.790 pour la Daytona standard). La Gex se devait de réagir. Elle l’a fait avec le sérieux et l’efficacité qui caractérisent les productions japonaises : moins de poids, des dimensions plus compactes et une consommation revue à la baisse (pour un niveau de performances identiques). Côté esthétique, on déplore un certain manque d’audace et d’originalité de la part des designers, mais la 750 fait partie d’une famille de GSX-R. Une famille qui ne rigole pas avec les codes esthétiques qui sont les siens depuis plusieurs générations. Cela dit, la sept et demi reste une belle moto, à la décoration sobre et à la finition exemplaire.
Respect
Si elle impressionne moins que les 1000cc de la dernière génération bardées d’électronique et bourrées de chevaux (193 pour la BMW S 1000 RR, 200 pour la Kawasaki ZX-10R), la Gex 750 impose un certain respect. Un respect lié à son histoire. A sa légende. Personne n’a oublié qu’à ses débuts en 1985, la bleue a révolutionné la planète moto par ses performances et son rapport poids-puissance hors du commun. Chez Moto 80, on l’apprécie également au travers de la No Budget Cup. A chacune de ses sorties, «notre» numéro 80 modèle 1997 nous épate par sa bonne volonté, sa polyvalence et sa fiabilité. Dans ces courses d’endurance réservées aux vieilles gloires des années 90, elle ne craint que les Yamaha R1 et les Honda Fireblade. Et encore, seulement dans les lignes droites. Elle brille grâce à son homogénéité et au compromis idéal qu’elle représente : l’agilité d’une 600cc et la puissance d’une 1000cc.
Plusieurs générations de Gex plus tard, la formule est la même. Et le résultat toujours aussi convaincant : le juste milieu…
Les ingénieurs ont travaillé sur la position de conduite et sur la forme de la selle. L’impression d’une moto basse est immédiate. Pour cette présentation, les motos d’essai sont pourtant en position haute, l’arrière étant artificiellement rehaussé de 6mm. L’astuce est connue depuis longtemps chez Suzuki : deux petites calles au niveau de l’amortisseur arrière et le tour est joué.
Une assise basse donc, et une machine compacte, courte et rassurante. La prise en main est évidente et naturelle. Tant mieux : le circuit de Monte Blanco (sud de l’Espagne) nous est inconnu et la température de la piste est proche de zéro degré. Voilà qui transforme le premier round en session de découverte. La réponse au gaz est douce (du moins sur notre machine, d’autres étant plus perfectibles sur ce point), les montées en régimes sont progressives, les freins faciles à doser, les suspensions plutôt souples et l’équilibre général ne laisse entrevoir aucun défaut… La supersport «mid-size» japonaise n’a pas oublié d’être facile et prévenante. Et pour les situations plus délicates (pluie, adhérence précaire), le mode B limite la puissance à 100 chevaux, histoire d’éviter les mauvaises surprises.
On reprend le guidon en fin de matinée. Le soleil a réchauffé la piste. Les nouveaux Bridgestone BT-016 Pro vont pouvoir s’exprimer de manière optimale. La Gex 2011 aussi. C’est fou comme quelques degrés supplémentaires peuvent modifier le comportement général d’une moto. Pas de son moteur, mais surtout de ses liaisons au sol. Le grip est passé de «limite» à «largement suffisant», ce qui permet d’aborder les virages et les freinages avec moins de retenue. Pour le nouveau train avant, c’est un peu comme un examen de passage. Sur le papier, il devrait s’en sortir avec grande distinction, voire avec les compliments du jury : nouvelle fourche Showa BPF «big piston fork» (comme sur la GSX-R 1000 2010 et les Kawasaki ZX-6 et ZX-10R) et étriers de frein Brembo monoblock. La nouvelle fourche n’est pas seulement plus légère. Elle est également plus stable et plus efficace en détente, notamment en début de course et à faible vitesse. Il en résulte un meilleur rendement dans les changements rapides de direction, une meilleure stabilité au freinage, une meilleure maniabilité ainsi qu’un feeling général amélioré. Pour les freins, ce sont surtout les performances sur circuit qui ont été recherchées. Voilà pour la théorie. En pratique, ça donne quoi ?
Précision et polyvalence
D’abord un très bon feeling général, de la fourche comme des freins. La progressivité du freinage est remarquable, à tel point qu’on voudrait par moment bénéficier d’un peu plus de mordant. La puissance des étriers est largement suffisante, mais on apprécie surtout l’endurance, un point sur lequel le freinage des GSX-R 600 et 750 était souvent critiquable. Ce n’est plus le cas. La puissance est optimale du début à la fin des séances de roulage.
Belle progressivité et bon feeling général également au niveau de la fourche, dont les réglages n’étaient malheureusement pas parfaitement adaptés aux conditions du jour. La précision du train avant s’en trouvait quelque peu diminuée, avec des conséquences (minimes) au niveau de la confiance. Précision importante : il s’agit plus d’une caractéristique que d’un réel défaut. On ne bénéficie peut-être pas de la précision chirurgicale d’une Ducati 848 ou d’une Triumph Daytona, mais cela ne posera de (petits) problèmes qu’aux pilotes confirmés qui chassent le chrono sur circuit. Ceux-ci n’auront d’ailleurs aucun mal à trouver les réglages de suspensions adéquats. Et les autres profitent de la polyvalence légendaire des GSX-R, capables de concilier avec bonheur trajets routiers et sessions sportives sur circuit.
Question maniabilité, la Gex 750 2011 n’a de leçon à recevoir de personne. Elle met parfaitement à profit sa légèreté et son excellent équilibre général pour négocier les épingles et les changements d’angle avec une grande facilité.
On l’a vu, la stabilité au freinage a bien progressé. A l’accélération, l’amortisseur de direction joue parfaitement son rôle. Dans les courbes, le bilan est également positif, même si là aussi, des réglages «aux petits oignons» pourraient améliorer la situation.
Qui dit moins de poids dit souvent plus de performances. C’est le cas avec la GSX-R. Pourtant, les chiffres de puissance et de couple sont inchangés par rapport à la version 2010. Seule la courbe de couple est légèrement différente, avec une progression plus constante à partir des mi-régimes, mais aussi avec un «trou» plus profond aux environs de 3.000 tours. En piste, c’est pourtant à haut régime qu’on note une différence. A l’approche de la zone rouge, le bloc continue à «envoyer» sans retenue, alors qu’il avait tendance à perdre un peu de sa superbe sur le modèle précédent. Une bonne nouvelle donc.
Une de plus ! Hormis un look déjà-vu et des suspensions plus orientées «route» que «racing», la Gex sept et demi 2011 démontre à nouveau ses grandes qualités. Génération après génération, cette 750cc au gabarit de 600 continue à taper dans le mille. Dommage qu’elle fasse payer un peu cher sa différence…